Le jour fatidique était venu. Le jeune garçon avait longtemps médité dans l’abysse d’incompréhension et d’injustice qui tourmentait son âme. Il naviguait désormais à vue, ayant perdu l’un des phares de sa nouvelle vie. La seule Grande Dame de ce monde ayant traversé des épreuves similaires à ce qu’il avait vécu. Elle lui avait ouvert une nouvelle voix, une alternative salvatrice, un endroit refuge et concret, où il pouvait se réfugier.
Elle aussi avait vécu cette humiliation intérieure, de voir sa vie détruite par un être en qui l’on avait confiance. À peu de choses près. Mais les ressemblances avaient été suffisamment fortes pour remettre sur le droit chemin la tornade, qui en avait alors désespérément besoin. Mais à peine avait-il retrouvé sa volonté d’antan, que la source de sa lumière avait soudainement disparût.
C’était comme si le destin c’était de nouveau jouer de lui, le laissant de nouveau dans le noir, et avec comme seul repère son meilleur ami, qui ne pouvait pas réellement saisir l’ampleur des émotions dévastatrices enfouie dans son cœur. Mais, malgré son apparente impuissance, il était d’un soutien précieux et indispensable à l’Uzumaki. Il ne pouvait simplement pas lui offrir quelque chose qu’il n’avait pas : son expérience personnelle d’une histoire similaire.
Ce que Risako avait, elle.
Et ce qu’elle avait pu instruire à Seitô avant de s’éteindre. Elle devait surveiller ses progrès, mais elle n’en avait jamais eu l’occasion. S’il avait été confronté à ses propres démons suite à une mort imminente, il subissait en peu de temps celui de la perte d’un être cher, qu’il appréciait profondément. Démons qu’il avait déjà combattus difficilement lorsque son père était décédé. Il se retrouvait alors entre deux fronts, qui gagnait sans peine la bataille, et qui avait peut-être gagner la guerre.
Mais il se devait d’accomplir quelque chose avant de s’avouer vaincu.
Le jeune Genin avait alors demandé l’aide de son plus précieux pilier, le dernier mat tenant de son bateau partant à la dérive, de son navigateur inexpérimenté, mais dont la volonté de le sortir de la tempête avait était suffisamment forte pour le maintenir à flots jusque-là. Il demanda l’aide à celui qui l’avait le plus côtoyé en cet état pitoyable, ne montrant que des semblants d’améliorations, encourageant, mais terriblement lent. À son meilleur ami d’hier, d’aujourd’hui et de demain, un Chikara du nom de Kano, qu’il avait surnommé aux doigts d’or.
Le plan était plutôt simple : lui ramener un sabre bien précis de sa collection. Le dernier sabre que son père lui avait offert avant de partir au combat. Et un Kunai, offert par sa mère. Collectionneurs d’arme sentimentale, ils n’étaient pas de la meilleure qualité, mais on pouvait savoir au combien cela lui tenait à cœur. Puis, il arriva à la cérémonie. Dans une tenue cérémonielle, mais de guerrier. La tenue était noire et rouge, brodée d’or. Elle avait des épaulettes et diverses protections d’un rouge éclatant, et le symbole Uzumaki brodé au niveau du cœur. C’était une belle tenue, adaptée, mais dénotant avec la plupart des individus. Loin d’être confortable, il avait souffert pour la revêtir, mais y était parvenu, au prix de nombreuses larmes et râle de douleurs.
Car il venait en tant que Shinobi, et en tant qu’épéiste, à celle qui lui avait ouvert une voie différente avant de s’éteindre.
Lorsqu’il arriva pour faire ses adieux à celle qu’il avait juré de remonter la pente pour la servir, l’Uzumaki se leva difficilement de son fauteuil roulant, tenue par Kano. Il tremblait légèrement, pousser des gémissements douloureux, mais affichait un regard dur, mêlant colère, tristesse, respect, et douleur. Lentement, mais sans jamais broncher ou faillir, il fit un signe de tête compris, avant de récupérer son sabre, son Kunaï, et une béquille.
