Ronde Nocturne Inopinéé

        L’homme qui arborait à présent le blason torsadé de la section Eda parcourait les rues de Konoha, quand la lune illuminait le ciel. Son esprit n’était pas enivré par un liquide aux effluves forte et puissante capable de chasser un mauvais rhume, malgré l’heure tardive. La routine accoudée sur un comptoir de taverne occupait un peu moins sa vie. Ses inquiétudes n’étaient pas tant préoccupé par quel alcool allait-il prendre ou quelle carte allait-il jouer. Le quarantenaire patrouillait, pour le bien du village militaire...

        En soit, le Kitto ne craignait pas une attaque externe qui en voudrait à la Feuille. Le Kitto se faisait encore son propre avis depuis son retour « a la maison ». Pour l’instant, il s’intéressait aux altercations Chikara et Uzumaki. Une attitude poussée a la fois par la curiosité et une lassitude saisissante. Une lassitude, qui bientôt le pousserait à agir d’une quelconque façon, l’ex-mercenaire ne restait jamais bien longtemps inactif. Au détour d’une rue assombrie par le voile noir de la nuit, un événement animait enfin sa ronde clanique.

Karasu... Karasu ! Tu les entends, n'est-ce pas. Ces voix, murmurant en ton esprit. Elles te démangent, Karasu, au plus profond de toi, ton seul désir n'est autre que de t'arracher la tête, mais elles t'en empêche, les voix... Tu n'as point torturé depuis des décennies, ce sentiment de manque incessant t'envahi. A l'entour, ce que tu considère comme du bétail pullule. A vrai dire, il ne te suffirait que d'une fraction de seconde afin de sectionner la tête d'un de ces pauvre malheureux. En revanche, est-ce là ce que tu souhaites vraiment ? Cette pratique est prohibé au sein du village, tout du moins lorsqu'il y a des témoins, mais ça, je n'ai pas besoin de te le dire, tu es dors et déjà au courant, et c'est pourquoi tu ressens en ce jour, une soif de sang insatiable sans pareille autre.

Le pas lourd, les bras ballants, le regard fixé au sol, la bave aux lèvres, tu déambules en plein milieu du village, tard le soir, approximativement vers les coups de minuit. L'air est frais, les rues sont désertes il n'y rôde même pas ne serait-ce que le moindre chat. Toutefois, tu ne t'aviserai jamais de commettre un acte que tu juges irréparable tel que s'en prendre à un animal, effectivement, pour tout dire tu considères même d'avantage la vie de ces petits êtres aussi fragiles soient-ils à celles des humains, ou même encore à la tienne. Au fil du temps, tu t'es même surpris à envier ces créatures et ce que tu envie le plus, ce sont leur innocence.

Soudain, au bout du chemin tu pouvais très clairement y apercevoir un homme imposant, borgne et barbu, frôlant sans doute la quarantaine. Un Shinobi en ronde très sûrement. Quelque part, pour toi c'était une aubaine à ne pas laisser passer, tu te redressais, fixant le borgne une dizaine de seconde avant de renfiler le masque que tu portes de manière récurrente lorsque tu passes à l'action.



T'écriais-tu avant de piquer une foulée ahurissante en direction du vieillard, dans le feu de l'action, tu projetais un kunai servant en tant que leurre, une fois ce dernier-ci paré, tout du moins, uniquement s'il l'était, bien qu'une offensive de ce niveau était très facile à parer. Suite à quoi tu préparais un coup de coude bien placé visant le menton de l'homme, tentant, si ceci ne suffisait pas, de poignarder le borgne d'un second kunai, empoigné par ton autre main. Il ne nous reste plus qu'à voir comment va t-il se défendre contre ça.

        Une voix, semblable a un hurlement d’un loup qui filait sur sa proie, venait déchirer l’air. Keisan se retournait vers l’origine d’où provenait ce son si humain, pourtant déformée par une bestialité certaine, avant de découvrir un visage de bois et de motif brouillé par l’obscurité. La lune dissimulait un reflet métallique dans les mains de l’attaquant, avant de se mouvoir vers le barbu. Rapidement, une esquive simple fut effectuée par le quarantenaire avant de s’armer de la même arme. Néanmoins, l’adversaire qui se profilait agressif arrivait avec un coup verrouillé, qui ferait mal s’il était encaissé. L’ennemi en face de lui savait se battre efficacement, avec des coups sûrs que sont les coudes et les genoux. La rapidité de l’enchainement de lui permettait de l’ignorer.

