Avec mon élan, cet avorton ne pouvait rien faire pour m'éviter. Ce petit groupe de soldats qui m'avait chassé comme une bête avait du courage et de la ténacité. Il fallait bien leur reconnaître. Néanmoins, mes capacités les dépassaient largement. J'avais fini mon repas avec le dernier qui m'avait résisté. Ce bougre m'avait comment blesser par endroits, malgré mes protections. Pour un mortel, j'avoue que c'était une belle prouesse, mais insuffisante. J'étais couverte de ce liquide rouge qui m'enivrait, ma belle tenue ne ressemblait plus à rien.
« Décidément... Vous m'aurez ennuyé jusqu'au bout. Vous n'êtes que de raclures. »
J'allais devoir raccommoder les déchirures quand je serais rentrée. En attendant, je devais me faire propre. Voyager avec une tenue immaculé de sang n'était pas la chose la plus discrète qu'il soit. Je me trouvais dans les montagnes de l'ouest, une zone peu connue. J'avais entendu parler de quelques petites zones d'habitation disséminée par-ci, par-là. Peut-être que je pourrais m'y rendre pour faire un brin de toilette et qui sait peut-être faire de nouvelles connaissances. L'avantage de cette macabre rencontre était que j'étais repue et avait pu faire des réserves pour les prochains jours.
Je reprenais la route à travers les sentiers montagnard, montant et descendant, les paysages étaient superbe. On pouvait presque toucher les nuages. Par moments même, on avait l'impression d'être au point culminant de cette terre ravagé par les guerres et la Mort. Toujours est-il que nous avions toujours vu ces choses-là. Depuis que j'étais présente, les batailles et effluves de sangs étaient un quotidien. Les villages se faisaient et se défaisaient, des tentatives d'alliances qui se résumait à trahir son prochain et bien d'autres choses. C'est pour cela que mon clan était toujours en rentrait, méfiant des inconnus, et solidaire entre nous. Si bien que la population ne nous connaissait à peine, et le peu qui connaissait notre existence mourrait avant d'avoir pu propager l'information. Le secret de notre voyage à travers le temps était la discrétion.
Une petite habitation se trouvait en contre-bas du chemin. Une maison vétuste avec un enclos et quelques végétations et plantations. Il y avait donc quelqu'un. Ce n'était pas abandonné. Je descendais la pente abrupte pour me retrouver directement devant le portail. Enfin, je frappais à la porte. Une vieille dame ouvrit.
-Bonjour hmmmm gente dame, que puis-je faire pour vous ? AHAH cela fait bien longtemps que j'ai pas eu de visite. Venez entrée donc.
Elle se retournait et je la voyais marcher à tâtons pour aller s'asseoir à la table en faisant signe de la rejoindre.
« Bonjour, vous invitez souvent des personnes à entrer chez vous comme ça ? J'aurais pu être un brigand et vous voler. »
-Aucun risque, je n'ai rien de valeur. Et pour votre info, non, je fais pas rentrer n'importe qui. Vous savez, j'ai peut-être perdu presque totalement la vue, en revanche, je ressens l'intérieur des gens. Et en ce qui vous concerne, vous êtes une gentille femme et c'est pour cela que je vous invite. Vous me faites penser à ma fille d'ailleurs, sauf qu'elle n'avait pas l'odeur du sang sur elle. Oui, l'odorat est un outil que je manie très bien, héhé ! Miku et vous ? Enchantée jeune fille à l'âme ancienne.
Cette femme avait un sacré don en effet. Je me présentais et lui contais que j'avais une mission à accomplir sans aller dans les détails. En effet, je devais quérir des baies qui ne se trouvait que dans les hauteurs très élevées pour pouvoir concocter un poison puissant. Cela devait faire en sorte d'en induire les flèches de nos archers et les lames pour les rendre fatales à la moindre entaille. Elle m'indiqua d'aller me servir un verre d'eau et s'en suivit une conversation sur sa fille, sur son vécu et l'histoire de cette bicoque perdue dans les montagnes. Comme toutes vieilles personnes, elle avait la langue bien pendue et je ne pouvais pas en placer une. Le sang avait commencé à sécher et l'odeur était présente. J'avais peur que cela ne parte plus. Mon surnom était peut-être Emiha la Sanguine, je ne voulais pas avoir l'odeur sur moi. Ma prestance n'en aurait été que diminué.
-... C'est ainsi que je suis arrivée à prendre cette maison. Enfin bref, merci d'avoir écouté une vieille bique. Je vais vous laver vos affaires, ma fille n'arrêtait pas de se salir, j'ai le coup de main pour les tâches compliquées. Le sang, c'est très particulier. Aller donner moi ça, n'ayez craintes, je ne peux pas vous faire de mal, je ne vois rien. Et vous allez me faire le plaisir d'aller dans la cours arrière prendre un bon bain. Ici, nous avons la chance d'avoir une source chaude. Une source très peu connu comparé au site principal qui est souvent pris d'assaut. Allez, allez ahaha !
Cette dame était vraiment d'une gentillesse absolue. Cela me gênait, je n'avais rien à lui donner en guise de remerciement. Je retirais ma veste, ma fourrure d'épaule et mes différentes parties protectrice en métal.
Je me retrouvais en sous-vêtement et me rendais derrière la maisonnette. L'air était très frais, une brise empruntait le couloir entre deux hauteurs. En terrasse, je voyais la source, la fumée s'en dégageant, et je me dépêchais de pénétrer dans ses eaux chaudes. Quel bien cela faisait. Je pouvais me prélasser, et me délasser de mes tensions. Détendre mes muscles et surtout me faire propre était la nécessité.
Je ne savais pas combien de temps, j'étais resté ici, Miku m'appelait pour me dire que mes habits étaient prêts. Comment avait-elle fait pour nettoyer et les faire sécher aussi vite ? En général, je mettais une bonne demi-journée avec ces épaisses étoffes de qualité supérieure. Je sortais et rentrais rapidement dans la maison. Une serviette se trouvait à l'entrée. Cette femme était vraiment la bonté même. Ca me faisait de la peine de la voir seule dans un endroit comme celui-là. Elle m'aida même à remettre mes bouts d'armures. Tout était nickel. Plus d'odeur, plus de sang, sec et chaud, c'était une magicienne du nettoyage. Même le tissu avait été recousu.
Je devais repartir. Je remerciais la vieille dame et voulais lui proposer quelques pièces, mais n'en avait que faire. Elle était contente d'avoir eu quelqu'un à qui parler et de pouvoir s'occuper d'une femme qui aurait pu être sa fille. Elle en parlait avec tristesse cette fois-ci. Je devinais que quelque chose n'allait pas. Après quelques questions, j'apprenais que cette dernière était décédée dans un glissement de terrain. La pauvre dame avait vécu trente ans de sa vie seule en espérant le retour de son enfant, ce qui me faisait comprendre beaucoup de choses sur elle et sa façon d'être. Je l'enlaçais pour la réconforter qu'elle me rendait aussi.
Il était temps, une dernière étreinte sur le parvis. Je ne savais pas pourquoi, mais je ne voulais pas vraiment m'en aller. j'étais triste de la laisser là, alors qu'elle, semblait contente. Je reprenais la route en direction du nord, jetant un dernier coup d'œil à cette vétuste maison et une pensée pour Miku.