Fronçant les sourcils, l’Uzumaki avança droit devant, sans jamais regarder en arrière. Il boitillait, lentement et difficilement, entre le silence étrange et des murmures de questionnements. On lui fit naturellement place, ouvrant alors un sillon entre lui et la tombe de la Kirishitan.
Chacun de ses pas lui semblait lourd.
Les premiers étaient teintés de mélancolie.
Il se rappelait alors les bons moments, des rires et des aventures qu’il avait pu vivre avec son meilleur ami et ses proches. Ses yeux devinrent humides, sa gorge serrée par l’émotion. Chacun de ses pas était une mission ridicule, comme retrouver des chats perdus, ou arracher des mauvaises herbes, mais même dans ces moments ennuyeux, il avait trouvé le moyen de rire avec son camarade et coéquipier de toujours. Il se rappeler ces bons jours, d’entraînements avec Seiji, et des aventures avec le clan Chikara. Mais ces jours heureux lui semblaient si lointain désormais…
Les suivants étaient douloureux.
Son souffle lui rappela alors sa blessure. Il se souvenait des douze secondes les plus pénibles de sa vie. La douleur effroyable qu’il avait ressentie. La peur qu’il eût subie. C’était à ce moment précis que sa vie avait basculé, que la tempête avait frappé. Fort, et sans prévenir. D’une personne qu’il admirait. De son Hokage, et membre de son clan. Une trahison virulente, d’autant plus que ce dernier ne ressentait aucun remords, aucun regret, et n’avait eu aucune sanction. Une situation dure, pour le justicier dans l’âme qu’était le rouquin.
Ceux d’après étaient profondément malheureux.
L’Uzumaki arriva alors devant la tombe de la Kirishitan et de son fils. Il s’arrêta devant, l’air dégoûter, furieux, triste. Il aurait voulu hurler dans le ciel, crier son nom, demander à un Dieu, s’il existait, de la ramener sur-le-champ. Il n’avait pas le droit. Il n’avait pas le droit de le mettre, de nouveau, en face de l’implacable et incorrigible injustice. Le destin se jouait de lui depuis trop longtemps, il suffisait. Il était temps que quelqu’un mette un point final à cette torture interminable.
Il s’agenouilla, tout aussi frêlement, au pied de la tombe. Il ne put s’empêcher de retenir ses larmes, tout en déposant son sabre et son Kunai, accroché à la garde. Ceux suffisamment proches, ou suffisamment habiles pour lire sur ses lèvres purent comprendre un
« Maître Risako, je suis désolé… Je ne sais pas si j’y arriverais sans vous. »
Le rouquin déposa alors son sabre au pied de l’arbre. Comment pouvait-il forger une arme, sans feu d’espoir et trempé par la tristesse profonde et inconsolable ? Comment pouvait-il accomplir ce qu’il avait promis alors qu’elle était aussi injustement partie ? La mission qu’il avait acceptée lui semblait alors trop dure, trop douloureuse, trop compliquée. Impossible. Il ne pouvait alors qu’échouer, et perdre ce qui restait de lui.
Le jeune homme fit alors un dernier geste respectueux, serrant les paumes de ses mains et s'inclinant, les larmes se mêlant avec la pluie.
Puis, il se releva. Il trébucha un instant, avant de reprendre sa route toussotant. Son regard croisa celui de l’Hokage. Il ne put s’empêcher de se demander pourquoi elle était partie, et pourquoi lui était resté ? Pourquoi le destin continuait de s’acharner sur lui, impitoyablement, pour le laisser au fond ? Quel était le foutu sens de cette mauvaise et douloureuse blague qu’était devenue sa vie ?
Il serra les dents. Mais il baissa les yeux, avant de reprendre son chemin. Son regard s’arrêta sur Kano. Il lui fit un faible sourire hochant la tête, mais changea de direction. Alors qu’il devait le rejoindre, il s’éloigna à l’opposé, les gens s’écartant vers son passage.
Il avait accompli son devoir, sa dernière volonté propre.
Maintenant, il allait errer, loin des gens, loin de cet endroit, le plus loin possible.
Jusqu’à que ses propres forces le quitte, il ne s’arrêterait pas.
Sans but, sans espoir, et sans épée, il se dressa, seul mais fièrement face à l’inconnu.