La dame de Fer n’avait de cesse d’observer Kimino. Il avait eu une réaction sèche, et lourde de sous-entendu. « Tu n’as pas à en savoir plus » ? « Si, pour te couvrir, imbécile ! » Avait-elle eu envie de lui répondre. Mais l’Hokage s’adressait visiblement à elle en tant que Capitaine de l’Anbu. Pensait-il, encore, qu’elle se positionnait en tant qu’ennemie, et non pas en tant qu’amie ? Si c’était le cas, alors il y avait encore du travail, beaucoup de travail, pour la pleine confiance soit acquise. Elle poussa alors un long soupir, détournant son regard de l’homme pour se fixer sur la rouquine désinvolte.
« Je ne te disais pas ça en tant que Capitaine de l’Anbu, mais en tant qu’amie. Tu as assez souffert Kimino, et je suis inquiète pour les conséquences que cela peut avoir sur toi, sur la République. Si je t’ai fais venir, c’est pour te parler de manière informelle… Pas pour te mettre dos au mur, ou devant le fait accomplis. »
Au moins, elle lui faisait part de ses inquiétudes. « Makovitch » avait beau avoir une réputation de dame de fer impitoyable, elle restait juste, et mesurée dans ses décisions. Pour l’instant, cette amourette passagère n’avait aucune conséquence, mais elle aurait préféré être considérée comme une alliée, et pas comme une menace. Après avoir écouté les questions qui avaient littéralement pour but de changer de sujet, la quadragénaire entama ses réponses.
« Tes méthodes sont dures, mais sont efficaces. Seitô va beaucoup mieux depuis qu’il est sous ton aile, c’est un fait indéniable. Bravo à toi, tu as réussi à lui inculquer une notion de « discipline ». Toi ou ta défunte femme. Probablement un savant mélange des deux… »
Elle fit la moue.
« Et crois-moi, c’était loin d’être gagné, et d’être chose acquise ! »
Avant de lâcher un petit rire. Cette discussion, pour elle, était informelle. Il n’y aurait aucun rapport, aucune trace de cette discussion dans les registres.
« Enfin, tu lui fais du bien. Et il est incroyablement motivé pour, une fois après l’opération, je cite « t’en faire voir de toutes les couleurs » haha ! »
Elle riait, avant de laisser afficher un doux sourire nostalgique sur le visage.
« Parfois, lorsqu’il parle de toi, on dirait qu’il parle de son père… »
Puis, son regard se posa sur le Médecin Chikara.
« Je trouve que tu es un peu trop sévère avec Kano, Kimino. C’est une force tranquille, mais il sait déployer des efforts incommensurables lorsque cela en vaut la peine. Preuve en est aujourd’hui. Il ne va pas s’énerver, il va souvent être calme et ordonné, faire attention aux détails. Plus tard, ce sera un Eisenin avec un grand sang-froid, une force pour la république. Et surtout, sa force tranquille est apaisante, presque contagieuse. Un atout lors des missions. »
« Ce qui ne veut pas dire que tu ne dois pas continuer à lui en demander toujours plus. Tu es un bon sensei. Tu les mets à l’épreuve, sans jamais rendre tes attentes inatteignables. Elles progressent à leurs rythmes. En somme, je n’aurais qu’un seul mot à dire...
Félicitation. »
Puis, elle perdit son sourire. Les bonnes choses ont toujours une fin.
« Trêve de bavardage, revenons sur Kazami. Tu voulais savoir comment ça s’est passé ? »
Elle fixa l’Eisenin.
« Mal. Je pense assurément qu’elle a des sentiments pour toi. Il suffit de voir comment elle te regarde, et comment elle suit tes décisions à la lettre. Mais… »
Elle tourna son regard pour fixer l’hokage.
« Cela ne se généralise pas. Kazami ne te respecte pas parce que tu es l’Hokage, mais parce qu’elle t’aime. La fonction n’a aucune valeur à ses yeux. Et c’est un problème… Parce que le jour de son jugement, nul doute que moi qui suis responsable des protocoles de sécurité, on me demandera de témoigner. Et là… »
Elle détourna de nouveau le regard, qui se posa sur Kazami.
« Lorsqu’on me demandera ce que je pense d’un possible projet de réhabilitation au sein du village, je vais être franche, à l’heure actuelle, ce projet est impossible. »
Dans un bref moment, on aurait pu apercevoir un regard désolé, très vite disparu sous un masque de fer.
« Kazami ne respecte pas la hiérarchie. Pire, elle est insultante. Elle ne respecte pas les ordres si cela ne vient pas de toi. Les gens ont peur d’elle. On devra déployer une logistique et engager un nombre important de ressources, qu’elle sera incapable d’accepter. Pire, qu’elle refusera sans possibilité de négocier. Elle impose ses exigences, et lorsqu’on les accepte, elle n’est pas capable d’accepter les nôtres si cela ne vient pas de toi. Elle est arrogante, fière, et elle se pense intouchable. Nul doute qu’elle posera d’importants problèmes, et c’est évidemment intolérable. Que faire d’elle alors ? »
Elle fit silence… Elle n’avait plus vraiment de solution.
« Au vu de son passé, elle ne pourra jamais plus atteindre un poste important, et comme elle n’a eu de cesse de prouver qu’elle ne pouvait respecter les ordres... Et, au vu de sa puissance, on ne peut la laisser libre hors de l’armée, ou la bannir. Au vu de la problématique, et avec ses actes, cela me semble insoluble. Oui, elle prouve que c’est une Eisenin de légende. Mais une Eisenin indisciplinée, incontrôlable. Elle ne peut pas respecter nos conditions, notre hiérarchie, les contraintes militaires. Et avancer l’argument du passé n’y changerai rien, vu qu’elle était bras droit, et que l’hokage était son amant… Douce ironie lorsque l’on fait le parallèle avec aujourd’hui. »
Son regard était posé sur la salle, mais on aurait dit qu’elle voyait plus loin.
« Bien que je lui sois reconnaissante de son aide avec Seitô, ce qui doit également être motivé par le fait de t’aider à réparer ton erreur, je doute que cela soit pris en compte. Parce que durant l’ensemble du processus, elle l’a fait, selon ses conditions, et pas les nôtres. »
Elle se mordit la lèvre inférieure.
« Avec ces éléments, les risques inhérents à sa réintégration ou à son bannissement son trop important… Les ressources à son enfermement sont également trop coûteuses dans la conjoncture géopolitique actuelle. Il ne reste alors que l’exécution, qui semble plus profitable pour le bien commun. »
Elle baissa les yeux, elle n’aimait pas ça.
« Je suis désolée Kimino. Crois-moi, j’aurais aimé qu’il en soit autrement… Mais elle m’a acculée. Et je refuse de mentir à la République. Je ne peux rien faire de plus. Je voulais t'en parler avant d'être devant le tribunal. »
Un constat sans appel. Pour la dame de Fer, Kazami naviguait sans le savoir vers sa perte. Sauver un Shinobi, même si c’était son fils, était quelque chose de fondamentalement bon. Mais insuffisant pour rééquilibrer son karma acquis lors de la guerre civile. Et son irrespect et sa désinvolture ne faisaient que noircir le tableau.