Membres d'une même famille [FB]

La pluie était battante, les nuages se présentaient comme de véritables gouffres, le vent sifflotant faisait virevolter les capes noires des individus rassemblés en ce jour sombre. Tous debout, silencieux, face à une grande tombe rocailleuse. Seuls raisonnaient les coups de pelle dans le sol, ramassant puis déversant l'humide terre qui noyait peu à peu la tombe. L'enfant se mit à pleurer de manière telle que le ciel lui-même semblait ne pouvoir déverser autant de larmes. Les faibles gémissements du gamin furent évanouis par l'étreinte d'un autre gamin... Plus jamais il ne laisserait quelqu'un qui lui est cher se faire lâchement assassiné, plus jamais il ne laisserait le clan Chikara se faire insulter.

C'était il y a neuf ans, son père venait de mourir et rien ni personne ne semblait en mesure de consoler Sayan.



Sayan se redressa de son lit, jetant au passage un coup d'oeil à la personne qui se trouvait à ses côtés. Ne parvenant même pas à se rappeler du prénom de la belle, il décida de ne pas déranger son doux sommeil et se prépara pour sortir. Aucune mission ne lui avait été assignée ces derniers temps et ça lui convenait parfaitement à ce foutu flemmard. Néanmoins, le porte-feuille commençait à se faire vide et bientôt, il allait devoir reprendre ses fonctions. Il sortit donc pour aller se payer un truc à se mettre sous la canine et finit au stand de Ramens le plus proche de ses appartements. Enfin, il entama un bol tel qu'il les aimait, juteux et bien gras.

N'est-on pas idiot quand on est heureux ? Oh, si. Quand l'amour vous inonde, vous êtes quelqu'un de différent, capable de dire ou penser des choses qui ne vous auraient même pas traversé l'esprit auparavant. C'est ça, la magie de l'euphorie. Et aujourd'hui, Nakatsu était euphorique. Son esprit ressassait encore sa journée de la veille le baignant alors dans un plaisir simple où lui-même n'arrivait pas à se décrire. Que lui arrivait-il donc ? Il n'en savait rien ou du moins, il ne voulait pas se l'admettre.

        Ses yeux étaient cernés, il avait eu du mal à fermer l’œil, se tortillant sans cesse et s'emmêlant les pieds dans ses draps, le crâne fourmillant de souvenirs et de pensées en tous genres. Il avait finalement abandonné l'idée d'une grasse matinée et préféra partir à la recherche d'une personne qui l'enfoncerait un peu plus dans son sentiment de bien-être. Sayan. Les deux hommes s'entendaient bien, il fallait l'avouer. Et Nakatsu savait parfaitement où le trouver à cette heure. Il se pointa d'abord à son domicile et caillassa la fenêtre comme un gamin. Il avait la flemme de contourner toute la demeure pour se retrouver devant une porte close. Finalement, une jeune femme nue et la tête dans le pâté lui indiquèrent qu'il n'était pas là. Tant pis. Deuxième option.
Sans hésiter, le blond se dirigea vers le stand le plus proche du coin. Et c'est là qu'il le trouva. Un grand sourire indélébile aux lèvres, Le Chikara s'installa à coté de son ami en s'exclamant gaiement.



Il le dévisagea un instant avant de se commander un bol. Après tout, lui aussi avait les crocs.

Engloutissant son plat de manière féroce, Sayan ne tardait pas à commander un second menu, puis un troisième. C'est lorsqu'il commandait son septième bol que Nakatsu fit son arrivée. Membre du même clan que Sayan, ce n'était pas seulement le sang qui liait les deux individus, non, ils étaient réellement attachés l'un à l'autre, une amitié peu commune.



Un sourire traversa le visage de Sayan car après ce cauchemar qui l'avait fait suer à tel point qu'il n'avait pas ressenti le besoin de se doucher ce matin, il se trouvait bien heureux de trouver de la compagnie et qui plus est, pas n'importe laquelle.

Sayan avait l'air en forme, comme toujours. Il se vantait de ses nuits mouvementées, comme toujours. Le nez de son bol, Nakatsu pouffa de rire entre deux gorgées de bouillon.
En revanche, quand vint la question de la petite amie, il ne ricana plus et faillit même s'étouffer. Vous parlez d'une façon pour amener la conversation. Et puis quelle conversation !
Nakatsu réfléchit un instant avant de répondre, devait-il lui parler de Kazami ? Non, il valait mieux attendre, il valait mieux éviter de lui raconter tout ça pour le moment.



