Retour du convoi diplomatique

Titubant, la femme semblait se réveiller avec difficulté. Un homme venait de pénétrer dans la calèche. C'était un Hattori, sûrement un garde. Il disait de nombreux mots, lourds de signification :



Des médecins sortaient de partout, entourant l'espace et éloigner les ninjas en capacité de se mouvoir. L'état d'alerte était déclaré depuis le départ de Chihiro. Tout devait être fait si sa vie venait à être en danger. Ce qui semblait être le cas.



Les médecins hochaient la tête. Le transport étant possible, le déplacement se faisait via une civière lambda.

Sautant gracieusement du toit de la calèche, Masako ne perdit pas une miette du spectacle. Ne daignant même pas accorder la moindre attention au ninja médecin qui avait eu l'audace de lui donner un ordre, elle regarda la civière transportant l'Okasan s'éloigner. Pauvre femme, peut-être serait-il mieux pour elle qu'elle ne survive pas, au moins elle arrêterait de souffrir... et s’éviterait de vieillir encore plus. Avisant Misao, elle lui rappela que sa mission n'était pas terminée. La dame de compagnie de Shizuka était toujours un peu vexée d'avoir été ignorée alors qu'elle invitait poliment la kunoichi à la rejoindre, et l'état catatonique d'Asae n'était pas une excuse valable à ce manque de politesse élémentaire.



Sans attendre de réponse, Masako quitta les lieux d'un pas élégant et calme. Nul besoin de se presser, elle était déjà suffisamment décoiffée et poussiéreuse comme cela.

Le sang qu'elles partageaient fut sans aucun doute la seule chose qui retint l'animal terré au fond de l'âme de la kunoichi lorsque la servante de sa meilleure amie s'adressa à elle d'un ton qu'elle n'avait aucunement su modérer pour tenir son rang. La colère noire qui envahissait Misao au retour de cette mission accomplie avec tant de difficultés manquait de briser son équilibre mental habituel à tout instant dorénavant que la pression retombait. Mais le fait d'être arrivé en sécurité au village ne voulait pas dire qu'elle se sentait mieux pour autant. On lui avait confié l'escorte des Miwaku et dès le départ, on avait osé se dresser sur leur route. Elle avait été expéditive et ne souffrait d'aucun regret pour avoir fait couler le sang, sinon celui d'avoir frappé de peur Asae par sa propre image.

Puis il y'avait eu Konoha... Tout reposerait probablement sur la jeune héritière de l'Okasan bientôt, même peut être le compte-rendu de cette mission diplomatique puisque Misao ne savait guère ce qui s'était échangé dans le camp politique des habitants des feuilles. La rencontre avec Shinji... L'intervention impromptue de Sayan... Gekido, Kazami, le batracien. Elle espérait que leur voyage n'avait pas été inutile et que les disciples du feu n'oublieraient pas l'importance que devait avoir eu l'entrevue, malgré la tournure finale des événements et la révélation de leur conflits intérieurs aux yeux d'étrangers.

Cela avait continué jusqu'à leur propre frontière... Ce fou masqué. Elle ne l'oublierait pas de si tôt. Le fait de ne rien savoir de son visage au delà de ses yeux fous l'irritait au plus haut point. Elle le voulait mort, et pas uniquement dans les grandes lignes. Elle voulait lui arracher le cœur et le lui faire avaler alors que la vie le quitterait. Non... Masako n'avait vraiment pas bien choisi son moment pour oser s'adresser à Misao ainsi. Des années vouées à l'apprentissage, à la contrition de ses émotions les plus sauvages faillirent ne pas suffire. Un frisson la parcourait, ses iris s'étaient littéralement atrophiés autour de ses pupilles, les obstruant presque totalement et elle s'était mise à trembler.

