Observant ses invités entraient chacun leur tour, le Bellâtre n’était jamais ennuyé de recevoir les nouvelles des avis sur ses services, et la dichotomie flagrante qu’il pouvait susciter entre les Seigneurs Hattori et les Miwaku. Le Servi et le Serviteur. L’un comblé, l’autre éreinté. Les deux faces d’une même pièce. Les deux tristes faces d’un Empire, que le Miwaku avait tôt fait d’orienter vers le moins pénible sens.
Le Bellâtre fixait la scène, tout en cachant un sourire espiègle derrière son éventail. Cette situation impromptue et dangereusement incongrue l’amusait tout spécialement. Miwaku Raiko, le honni du clan, qui s’octroyait le pouvoir de faire attendre la noble Kagero, médecin réputée et désormais directrice de l’Hôpital, dans un environnement qu’elle jugerait, sans aucun doute, hostile, étranger, et surtout révoltant. Le Maître des Lieux jubilait d’autant plus de cette situation lorsque son amant secret, mais pourtant bien présent, avait presque littéralement craché au visage des insultes à cette femme qui se pensait probablement intouchable.
« Douce ironie ». Le Monde c’était pendant une fraction de seconde inversé. L’être jugé par tous néfaste était presque vierge de toute critique alors que la Dame Honorable se faisait bousculer sans ménagement. Au final, même Soshi, qui avait pourtant une réputation de femme de plaisir hautement prisée, n’avait pas reçu un seul commentaire. Sans un mot, une chaise vola, alors que le Bellâtre lui, se faufilait avec grâce jusqu’au dos du Seigneur colérique. Il posa alors sa douce main sur l’épaule de son amant maudit, et secret, et annonça d’une voix mielleuse.
« Allons, allons… Reprenons notre calme. »
Avec une délicate attention, le Bellâtre approcha ses lèvres de l’oreille de sa petite algue, avant d’habillement les dissimuler grâce à son éventail, aux partenaires de crimes présent dans la pièce. D’une voix douce, il lui murmura.
« Manquerais-tu l’occasion d’un voyage en ma compagnie, ma petite algue ? J’ai besoin de toi, elles ne sont que des pions d’un dessein qui les dépasse… »
Demi-mensonge ou demi-vérité, l’éphèbe ne s’attarda pas plus sur le sujet, et déposa un délicat baisé sur le cou de son amant. Aussi discret que rapide, c’était à ce moment précis que d’autres individus entrèrent dans la pièce, découvrant ainsi le Bellâtre tenant la hanche de son amant, le torse collé à son dos, et la tête proche de son cou. Sans afficher une quelconque déstabilisation, l’oiseau bleu décolla de sa position pour tourner sa tête vers les impromptus invités.
« Non… Vous êtes pile à l’heure. Quant au sujet de votre invitation, ne nous en préoccupons pas davantage. L’important est d’être là à temps. Je vous pris de prendre place. Seigneur Hattori Nori, suivez-moi. »
Un simple sourire mielleux s’affichant sur son visage. Miwaku Nobuhisa, et Miwaku Azamuku. Deux personnages que le Bellâtre avait habilement écarté de ses affaires. A raison. Si ce petit fanfaron et dévergondé aurait pu obtenir cette information habilement entre deux coups de langue, la question était tout autre pour l’hideux. L’information n’était pas spécialement secrète, mais cela prouvait qu’il avait accès à un réseau d’information inconnu. L’information étant acquise, le Bellâtre leur fit alors dans un mouvement parfaitement maîtrisé, signe de prendre place autour de la table.
Sans un mot, et dans un naturel étrange, le Bellâtre fit asseoir le Seigneur dans son lit, et pris place à ses côtés.
« Une petite introduction…
Comme vous le savez tous, ces beaux quartiers des Plaisirs ont une fonction régalienne. D’une part, ils font office de présentation de la domination évidente de Kumo sur un autre front que la domination militaire, comme le divertissement et l’économie, et d’autres part, ils font office de lieu de soupape pour ceux dans le besoin. Ils ne sont pas un danger pour sa majesté, mais un atout. »
« Du moins, jusqu’à récemment. Ils ont malheureusement peu à peu pris une teinte désastreuse sur tous les points. Ils sont indignes de Kumo. Notre Empereur souhaite désormais avoir pleinement le contrôle sur ces activités, et redorer par la même occasion ces lieux. »
Le Bellâtre fixa chacun des invités durant son discours. Il était le honni, le Hattori né dans un corps de Miwaku. Le seul ayant vécu au sein même du palais impérial, de part le rôle de sa mère.
« Peu m’importe les convictions de chacun sur la pègre et son utilité, mais sachez une chose, elle est telle une hydre vorace. Coupez-lui une tête, et il en repoussera deux plus maligne que la précédente. Coupez-lui toutes les têtes par miracle, et il en viendra une autre dans son terrier, plus féroce, plus vorace, plus rusée. L’Ombre est indissociable de la lumière, et plus notre Empire brillera, plus son ombre s’étendra inévitablement. »
« C’est pourquoi la pègre et ses réseaux doivent être sous contrôle. C’est d’ailleurs là mon rôle, en tant que Fils de la précédente Okasan… Maintenir cet équilibre, et assurer à l’Empire un contrôle fantôme sur ses propres ombres. »
Dans ses mots, le Maître des Ombres pouvait presque paraître raisonnable. La vérité était que Masashi souhaitait simplement annexer petit à petit les activités illégales. Le Bellâtre lui, en profitait pour en tirer une position plus honorable que l’immondice servitude subis par certains membres de son clan, maintenu par des chaînes invisibles.
« Dissipons les rumeurs sur l’heure, je dispose bel et bien du monopole sur le proxénétisme, l’alcool et le jeu. Il ne manque que la drogue… C’est là notre objectif. »
L’éphèbe fit un sourire.
« Des plantations aux lieux de ventes, en passant par les process de productions. Il faut tout récupérer. Hélas, le Baron de la Drogue ne souhaite pas plier le genou, et l’heure tourne. D’ici la fin de l’Hivers, les titres des Barons doivent être unifié sous une seule coupe, comme le désire la Famille Impériale. »
Il fit un sourire.
« Maintenant que vous connaissez le pourquoi de notre rencontre, et la finalité de notre mission, je laisse chacun ici le choix de partir. Nul ne vous oblige à rien. Mais la connaissance du « comment » scellera notre accord ; nous serons acquittés de notre mission lorsque j’aurais acquis le titre de « Baron » du cartel de la Drogue… Et part la même occasion, accomplirai la volonté de notre Empereur.
»
Un faux-choix. Partir était presque synonyme de suicide… Tous le savaient, Raiko agissait sous couvert de l’Empereur. Du moins, c’est ce qu’il prétendait.