Ça ne l'empêcherait pas de garder le sourire aujourd'hui, de toute façon. Il lui en parlerait une autrefois, quand cette situation aura un peu plus évolué. Une lueur de curiosité traversa ses pupilles et le blond se sentit obligé de renchérir.



Ils avaient rencontré cette fille dans un bar du village, et la mais avait alors passé sa soirée cramponnée à Sayan, il s'en souvenait bien.

Il y avait une chose que Sayan ne comprenait pas chez son compère, comment ô diable pouvait-il résister aux femmes ? Certains diraient que c'était une démonstration de force, Sayan lui opterait plutôt pour la timidité, la peur.



Nakatsu se mit alors à lui parler de la femme avec qui il avait passé la nuit. Quel était son nom déjà ? Impossible pour cet enfoiré de s'en souvenir, mais effectivement, il lui semblait bien qu'elle était brune..



Sayan se leva à la suite de ces paroles, jetant un regard vers le chef cuisto, il lui adressa:





Sayan s'empressa alors de sortir de son porte-monnaie en forme de grenouille. Il l'agita, mais aucun bruit ne fut émis par la secousse. Il se mit alors à regarder Nakatsu, son regard empli d'un air des plus piteux, pourtant une sournoiserie peu commune semblait se cacher derrière son visage.



Sayan fouille dans son étui situé au niveau de sa hanche droite. Qu'allait-il en ressortir... Un Shuriken, un Kunai, des fumigènes afin de disparaître ? Non, ce ne fut que son paquet de clopes, qu'est-ce qu'il foutait dans son étui d'ailleurs ? M'enfin, à en juger de plus près, il semblait que sa sacoche ne contienne aucune arme, seulement quelques drogues douces...

Sayan était une personne relativement bavarde, même de bon matin. Et surtout de cul. Bah ouais, il était comme ça le garçon : pas pudique et la langue jamais dans sa poche, ce n'était donc naturel et même habituel qu'il lui raconte tout ce qui se passe dans sa vie et sous sa couette. Nakatsu finit son repas et suivit son interlocuteur, se préparant à partir on ne sait où faire on ne sait quoi pendant que le tatoué payait sa note. Enfin... Non. Il lui demandait carrément de payer pour lui. Vraiment ? Nakatsu posa brièvement son regard sur les bols vides empilés et déglutit.



Il avait beau dire ça, il finit tout de même par payer, les larmes aux yeux. Et Sayan, lui, continuait son baratin. Nakatsu n'écouta pas mais saisit quelques mots un peu comme ça dans la discussion. « Bain ». Est-ce qu'il puait ? Il avait pourtant pris une douche dernièrement. « Uzumaki » mais de quoi il parlait . On aurait dit une partie d'une vieille blague ! Nakatsu secoua sa tête et sortit du stand en acquiesçant plus ou moins. Quand on ne comprend pas, on peut toujours faire semblant. Et puis...« Katon »



Il arqua un sourcil. Ce n'était pourtant pas son genre.

Les deux compères étaient dans une discussion des plus sérieuses désormais. Sayan continuait de tirer sur sa clope, écoutant la réponse de Nakatsu avec attention. Mais celui-ci sembla feindre de répondre, à moins qu'il n'ai pas daigné m'écouter se dit Sayan ? Non, impossible, foutu mèche blonde était une oreille attentive. Alors Sayan comprit que son collègue n'était pas intéressé par sa proposition.



C'est alors que sautillant de bâtiment en bâtiment, une membre du clan Uzumaki venait de passer non loin des deux Chikara. Sayan la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle ne soit plus dans son champ de vision.

Il ricana doucement de cette phrase légère mais pourtant vraie. Konoha avait changé dernièrement, à cause des Uzumaki. Supporter leur présence, les côtoyer... Nakatsu détestait ça. Et il se détestait d'autant plus de ne pas réussir à détester Kazami. C'était une rouquine, elle aussi. Une Uzumaki. Et pourtant, il l'aimait bien. C'était pathétique. D'ailleurs il ne l'aimait pas tant que ça, hein. Ouais, voilà. Elle était de ce clan, elle était dans le camp ennemi alors il ne pouvait pas l'aimer. C'était impossible. On ne peut pas aimer ce que l'on déteste, il se faisait simplement des films. Ni plus ni moins. Juste des films.
Une touffe rousse attira instinctivement son regard et ses pensées se rapportèrent tout aussi instinctivement à Kazami. Était-ce elle ? Il aurait bien aimé... Ou non ! Il n'aurait pas du tout aimé la situation partagée dans laquelle il se serait retrouvé ! Il soupira en voyant que la touffe rouge ne s'arrêta pas et répondit enfin.



