Ode à l'Art Miwaku

Une nouvelle nuit pleine de festivités débutait dans le quartier des Geisha. Ces terres, d'ordinaire délabrées et mornes, dévoilaient à présent leurs plus beaux apparats. Au détour d'une ruelle, les passants pouvaient apercevoir chemin éclairé par des dizaines de lampions. Tout au long de cette voie étoilée, des compositions florales accueillaient les curieux et leur offraient mille senteurs. Après ce voyage déroutant, divers instruments charmaient les Konohajins. Mêlant tradition et air du temps, les artistes déployaient tout leur talent. Ce spectacle inspirait tout à chacun, personne ne pouvait rester impassible devant cette douce symphonie. D'ailleurs, pour convaincre les habitants de la cité de rester, plusieurs échoppes ouvraient leurs étales aux affamés. Pour parfaire ce dépaysement sensoriel, une représentation inédite s'annonçait. Au cœur de cette initiative, Kagero patientait dans son plus beau kimono. Fière de ce succès, la quarantenaire se tenait prêt à envoûter les âmes de ses camarades.

C'est alors que trois coups résonnèrent dans le quartier. La pièce pouvait enfin commencer. Sur scène, une grande arche fleurie avait été construite. C'est sous cette structure qu'apparut la belle Miwaku. Son corps accompagnait avec grâce les chants et la musique. A fil de sa danse, elle aida les musiciens et les chanteuses à s'extirper du décor. Cette chorégraphie donnait ainsi l'impression que peu à peu, le lieu gagnait en vie et en ferveur. Une fois révélés, tous les acteurs de cette scénographie jouaient avec plus d'ardeur, plus de passion. Puis, ce fut le bouquet final. Dramatique et sans égal, ce moment marquait l'hégémonie de l'art Miwaku. Bien qu'éphémère, ce ballet laissa une trace certaine dans le cœur de ses spectateurs.

Cela faisait déjà quelques minutes que la ravissante brune avait quitté la scène, lentement elle tentait de retrouver ses habits civils et de se fondre dans la masse. Elle n'organisait pas cet événement pour récolter une quelconque gloire, non son intérêt était politique et sociale. Il était capital pour elle de défendre l'honneur et le prestige de son clan. Mais plutôt que d'user la diplomatie, l'éducation ou la guerre, elle privilégiait la culture. Toutefois, son retour à la vie normale fut interrompu par une initiative de ses amis. Sans prévenir, tous se mirent à chanter et à l'acclamer. Cela faisait deux ans que Kagero avait eu l'idée de ses représentations et il était temps de la remercier pour tous ses efforts. Gênée et heureuse, la kunoichi embrassa ses compères et essaya de rappeler qu'il s'agissait d'une réussite collective et non, individuelle. Après cet instant intense en émotion, la danseuse s'extirpa de la foule pour rentrer chez elle. Bien que démaquillée et changée, elle restait tout de même reconnaissable.

Je ne m'étais plus vraiment extirpé du cocon familial depuis ma rencontre avec Nobu. En tout cas, ça n'était pas pour le loisir que je quittais le domicile de mes parents. Ma folle soirée au côté de Nobu m'avait valu de nombreuses remontrances et j'en subis encore les conséquences. Mon père ne cesse de me rappeler l'état dans lequel j'étais rentré. La lèvre enflée et les veines remplis d'alcool. Je ne pouvais pas m'empêcher de rire en repensant à cette soirée. J'y avais fait une magnifique rencontre et j'avais pu découvrir le bonheur de s'évader et d'oublier toutes les contraintes auxquelles j'étais confronté. Ma vie se résumait à m'entraîner et devenir le meilleur de moi-même pour rendre fier mon père. Une nuit rien qu'à moi n'était pas trop demandé...

Une chose est certaine, c'est que ce soir, j'avais de nouveau décidé de la passer à l'extérieur pour évacuer tout ce stress accumulé. Il ne faisait pas encore nuit et le soleil illuminé encore Kumo dans toute sa splendeur. Je me trouvais encore dans les quartiers de mon clan lorsque j'avais aperçu le début d'un spectacle. De nombreux acteurs jouaient et dansaient pour amuser les spectateurs. Ça fonctionnait. Tout le monde s'arrêtait pour découvrir le spectacle, mais je n'y prêtais pourtant pas plus attention que ça.

Soudain, alors que je m'apprêtais à quitter les quartiers Miwaku, une femme était apparu sur scène. Elle n'avait pas l'air très âgé et je ne pouvais m'empêcher de la regarder. Sa façon de bouger était merveilleuse et il m'était impossible de ne pas tomber sous le charme de ses formes. C'est ainsi que je rejoignais le troupeau spectateur jusqu'à ce que cette femme magnifique quitte la scène dans une ultime danse des plus merveilleuses. J'avais été si fasciné que je mourrais d'envie de la rencontrer, mais qu'est-ce que je pourrais lui dire ? Merci pour le spectacle ?

Alors que je venais d'assister à l'ovation qui venait de lui être apporté, j'avais décidé de continuer mon chemin sans même me rendre compte que j'allais finir par la croiser sur son chemin. J'avais bien failli la bousculer et lorsque je m'aperçus de sa présence mon visage se mit à rougir. J'étais un jeune garçon et les femmes telle que Kagero m'intimidait au plus au point.



Cette rencontre était un nouveau test, il fallait que je prenne mon courage à deux mains.

Épuisée par le flot d’émotion dû à la soirée festive, et par la représentation triomphale, la Geisha errait lentement dans son quartier natal. Pas après pas, elle s’enfonçait naïvement dans les ruelles en quête du chemin le plus court pour retrouver son foyer. D’ordinaire, elle préférait fréquenter les grands carrefours, mais pas ce soir. Elle avait eu son quota de foule et d’animation. En effet, à présent, elle aspirait à la tranquillité et au silence. En agissant ainsi, elle espérait profiter de la douce caresse de la nuit, en solitaire.

Le cœur léger et ses réflexes endormis, la belle se laissa surprendre par le jeune garçon. Les yeux rivés vers la voûte céleste, le choc fut total. Elle ne vit rien venir. Dans d’autres situations, cela aurait pu lui être fatal. Consciente de ce fait, la kunoichi s’extirpa brutalement de sa mollesse éphémère et retrouva son tempérament ardent. Ainsi, en une fraction de seconde, son sang ne fit qu’un tour et son instinct se réveilla avec vigueur. En à peine un clignement d'œil, sa main droite s’enveloppa d’un fin voile de chakra et s’envola en direction de la gorge de l’innocent. Tout se déroula à une vitesse déconcertante, et voilà qu’à présent le jeune homme se retrouvait sous le joug d’une lame tranchante.

Toutefois, au vu des propos du timide fan, l’Eisenin fit un pas en arrière et interrompit sa technique. Gênée par ce geste impulsif, elle multiplia les excuses et les révérences. Après cet instant plutôt malaisant, la brune prit de nouveau la parole, la voix teintée d’une certaine autorité maternelle.




Contrairement à sa précédente remarque, Kagero paraissait à présent bien plus compréhensive et accessible. C’était certain qu’elle culpabilisait d’avoir menacé un inconnu et qu’elle tentait d’effacer cette image plutôt violente grâce à la diplomatie et à l’écoute. Et puis, elle avait toujours essayé de garder un bon contact avec les spectateurs. Après tout, c’était pour eux qu’elle se démenait autant. Leur avis et leur ressenti étaient essentiels dans le travail de la danseuse. Souriant avec chaleur, elle tournait un regard et un visage tendre vers son interlocuteur.

Si vous m'aviez dit que je ferais une telle rencontre, jamais je ne vous aurais cru. Pourtant, mon père m'a souvent prévenu. Les rues de Kumo sont dangereuses et il faut être un shinobi aguerri pour espérer survivre. J'étais tellement gêné par sa présence que je n'avais même pas pu anticiper le danger qui se présentait à moi. Le voile de chakra qui entourait sa main s'approchait rapidement et je n'avais aucune réaction. Était-ce vraiment ainsi que tout allait finir ? Était-ce ma punition pour m'être autant rebeller contre mon père ? Alors que je me sentais perdu, tout s'était arrêté en un instant. Sa colère et son ardeur s'était estompé à mon plus grand soulagement. J'étais ridicule…



A mon tour, je multipliais les révérences pour me faire pardonner d'avoir été aussi rêveur. Je ne pouvais pas cacher ma peur, c'est la première fois que j'étais confronté face à un tel acte. C'était donc cela les rues de Kumo ? Mon entraînement n'était pas fini et il me fallait prendre de l'assurance.

Le changement de comportement de Kagero me rassurait, mais je gardais en tête ce geste impulsif qui aurait pu me blesser voir même me tuer. Il fallait que je fasse abstraction de ça, mais également de ma timidité.



Je rougis légèrement.



Je me frottais l’arrière du crâne tellement j’étais gêné. Je souriais bêtement pour tenter de donner l’impression que je maîtrisais la situation.





Je répondais toujours aussi timidement, mais à mesure que les mots sortaient de ma bouche, on pouvait sentir que je prenais de plus en plus confiance en moi. Il ne fallait surtout pas que je montre plus de faiblesse que je ne l’ai déjà fait.

C'était décidément un gentil garçon. Un peu timide certes, mais il ne représentait pas un réel danger. Au fil de la discussion, toutes les craintes de la jeune femme s'estompèrent. Ainsi, face à cette conclusion rassurante, la Geisha ne put que regretter son impulsivité précédente. Très vite, elle pensa alors à un moyen de redorer son image et d'aider cet admirateur à s'affirmer. En effet, telle la mère qu'elle était, la quarantenaire ne pouvait pas s'empêcher de vouloir aider tous les enfants Miwaku qu'elle croisait. C'était un peu sa manière à elle de servir son désir de renouveau pour le clan. Si elle prêtait main forte à ses compatriotes, peut-être que le sort des siens changera. Cette croyance était très prégnante chez elle, c'était presque sa raison de vivre.



Un rire délicat se fit entendre. