Le visage orienté vers le ciel, Elle laisse la bruine devenir plus lourde et s'étaler sur son visage en une fine pellicule rafraîchissante. Les bruits ambiants sont accaparés par l'eau heurtant le sol depuis les cieux, les choses deviennent plus sourdes, moins lointaines, atténuées. Elle finit par tendre les mains doucement afin d'accueillir le phénomène céleste comme elle l'a toujours fait. Elle ralentit la marche sans trop s'en rendre compte et entend péniblement la voix de l'Okasan lorsqu'elle s'adresse à elle pour l'inviter à se mettre à l'abri.
Elle s’apprêtait à lui répondre poliment qu'elle appréciait la marche et la pluie, surtout de concert, et que cela ne la dérangeait pas. Mais cette réponse ne franchit jamais le cap de ses lèvres, une voix inconnue s'élevant plus loin.
Ses pupilles se rétrécirent, laissant ses iris dorés dominer l'ensemble de son regard. Elle s'était laissée distancer par pur plaisir personnel. L'homme était indéniablement mal intentionné, et probablement désespéré. Mais de ce second point, elle n'en avait cure. Elle était vêtue à la manière des guerriers de Kumo, en partie du moins. Si elle se révélait, il décamperait probablement.
Mais cela n'avait plus aucune importance. Le doute n'était pas permis. Quelqu'un était assez fou pour ne pas reconnaître les signes d'appartenance au village de la Foudre. Quelqu'un qui osait s'adresser à l'Okasan sans le respect qu'elle méritait.
Quelqu'un qui menaçait les Miwaku.
Son ninjato sortit doucement dans un chant de métal étouffé par la trombe pluvieuse tandis qu'elle glissait plus qu'elle ne marchait vraiment sur le sol, dans un balai silencieux. La dernière injonction du bandit terminait tout juste de se dissiper dans le vent humide lorsque elle prit appui sur la calèche, grimpant par l'arrière et se propulsant depuis son toit sur l'opportun.
Elle vit ses yeux se lever vers elle, soudainement conscient de sa présence. Elle parvint à déceler la compréhension de son ultime erreur, de son ultime insulte dans la panique qu'elle lu dans ces iris désespérés. Les siens devaient être ceux d'un fauve, sa proie révélée, sans que le moindre clignement de paupière ne vienne en altérer l'intensité.
Elle fondit sur lui par les cieux d'où venait la pluie, son arme fétiche tenue de ses deux mains jointes. Il eut le temps de tendre les bras en signe de supplication, mais aucun son ne parvint à franchir ses lèvres.
Le premier coup était déjà mortel. La lame passa au travers de la moitié de son cou, tranchant ligaments, jugulaire et trachée dans le même instant. S'aidant de l'inertie de son premier geste, ses jambes atteignant de nouveau le sol, elle exécuta une volte et scinda en deux partie les tendons d’Achille de sa cible. Dans une expression de surprise et de terreur mêlée, le malandrin s'écroula au sol, sa vie s'échappant de lui dors et déjà à gros bouillon. Seule la voûte céleste semblait vouloir accueillir son dernier soupir, lorsqu'il vit enfin le visage de son assassin se dessiner au dessus de lui. Le Ninjato alla se ficher sans frémir entre les yeux écarquillés du malheureux, au centre de sa fosse nasale.
Elle dégagea son arme et l'essuya sur le mort avant de la ranger, nettoyée, dans son fourreau. Enfin, elle fit demi-tour vers la calèche et sourit à ses occupants :
« Ne nous attardons pas plus longtemps ici. Cet homme vient de gagner le droit d'être en ces terres par la seule façon qui lui était permise et c'est un honneur pour moi de lui avoir ouvert ainsi les portes de Kumo, en représentante des Hattori, comme ce genre de personne le mérite. »
Elle reprit le silence, ouvrant la marche cette fois ci, sans se retourner ni plus lancer le moindre regard supplémentaire à la dépouille qui jonchait dorénavant la voie. Il avait peut être eu ses raisons. Une famille à nourrir et le destin l'avait probablement poussé à ce geste fou. Mais à tout cela, Misao ne pensait pas. Il n'avait été qu'un obstacle pour le clan, pour les Miwaku et pour leur mission. C'était déjà là trois fois trop.
Elle se remit à chantonner.