        Ne pouvant bloquer totalement le coup, Keisan portait son avant bras dressé devant lui avant de lui faire subir une rotation, amenant le coude sur son épaule a la place de son menton, ce qui l’aurait sonné. Cela lui donnait une impulsion violente qui le repoussait de son adversaire. Pourtant, il sentait une fraicheur nouvelle sur son bicep, avant de sentir des picotements et une forte chaleur. Une lame venait de le couper, l’air froid de la nuit venait apaiser la coupure et s’opposait au liquide de fer rougeoyant et chaud. L’un de ses pieds retouchant la tuile d’un toit, le borgne reprit l’équilibre et se ressaisissait. Cela faisait longtemps… Qu’il n’avait pas participé au jeu du chat et de la souris, du traqueur et du traqué, du chasseur et du chassé.. L’ex-mercenaire ne savait qu’une chose : il n’était pas une proie.


        Un sourire se traçait sur son visage. Depuis quand n’avait-il pas ressenti cette adrénaline ? Les contrats de mercenariat lui manquaient véritablement ? Lui qui pourtant, avait enfin tourné le dos à ce monde. D’un naturel, il matérialisait a ses côtés un clone de terre qui chargeait avec lui l’homme, dans le but de mener un combat de Taijutsu a deux contre un.

Du sang... DU SANG, KARASU A VU DU SANG ! Karasu... Karasu... Ressaisis-toi Karasu, ta proie est douée, le combat n'est pas encore joué d'avance. Analyse la situation : Non sans mal, il vient d'esquiver ta première offensive, déviant par la même occasion ton coup de coude, là où nous sommes avantagés, est que ton Kunai a fait mouche, déchirant la peau de son biceps. Il a manqué l'opportunité de contre-attaquer, cela ne signifie qu'une seule chose, ton adversaire est au Taijutsu moins féroce que ce que tu ne peux l'être, sa puissance physique est moindre, non inquiétante. Afin de se débarrasser de toi, il effectue un pas en arrière, matérialisant aussitôt un clone de boue. De ce que tu sais sur les clones, ce sont des créatures peu puissante doté d'une intelligence bien moindre quand à l'être humain. En quelque sorte, les clones sont d'avantage utilisés comme leurre afin d’exécuter une stratégie. Ainsi, le borgne et son fac-similé se ruaient en ta direction. Du deux contre un... Hm. Tu projetais une seconde fois le kunai avec lequel tu venais de trancher l'homme en direction du clone, celui-ci dissimulant un senbon également projeté, visant la tête, le but étant de le détruire le plus rapidement possible. Enfin tu répondais à la provocation du barbu et commençait un échange de coups au corps à corps avec ce dernier. Tout d'abord un coup de poing droit des plus banal accompagnait rapidement un revers de ta main gauche, suivit d'une balayette prétendant neutraliser rapidement l'adversaire. Ayant reniflé l'odeur du sang de ton opposant, tu le plaquais avec brutalité au sol



S'il ne réagissait pas au plus vite, il risquait très certainement d'y laisser la peau.

        L’affrontement se menait face à face. Cette fois-ci, il n’y aurait pas de surprise. Le lancer de kunai était facilement esquivable par le clone, qui s’était simplement baissé en pleine course. Nul besoin de percevoir dans l’ombre du premier projectile, le senbon qui s’y terrait. Les mouvements du quarantenaire, naturels et décontractés, traduisaient une grande expérience. Arrivé au corps a corps, une droite accueillait le barbu. Ce dernier allongeait son bras a son tour, enfin de le bloquer depuis l’intérieur du coude. Son adversaire réagissait intelligemment, en prenant sa main droite pour effectuer un revers, du bas vers le haut.

        Sa parade déjà placée, déjà occupée par le blocage du bras de Karasu, était donc une véritable passoir pour une autre offensive venant du même côté. La force du coup était faible a cause du mouvement anodin, Keisan n’était ni blessé ni déstabilisé, mais son attention n’était pas porté a ses jambes qui se firent fauchées. Au sol, l’homme masqué rejoignait le borgne avant de lui annoncer qu’il allait lui broyer les os. Pourtant déjà, cet inconnu pouvait sentir sous sa gorge une pointe glacée menacer sa vie. Celle dont il s'était armé au tout début.


        L’ex-mercenaire était par terre, mais il n’était pas soumis à son adversaire. Il avait même l’avantage. Sur sa nuque, un autre kunai venait rejoindre sa peau, pointé par son clone. La situation en main, le barbu l’obligeait désormais à lui obéir :

Karasu, tu t'en rends compte n'est-ce pas ? Ta défaite est à portée de main. Ce borgne, il le mérite bien, ton respect. Sincèrement, il vient de te ridiculiser en deux temps trois mouvements, tu n'y a vu que du feu et t'es jeté à bras ouvert dans la gueule du loup. Karasu... Tu es un imbécile Karasu. L'excès de confiance en toi t'aura mené à ta perte, à présent, tu es désemparé, à la merci du chasseur. En fin de compte, les rôles s'étaient inversés, dès le moment où tu as croisé son regard, tu es devenu, sa proie...



