La journée arrivait bientôt à son terme, et c’était sous un ciel crépusculaire que le Palais des Plaisirs était à l’instar d’une fourmilière. Chacun se préparait pour la nuit à venir, longue et sensuelle. La Bâtisse avait eu tôt fait de refaire sa réputation : très rapidement, les gens affluèrent pour voir le nouveau joyau du commerçant aux doigts d’or. Rapidement, le nom du honteux ex-propriétaire du « Palais des Vices » avait disparu des lèvres pour se voir remplacer par un seul nom : Miwaku Raiko.
« Allons, allons, un peu de retenue mes demoiselles et mes damoiseaux. Nos clients ne sont pas des maroufles. Le service doit être plus qu’impeccable. »
Ce soir, retour sur les bases d’un service « à l’ancienne ». Comme un vrai maître, l’éphèbe montrait l’exemple, détaillant chacune de ses actions. Une véritable pièce de théâtre. Comment pousser « avec délicatesse » un client à la consommation d’alcool. Chacun avait sa petite méthode et ses atouts. Mais le service se devait d’être parfait. Le Palais des plaisirs était devenu en un claquement de doigt un des plus grands complexes de divertissement de la capitale. Jeux, Dame ou homme de compagnie, alcool, massage, soin expert, restauration… Le Bellâtre avait fait venir des quatre coins du monde ses meilleurs employés pour s’assurer de la réussite de son projet, et de la formation de ses débutants.
Le Bâtard souriait, alors qu’un de ses petits oiseaux vint murmurer à son oreille un nom.
« Miwaku Azamuku dites-vous ? »
Le Bellâtre réfléchissait. Un Miwaku cherchant à lui « offrir » ses services ? Ce nom ne lui disait rien. Pour autant, il connaissait l’ensemble des acteurs de son clan lié de près ou de loin à une activité illégale. Un énième débutant cherchant les secrets de la réussite ? Ou une énième âme en détresse prête à pactiser avec lui ? Il l’ignorait. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il y avait un point commun avec toutes les personnes cherchant à entrer directement en contact avec lui : l’intérêt personnel.
« Faites-le entrer et patienter dans le hall. »
Pour autant, l’éphèbe ne se précipita pas pour rejoindre son hôte. Loin de là. Il s’écoula trois bonnes heures avant que le Bellâtre ne daignât se montrer à celui qui le cherchait. Il avait tant à faire : se préparer, s’occuper de ses clients, valser entre les groupes pour s’assurer que tout soit parfaitement splendide. Et ce fut le cas. Menant ses troupes avec une baguette de Maître, chaque invité trouva son plaisir.
On lui avait décrit l’autre comparse Miwaku. Il faisait honneur à sa description : il était tellement laid qu’il détonait sans peine avec le paysage. Le Bellâtre, lui aussi, était mystifiant, mais pour une tout autre raison. Sa beauté et sa réputation d’androgyne n’étaient clairement pas un mensonge : Raiko était un bel homme. Un homme qui avait acquis l’élégance et la grâce d’une brise printanière dans ses pas. Une fluidité comme la rivière s’écoulant dans son lit. Il était habillé avec un magnifique kimono, orné de fils d’or brodé. Quelques charmants bijoux et autres parures, sans jamais être excessive. Oui, le Bellâtre imposait sa douce présence de manière subtile, et pourtant si évidente. Il était l’unique Miwaku qui avait eu la chance -ou la malchance- de vivre auprès de la famille impériale. De grandir auprès d’eux. C’étaient d’ailleurs toutes ces années d’entraînements intensifs qui s’exprimaient si naturellement en cette nuit. Comme toutes les autres nuits qu’il passait a travailler la splendeur de son bijou.
Finalement, l’oiseau Azuré arriva jusqu’à son invité, en plein cœur de la soirée. D’une voix agréable, il s’adressa avec un sourire à celui qui avait fait tout ce chemin pour lui.
« Miwaku Azamuku, passez-vous une agréable soirée ? »
Un sourire agréable, et un regard avenant. Le Bellâtre avait tout de l’hôte parfait. Bien trop parfait pour n’être que le fruit du hasard, ou de la nature. Le Paon bleu effectua une parfaite révérence chorégraphiée, avant de prendre la parole.
« Veuillez m’excuser de mon retard. Miwaku Raiko, pour vous servir. Hélas, cet établissement est récent, et en plus de sa grandeur, cela rend mon intervention dans sa gestion indispensable. »
Le Bellâtre déploya un magnifique éventail arborant ses couleurs et dans un geste élégant.
« J’ai ouïe dire que vous me cherchiez pour « m’offrir » vos services ? »