Puis elle étouffa le monstre caché derrière ses yeux d'or. Elle ne serait pas comme les konohajins à s'entre déchirer, surtout pas avec un membre de son propre clan. Elle fit volte face de façon brusque et se dirigea vers le bureau de l'intendante. C'était une première pour elle, quand elle y réfléchît. Auparavant, elle avait toujours passé ses compte-rendu à un supérieur direct. Shizuka. Uniquement à elle. Et maintenant, une intendante issue de nulle part... Elle passa de la sourde colère à une insondable mélancolie.

Non, ces derniers jours n'avaient vraiment pas été terribles.

Elle frappa à la porte du bureau après de longues minutes à sa recherche puis elle entra avant même qu'on lui invite à le faire.

S'approchant comme lionne s'approche de son repas (ou de son mâle), Hidemi prenait un malin plaisir à observer la bête. Elle venait tout juste de la faire rentrer le plus simplement possible. Elle se levait déjà pour se retrouver face à la Kunoichi :



Elle soupirait. Franchement, l'intendante se disait qu'elle méritait tout de même des informations plus importantes. Et puis, elle aurait préféré rencontrer le beau-gosse de Kumo ; Gareki-sama. Elle se reprenait en bougeant la tête étrangement. Elle regardait à gauche puis à droite :



Sortant son calepin, la femme semblait griffonner déjà quelques mots. Sa manière de faire était souvent très critiquée, Misao allait pouvoir la subir.



Hidemi voulait tout savoir. Non pas se limiter à un compte-rendu, elle souhaitait surtout examiner la Kunoichi. Le Raikage en avait fait la demande, elle possédait sûrement un grand avenir au sein de ce village.

"Remplaçante de Hattori Gareki".

Encore. Elle serra les poings de crispation à s'en faire blanchir les phalanges. Elle ne connaissait pas ce shinobi personnellement et ne le souhaitait absolument pas en l'état actuel des choses. Non, ça allait bien plus loin que ça en vérité, mais elle se refusa à ce genre de pensés envers un Hattori. Ils étaient son clan, sa famille, ceux qu'elle chérissait et voulait protéger. Son abnégation n'était pas criée sur tout les toits ? Et alors quoi ? Elle n'allait pas changer pour si peu. Elle soupira et haussa les épaules.

En ce qui concernait l'Okasan, elle doutait des propos de cette femme étrange. La vieille Chihiro avait été emmenée en urgence pour des soins, elle n'était pas en état de subir un débriefing de la part du Raikage. Mais cela n'avait aucune importance en vérité, ce qui l'était, c'était que l'on s'occupe de la maîtresse des Miwaku. Malgré la fatalité de la révélation qu'elle avait eu en parlant avec cette dernière durant leur retour, elle ne souhaitait pour rien au monde que la mort vienne la prendre si tôt alors qu'elles venaient tout juste de faire connaissance. Ce serait injuste... Elle avait senti avoir beaucoup à apprendre à son contact. Sa perte serait une blessure terrible pour le clan tout entier.

Toute à ses pensés, Misao n'entendit même pas l'intendante pester au sujet de son fameux bureau. Puis vinrent ses questions, qui la ramenèrent à la réalité. Ces dernières n'avaient rien d'interrogations conventionnelles pour un rapport. Néanmoins, Misao était trop lasse mentalement pour trouver la chose véritablement intrigante.



Le positif et le négatif ? De quel point de vu parlait-on ? Elle ne se sentait pas capable d’asséner le sien comme une vérité universelle. C'était là le travail des Jônin, du Kage ou des membres pensants du clan, pas de l’exécutante qu'elle était. Enfin... Justement, elle n'avait aucun problème pour répondre de son propre point de vu étant donné le peu d'importance qu'il avait.



Elle ne voyait pas de négatif à cette excursion. En vérité, cette mission était un franc succès. Mais il y'avait eu les événements du retour.



C'était sa colère qui parlait. Mais pour une fois, elle révélait une certaine sagesse. Cependant, l'exercice d'un rapport à toute autre que Shizuka était une première... Inconfortable. Et elle n'y accordait qu'une importance très modérée. Si Chiriro s'entretenait vraiment avec Masashi, alors c'était son avis à elle qu'il fallait connaître. Elle haussa les épaules de dépit.

Hidemi était une partisane de la politique. Elle savait bien évidemment que le Kage était le seul dirigeant, mais elle espérait en douce le retour des conquêtes. Pour elle, la guerre allait se propager à Kumo, que le pays le souhaite ou non.



Hidemi souriait un peu bêtement. Le simple fait de ne pas lui parler comme à une amie représentait une forme de respect. Les femmes gradées étaient rares, elle était heureuse de savoir que Misao devenait quelqu'un au sein du village. Le Raikage lui avait personnellement demandé de la rencontrer. Ce n'était sûrement pas pour rien. La reine aurait très bien pu s'en charger.

Demain ou un autre jour... Misao était lasse et elle avait besoin de se décrasser, de se défouler d'une manière ou d'une autre. Le voyage aurait du l'éreinter, c'était d'ailleurs ainsi qu'elle extériorisait sa fatigue. Elle voulait revoir Shizuka. Mais ce n'était plus possible à présent de justifier une telle entrevue sur un coup de tête. Pestant intérieurement, elle n'écoutait qu'à moitié les hypothèses et les suppositions d'Hidemi, acquiesçant à ses propos plus par politesse que par une véritable compréhension de ses propos.

Quand bien même, elle appréciait la liberté mentale que le fait d'être un exécutant procurait. On lui disait quoi faire, lui ôtant ainsi la responsabilité d'un choix et de ses conséquences. Néanmoins, cela ne voulait pas dire qu'elle ne se sentait pas concernée par les affaires du clan. Elle n'allait pas laisser l'intendante sans matière à son argumentaire ou sans réaction de sa part, elle ne faisait que son travail et ne méritait pas le moindre mépris venant de Misao.



Elle aurait pu se sentir flattée de l’intérêt de cette intendante à son égard, de l'avenir grandiose dont elle parlait. Mais ce n'était que Hidemi. Elle ne la connaissait pas et ne pensait pas un seul instant qu'elle puisse être une voix entendue au sein de la hiérarchie du clan. Prononcés par d'autres qu'elle, ils auraient pu avoir un certain impact, certes. Mais elle était entièrement tournée vers son inquiétude vis à vis de la santé de l'Okasan, de celle d'Asae et de ce qu'il advenait de son amie la plus chère actuellement.

Elle acquiesça à nouveau puis tourna un regard fatigué vers Hidemi.

Elle relevait ses lunettes. Intéressante. Elle possédait donc un avis malgré son statut. Mais elle semblait le protéger, le cacher derrière la parade la plus commune de ce bas monde. Elle l'observait comme un prédateur observe son repas.



Hidemi en avait besoin d'un peu plus, elle ne semblait pourtant pas certaine. Il était trop tôt. Accompagnant Shinichi dans son rôle, elle se devait de trouver des ninjas habiles pour la surveillance du village. Malgré tout, elle ne pouvait clôturer cette femme au sein du village. Elle semblait posséder un avenir.



Elle souriait.

Elle manqua de faire simplement demi-tour sans rien dire, quitter cette pièce pour aller se rendre au dojo ou elle ne savait où afin de se trouver un exutoire. Elle avait trop emmagasiné, elle avait besoin de laisser s'échapper la pression. Misao s'apprêtait à s'en aller, lorsqu'elle se souvint que Hidemi n'était absolument pour rien dans son état et qu'elle ne faisait que son travail. Ce n'était pas juste vis à vis d'elle. Elle se retourna et lui sourie sincèrement :



Puis elle n'attendit pas la réponse de l'intendante, elle acheva de quitter les lieux tout en laissant passer un bras par l’encadreur de la porte et en lançant d'un ton enjoué :