Douces et agréables étaient les joutes verbales pour le Bellâtre, qui s’amusait à voir que sa finesse de langage échappait totalement au moine fou devant lui. Les petits oiseaux, alors présents, se muait dans un silence pesant, mais nécessaire. Il était venu, mais il ne prenait pas en compte la présence des petites mains embauchés pour rénover l’endroit.
Il insultait, menaçait et faisait déshonneur à tout son clan en se montrant aussi odieux avec un membre imminent de la société de l’ombre. Certes, son sang ne lui accordait aucune marque de noblesse, et son sexe le condamnait à régner dans l’ombre, mais il était propriétaire de nombreux établissements. Qui accueillait nombre de gens, et ceux, même hors de l’empire. Un atout en termes d’informations, de connaissances, et économies qui faisait de lui le « Maître des Plaisirs » de l’Empire.
« Loin de moi l’idée de vous infantiliser de vous prendre pour un imbécile quelconque… Mon discours ne portait rien de tel. »
Une énième demi-vérité, mais l’androgyne n’allaient pas s’attarder dans une série d’explication sur la finesse de sa prosodie. Se cachant derrière son drap drapé de soie, il souriait mesquinement, et se félicitait intérieurement d’avoir réussi à faire comprendre de manière si subtile à un fou le véritable sens de ses paroles, sans jamais lui apporter une quelconque preuve.
« Préserver l’équilibre », pouvait-il écouter des enseignements de sa défunte mère. « Jouer le jeu » préférait-il expliciter. Même s’il se contrôlait, l’éphèbe le savait : il incarnait par essence tout ce que ne pouvait supporter les Shinayaka. Et cela l’amusait toujours, de voir qu’il dérangeait, que rien que sa présence pouvait être iracible. La populace était si prévisible… À une époque, lui aussi, il se serait énervé, mais aujourd’hui, il était plus calme, plus posé.
Venait le moment fatidique des aveux. L’Androgyne plissa les yeux, pour s’épargner le spectacle immonde, tout comme les capacités d’élocutions douteuses, de son interlocuteur, qui ne faisait que brailler et menacer. Il offrait secrètement encore des armes au Bellâtre, que cela en devenait presque trop facile.
« Vous dites venir au nom de votre autorité et de vos croyances menacer de fermer mon établissement, vous m’insulter, et vous pensez pouvoir vous en sortir blanc comme linge ? »
Le bâtard abandonna son sourire de façade. D’une voix éloquente, il s’exprima.
« Tout comme il serait perte de temps pour moi de tenter d’élargir votre vision étriquée pour admettre l’utilité de ce quartier et des « services », ici comme dans l’ensemble de l’Empire. Votre vision géopolitique, stratégiques, et connaissances des enjeux psychosociaux et des dynamiques de pouvoirs vous échappe totalement… Navrant… »
Puis, il se cacha de nouveau son visage derrière sa cache.
« Allez donc quémander dans les jupes d’un de vos maîtres, mais rappelez vous que j’ai racheté cet endroit, et que j’ai droit de propriété sur ce bâtiment. Si vous le détruisez, j’obtiendrai réparation, et je connais votre nom, et votre apparence, ma foi, « exotique » ne m’ont pas échappé, et je saurais m’en souvenir au moment voulu, huhu ~ »
Silence éloquent, inspectant de haut en bas le moine fou, le Bellâtre s’attarda dans un sourire.
« Ce sera tout ? Où vous avez encore une quelconque ineptie de votre cru en réserve à me délivrer ? »
Il maintenait son éventail entre lui et le Shinayaka, symbole de vouloir couper court à la conversation. Mais il se doutait que l’on ait appris à décoder les indices de conversation à un être aussi primitif. Ou qu’il en a retenu quelque chose, tant il était peu évolué.