Pardonner

        Chikara Tetsu portait bien son prénom. Aussi droit qu'une barre de fer, il était un shinobi remarquable qui discutait rarement les ordres, aimant son clan comme son village. Calme et adroit dans les arts ninjas, enfant, Tetsu était un garçon flamboyant qui aidait ses coéquipiers, promis à un radieux avenir. Il avait été particulièrement bon avec son frère, d'un an son cadet, avec qui il avait été très proche. Ce frère n'était cependant plus et Tetsu avait perdu la joie de vivre. Le Chikara ne comprenait pas pourquoi on l'avait tué, sauvagement assassiné. Pourquoi est-ce que Nakatsu avait-il dû payer de sa vie son erreur ? Tout cela ne serait pas passé ainsi si Yasuo était resté au village et Tetsu n'était pas parti en mission ! Ces maudits Uzumaki...

        Perturbé, furieux, défait, le pauvre Tetsu ne trouvait plus le sommeil. Dès lors qu'il fermait les yeux, il voyait le sourire de son frère et il se rappelait ces après-midi à lui faire la leçon — Tetsu avait toujours été plus studieux — tandis que Nakatsu préférait le défier dans des bagarres sans histoires — Tetsu avait d'ailleurs toujours eu le dessus. Tous deux avaient les cheveux blonds de leur père et les yeux de leur mère. Ils se ressemblaient tellement, tout en étant très différent. Tetsu n'était peut-être que d'un an son ainé, mais ses presque quinze centimètres de différence justifiaient qu'il l'appelle petit frère. Un petit-frère qu'il s'était juré de protégé...

        Cette nuit là, le pauvre Chikara avait trainé comme il le faisait de plus en plus souvent, le regard vide, les joues humides de larmes et sans but. Mère et père s'étaient de nouveau endormis en sanglotant et Tetsu les avaient écoutés jusqu'à ce qu'ils parviennent à trouver le repos mérité. Eux aussi étaient fatigués. Il était parti après, discret.
        Ses pieds l'avaient mené jusqu'au Temple ou la prêtresse exerçait. Hasard ou destin, Tetsu n'en savait rien. Toutefois, sur les marches du Temple, il s'affaissa, comme subitement vidé de son énergie. Tombé à genoux, les bras las le long du corps, il se mit à crier : sa rage, sa tristesse, sa peur ; il cria aussi longtemps que sa gorge put le supporter, avant de se coincer d'émotions.

La prêtresse sortit de nul part sans réaliser le moindre bruit. Voyant cet âme succombait à la colère, elle se rapprocha.



La sage se rapprocha et se s’assit à la droite du jeune homme tout en observant les ténèbres lointains.



Toujours pensive, la femme ne regarda pas le Chikara. Un ninja ne doit pas être vu en train de pleurer, la prêtresse respectait les coutumes des hommes.

        Le Junin tourna la tête et sécha ses larmes du revers de la paume lorsque la Prêtresse s'installa à ses côtés. Cette femme était mystérieuse et dotée de capacités hors du commun, à ce que l'on racontait. Le Chikara doutait cependant qu'elle puisse comprendre toute sa peine. Toutefois, il se permit de répondre à sa demande.



        Tetsu détourna le regard et une fois de plus, le visage de son frère lui revint en mémoire. Cette fois, il se revoyait à pêcher avec lui, alors qu'ils étaient bien jeune. Nakatsu s'était presque noyé, ce jour-là. Une larme roula sur la joue du blond.



        Le Junin joignit les mains devant son menton et fixa le sol. Tous ses muscles se contractèrent et le pauvre Tetsu se laissa aller à la rage. Il plissa les paupières, tandis que son chakra s'agitait lentement. Ses boucles d'oreille, de petits bijoux en émeraude, se mirent à trembler. Le blond serra des dents et tenta de se calmer, mais il n'y parvint pas. Les images de son frère lorsqu'il fermait les yeux étaient insupportables.



        Il serra d'avantage ses mains ensembles et ses mains se couvrirent de veines. Le nom de celui qui avait tué son frère, ne précisa-t-il pas.

La femme l'observa avec calme.



La grande prêtresse bougea sa main de droite à gauche. Les yeux du Junin purent voir des enfants. Des enfants Uzumaki, des enfants Chikara. Des enfants ne considérant quasiment plus la différence. Des enfants se sentait frères. Des couples où le racisme n'existait plus. Des enfants naissant.



La femme se leva et pénétra dans le temple sans ne rien espérer.