Le problème de la prostitution

La nuit était déjà bien entamée. Il pouvait être 1h, ou peut-être même 2h du matin lorsque Fumi poussa les portes du bordel de Raiko avec la boule au ventre. Il faut dire qu'elle venait de passer près de deux gros déguelasses qui fumaient leurs clopes juste devant la bâtisse. Elle craignait la découverte qu'elle était sur le point de faire. Son amie d'enfance, Yuna Miwaku, était bien ici pour vendre son corps. Même si la brune s'en doutait depuis déjà quelques temps, la réalité lui faisait un choc. Elle serra son poing droit et prit la direction de son amie d'enfance en bousculant les quelques pervers qui lui barraient la route. Elle attrapait le poigné de Yuna et la tira vers elle. Alors qu'elle plaçait sa veste sur les épaules de la Miwaku, les clients commençaient à hausser le ton.



Yuna me regardait l'air un peu perdu. Elle savait que Fumi désapprouvait totalement sa présence ici...



Un homme attrapait le bras de la kunoichi.



Un autre :



Fumi ne comptait pas s'attarder en ce lieu à l'ambiance malsaine. Elle retirait violemment son bras des mains de l'autre type et s'avançait vers la sortie.

        Régler les problèmes des filles était aussi une part du travail du patron ; régler ceux des clients, encore plus. Ainsi, voir apparaître l'androgyne n'était bon signe que pour l'une des deux parties du conflit, ou encore plus rare, n'étant bon pour aucune. Mais son héritage voulait de plaire à chacun, un héritage qu'avait prit soin d'entretenir le fils de l'Okasan. Aussi, s'émiscea-t-il tel un courant d'air entre ses clients et la brune. Discret, ce fut à peine s'il se fit remarqué dans tout ce tapage. Il resta cependant un peu en retrait, comme dans l'ombre des autres, et d'un regard amusé par ses propres propos, il demanda :



        Raiko était à ce bordel ce que le prince était à sa cour ; à ces mots, les regards se tournèrent vers le maître des lieux et le calme se fit. Le ton de l'androgyne était à la fois fluide, comme l'eau qui ruisselle, et sec, ce qui imposait un respect étrange. Si toutefois, durant cette brève période d'accalmie, la belle brune pensait réussir à s'éclipser, Raiko, malin, apostropha aussitôt son employée.



        Le Miwaku accompagna ses paroles d'un regard pénétrant et la belle, jeune et frêle Yuna détourna le sien, comprenant sa bêtise. Car même si c'était la brune qui avait commis l'impair, les règles étaient claires : nul ne pouvait prendre une chose appartenant à Raiko et ce bordel, ces filles, ces clients, tout cela appartenait au bon vouloir de l'androgyne. Raiko ne démordait pas. Jamais.
        Il se tourna vers Fumi et lui servit cette même expression subtilement amusée qu'il servait à ceux qui le rencontrait pour la première fois et de ce ton mielleux, il tenta de l'amadouer.



        Yuna semblait encore plus inquiète de son sort, maintenant. Car si Raiko semblait serein d'apparence, conciliant et posé... Toutes connaissaient le poison dont bouillonnait le fils de l'Okasan. Un poison encore pire que celui des Hattori. Un poison de supplices et de châtiments. Un poison mortel !

Le visage de Fumi marquait à la fois un certain agacement, mais aussi du dégoût. Comment ce type avait-il oser dire cela de son ami ? Et pensait-il réellement que de telles paroles pouvaient la faire renoncer à ses intentions? Elle ne laissait pas l'initiative de la parole à la Miwaku et rétorquait vivement :



Le ton était monté d'un coup, contrastant avec la voix mielleuse de Raiko. La colère envahissait peu à peu la chuunin et celle-ci n'avait pas chercher à s'en cacher. Après quelques instants de silence, elle entamait la réflexion qu'il pourrait être plus prudent de manifester un certain calme. Bien sûre, elle ne duperait personne ici et maintenant, mais disons qu'elle n'avait pas d'intérêt à marquer les esprits...



Fumi ne finissait pas sa phrase, pourtant les mots lui brûlaient les lèvres...

        Raiko éclata d'un fin, se masquant la bouche de sa manche, de la façon la plus maniérée possible. S'il était parfois difficile de plaire, le jeu était de parvenir à glisser comme l'anguille entre les propos adverses et s'incruster entre les murs de la raison de son opposant, pour lentement y déverser son poison. La grande brune l'impressionnait tout de même ; de sang Hattori, sa dévotion à sauver son amie Miwaku forçait le respect. Mais pour avoir côtoyé dans sa jeune enfance le grand Masashi et sa jeune soeur et épouse, Raiko aimait croire qu'il connaissait les Hattori assez bien pour faire changer d'avis la kunoichi. Peut-être se trompait-il ? C'est ce que le jeu lui apprendrait.

        Mais avant de poursuivre, il se tourna vers les clients oubliés. D'un grand geste théâtral, il ouvrit les bras, s'interposant entre eux et Fumi.



        Une belle et élégante femme glissa vers les différents hommes, ouvrant légèrement son kimono enfin de dévoiler des seins lourds et doux. Si certain grognerait, Jun saurait les dérider.
        Bien, voilà une chose de réglée. Ne restait plus qu'à s'occuper du cas de Yuna.

        Raiko fit volte-face et s'installa sur l'un des bancs près de l'entrée, où l'on faisait patienter les clients. Il baissa un peu la voix, invitant ainsi Fumi à en faire de même. Il devait s'en débarrasser rapidement, ou alors ses affaires en pâtiraient. D'autant plus que son tempérament rassurait sa Yuna, ce qui énervait Raiko. Mais le montré aurait été de dévoiler ses cartes et c'était la dernière chose à faire devant un Hattori.



        Il fixa Yuna, mais continuait de parler à Fumi.



        Son regard se fit plus insistant cette fois, envers Yuna, et celle-ci trembla.



        Raiko se leva, et si l'on pouvait croire que l'entretien était terminé, au dernier moment, il se retourna lentement. Son regard, cette fois, n'avait plus rien d'aimable et accueillant. Ses propos étaient cinglants, ce qui contrastait avec sa voix contrôlée, voir sereine.



        Les derniers mots n'avaient été qu'un chuchotement, et le filet se refermait sur sa proie.

Fumi, bien qu'assez évasive, prenait alors un air amusé. Le ton était à la suggestion, car il n'y avait aucun intérêt à proliférer de réelles menaces. Il était plus opportun de rester dans les non-dits. Et beaucoup de gens nourrissent leurs craintes dans l'inconnu. Il est souvent plus aisé pour le commun des mortels d'attendre sa sentence. On déroge à la règle en sachant ce que ça implique. Peut-être même que certains fous estiment que le châtiment qui leur est imposé est légitime. Qu'ils le méritent. Raiko ne semblait pas appartenir à cette dernière catégorie. L'androgyne montrait bien trop d'assurance. Fumi se serait pourtant donnée un malin plaisir à lui tirer les vers du nez. A créer un sentiment de frustration en lui. S'il vit tel un prince, contraignez-le à 2 reprises et il se détruira lui-même de l'intérieur. Mais ce n'était ni le lieu, ni l'instant. On ne vient pas défier la reine au milieu de sa ruche juste après avoir dérobé son miel...

Raiko s'était installé sur un banc mais Fumi avait refusé d'en faire de même. Elle ne comptait pas s'attarder ici. La kunoichi se sentait rapidement outrée par le discours de l'homme qui se tenait devant elle. La brune avait mal au coeur pour son amie qui était le témoin de cette scène. Malgré tout, elle ne se sentait pas surprise. Elle savait que ce type n'avait pas le moindre respect pour Yuna, ni pour aucune de ses choses.



Même si l'envie lui prenait d'abîmer son jolie minois, elle en restait là. Fumi tirait son amie vers la porte, il était probablement temps de s'eclipser.



Yuna semblait prête à la suivre, mais elle ne faisait pas preuve d'une grande assurance. Combien de fois Fumi devrait-elle encore venir la chercher ici avant qu'elle ne comprenne ? Ou avant qu'il ne soit trop tard...

        Raiko était à la fois l'enfant sage et l'enfant égoïste ; lorsque sa chose sembla se retrouver derrière le caractère impétueux de la belle Hattori, plutôt que derrière lui, Raiko s'en mordit la lèvre. L'une de ses mains, cachée dans son dos, caressait du bout des doigts la seringue effilée que lui avait un jour remise Masashi, remplie de son poison. Depuis lors Raiko ne l'avait plus quitté, la gardant précieusement près de lui... Car tenter de convaincre ces êtres de chairs et de poisons était chose difficile, et Raiko, énervé, s'était pris du mauvais angle. Aussi baissa-t-il le regard, en signe de respect, marquant le jeu d'un point en faveur de la belle. L'échange tirait à sa fin et l'androgyne se devait de dévoiler sa dernière carte : celle du parfait serviteur. Après tout, il s'adressait à une Hattori, soit à une cousine éloignée du Seigneur Raikage. Une autre créature immonde, garda pour lui le proxénète.



        S'il s'était penché afin de prouver sa bonne foi, il releva tout de même les yeux pour un ultime affrontement. Cette fois, il fusilla du regard Fumi, plongeant ses yeux clairs dans ceux dorés de la belle. Ses mots furent alors corrosifs.



        Et la musique du jeu s'achevait sur une note parfaite, tandis que le filet tombait sur la proie. Un plan parfait, résumé en un seul avertissement, qui plongerait sa rivale dans le plus grande des désarrois.

Fumi écoutait les propos de l'homme, mais elle n'appréciait guère les airs qu'il se donnait. Elle répondait finalement d'un ton plutôt calme :



Elle cherchait alors à plonger ses yeux dans les siens et à s'affirmer :



Les deux femmes disparaissaient alors dans la nuit. Fumi priait pour que son amie ne remette plus jamais les pieds ici. Mais elle émettait des doutes.

        Raiko la regarda partir, d'un air morne. Ainsi l'aigle croyait avoir attrapé dans ses serres le serpent qui rôde ? Non, il n'avait fait que s'emmêler les ailes dans un nid de couleuvres. Un nom n'était pas tout, c'est ce que, tout sa vie, Raiko avait tenté de se prouver. Fils de Chihiro, il n'avait jamais tenté de l'impressionner. Au contraire, il avait tout fait pour salir son héritage. Alors si cette kunoichi, dont il ignorait le prénom, pensait pouvoir se protéger d'un homme qui portait le nom de Miwaku, simplement dû à son statut ? À ce qu'il sache, cette jeune femme n'était rien ni personne.

        Déjà, Yuna et son ange-gardien n'étaient plus visibles, mais Raiko proféra tout de même ces menaces que l'Hattori semblait tant détester.



        Un soupir aussi glacial que le souffle de la mort. L'androgyne se retourna et rejoignit son bureau. Fumi ne devait pas détester les menaces du bellâtre, elle devait les craindre !