Juste un génocide. Tout simplement. Baigner leurs cheveux sanguins dans l'hémoglobine. Et rien d'autre.

Voilà bientôt une décennie que Sayan était animée d'une rage qu'il ne pouvait libérer. Cette haine qu'il ressentait depuis toujours pour les Uzumaki le rongeait de l'intérieur, mais sans doute qu'un jour, il ne serait plus en mesure de la maîtriser. Et alors effectivement, une guerre éclatera. Chikara et Uzumaki avaient un passé bien trop compliqué pour pouvoir cohabiter ensemble de manière pacifique et durable. Un jour où l'autre, le sang coulera de nouveau et Sayan attendait cela avec une impatience digne d'un gamin de neuf ans à la veille de Noël.



Sayan hésita. Que se passait-il ? Il sentit l'étrange impression qu'il avait besoin de le dire, de le faire comprendre, à lui, son ami de longue date, son véritable frère d'armes... La fierté aurait pu lui clouer le bec, mais sa sensibilité gagna finalement le droit de parole...



Sayan s'arrêta de parler. Il en avait trop dit, sa nature refaisait surface, celle d'un homme de paix. Bien loin du vulgaire individu que la plupart des gens du village connaissaient. Mais chassez la connerie, elle revient au galop ! Alors, tirant une ultime latte, il prit le temps de choisir ses ultimes paroles:

Un couteau dans le dos, tout de suite les grands mots... Ce n'était pas faire preuve de lâcheté son idée, mais les traiter comme leur nature le mérite. Comme des merdes, donc. Mais en tout cas, parler de ça n'était effectivement pas une bonne idée. Et cela même la majorité des Konoha-jin doivent les considérer comme des beaux parleurs, ni plus ni moins. Des grandes gueules qui se planqueront une fois le combat commencé. Mais non, ils étaient tous deux intrépides et ne reculeraient jamais devant un rouquin...
Sayan se confiait à son ami qui l'écoutait en silence, songeant aux sentiments contraires que devait nourrir le jeune homme. Un choix cornélien qui opposait le village et le clan. Nakatsu le comprenait mais pas pour les mêmes raisons. Il avait été mis devant le fait accompli, lui. Il avait été mis devant Kazami et chaque fois qu'il croisait son regard, il sentait sa haine s'apaiser. Sentiment étrange, sentiment absurde. Il ne savait vraiment pas quoi lui répondre, alors il se tut. C'était ce qu'il y avait de mieux à faire, laisser couler et écouter. Savoir avant tout et se préparer en l'attente de ce jour, de cette fameuse goutte d'eau.



Il tiqua. Il allait déjà picoler ?!



Voilà, ça, au moins, c'était dit.

Sayan avait le coeur léger, comme apaisé. Débarrassé d'un poids qui l'épuisait. Finalement, ça fait du bien de se confier aux autres, pensa-t-il. Laisser son âme parler, se foutre de l'image que l'on pourrait véhiculer. Peu importe tout cela, lorsque Sayan était avec Nakatsu, tout était différent. C'était son meilleur ami. Mais bon, l'amitié semblait tout de même avoir ses limites. Aux derniers mots que Sayan avait prononcé, Nakatsu lui avait fait comprendre qu'il ne débourserait pas le moindre centime pour ne serait-ce qu'un verre de Sake. Mais cela, Sayan s'en fichait totalement, ce n'était pas dans ce genre de choses que l'on reconnaissait un vrai ami. Pourtant, poussé par son côté taquin, Sayan titilla quelque peu de son ami.



Puis, Nakatsu continua de parler, jusqu'à ce que Sayan mette un terme à leur entrevue. Un bol d'air frais dans ce monde si pollué par les douleurs causés par l'Homme.



Sur ces mots, il se mit à marcher vers ses appartements. Levant la main pour saluer une dernière fois son ami. Sans doute ne se doutait-il pas que ses ultimes mots étaient voués à lui donner raison.

Nakatsu ricana. Il voulait bien faire des efforts mais il avait un loyer à payer, aussi. Et puis il ne bossait pas pour remplir le bide de son meilleur pote, non plus. D'ailleurs celui-ci le prit assez bien, plaisantant et râlant sur ce point, décrochant alors un rire au blond. Après quoi il décida de partir et le salua d'une façon assez... déstabilisante. Le monde était vraiment fou . Sans aucun doute. La vie avait toujours été dangereuse mais depuis quelque temps, les tensions lui paraissaient plus lourdes...
La fatigue, surement.



Il avait crié ça, en guise d'au revoir. Au moins, ça le motiverait peut-être un peu à se bouger, pour le rembourser... Il espérait mais rien n'était moins sur... Sacré Sayan.