Tout du moins, ce n'était pas un hurlement de frayeur loin de là, tu riais, à gorge déployé. Ton masque, tu le soulevais suite à la demande du vainqueur. Sous celui-ci, s'y révélait un visage balafré de long en large, dépourvu d'expression faciale, n'éprouvant rien de plus que le néant.



Tu fixais le borgne, comme si tu attendais de lui une réponse ou quelque chose en particulier.

        Keisan avait vu juste, cet homme se nommait bien a la troisième personne. Il ne trouvait comme explications qu’une dépersonnalisation ou un excès diabolique d’estime de soi. Cet illustre inconnu était particulier, voir même déroutant. Le quarantenaire n’entrevoyait pas encore la nature de la folie qui le rongeait. L’étrange ninja admettait facilement sa défaite, et tout aussi aisément de dévoiler son identité, sous des rires exagérés. L’anonymat serait donc brisé. Un visage abîmé - bien plus que celui du borgne - macabre et dépourvu de vie servait de facies à l’assaillant.

        A son tour, l’homme aux multiples cicatrices demandait le nom de celui qui l’avait vaincu, avant de se lancer dans des éclaircissements courts quant au motif de ses actes. Des arguments flous et peu convainquant, mais Keisan était un homme qui avait un instinct fidèle, et celui-ci jugeait l’homme d’une autre manière que celle d’un membre lambda de la section Eda. Ouvert à la discussion, il répondait :


        Toujours en position couché, son kunai s’appuyait toujours contre la gorge de celui qui se désignait le corbeau. Plus par sécurité d’étancher sa soif de savoir, et découvrir quelle vérité se cachait derrière cet homme, que par sécurité envers sa vie.

Karasu... Cet homme ne porte aucune confiance en toi, pourquoi t'entêtes-tu à sympathiser. Comprends-le, Karasu, ton visage épouvantable rebuterai quiconque oserai te dévisager. Le kunai pointé en ta direction, en cas de geste brusque, lui donne l'air de s'assurer une protection de choix, puisqu'au moindre mouvement de ta part, celui-ci menace de t'embrocher. Paradoxalement, son visage est serein, stoïque, il ne te donne pas l'air d'être effrayé. Sans doute un homme expérimenté des champs de batailles, un mercenaire ayant vu des cas, probablement même pire que toi.



La panique t'envahissais, tu te remémorais ces sombres événements venu perturber ton enfance, des larmes se mirent à couler le long de ton visage, un sanglot incontrôlé qui toutefois, ne laisse aucune place à une tristesse apparente sur ton profil, inébranlable, mort, vide.

        Kitto Karasu serait donc son nom complet. Pourtant, ce dernier reniait ce patronyme souvent considéré comme illustre et sage. La vérité, c’est que ce nom avait autant de réputation que d’homme a la surface de la planète. Ce clan était avant tout libre et diversifié, ayant connu des années à vivre tel des nukenins errants. Les hommes du clan Kitto ne possédaient pas forcément la pupille, n’était pas forcément originaire des mêmes pays, et parfois naissait sans être ou sans savoir être un Kitto comme cela avait été le cas de Keisan. Comme d’autres, il avait intégré ce clan, car les Kitto étaient également une communauté accueillante et très recruteur. Cela ne le surprenait pas d’entendre de tels maux sur son clan.

        Dans son discours, Karasu laissait couler des larmes, qui faisaient opposition avec son visage impassible. Le barbu n’avait pas pensé aux vampires lorsqu’il voulait savoir pourquoi le sang attirait son assaillant. Il pensait que ces créatures n’étaient que le fruit de l’imagination de la peur des hommes. Il n’en avait jamais croisé. L’idée qu’un suceur de sang se trouvait dans les murs de Konoha en pleine nuit ne lui avait jamais traversé l’idée. Face aux explications du corbeau, Keisan comprenait sa situation, leurs situations. Il faisait subir ce qu’on lui avait fait subir.

        Mais il avait saisit que ce n’était pas de la vengeance. Il admettait ses tords. Ce n’était ni de la dépersonnalisation, ni une surestime de soi. C’était un complexe d’infériorité qui prenait racine en son passé. Si on lui avait privé de sa liberté comme un esclave, il réclamerait aujourd’hui une indépendance si forte qu’elle écraserait celles des autres. Il inversait les rôles, le serf devenait seigneur. Aujourd’hui, le supplicié était devenu le bourreau. En enlevant le kunai de la gorge de Karasu, le quarantenaire annonçait :


        Dans un mudra qu’était le Kai, faisant disparaître le clone de terre qui le menaçait encore, il terminait :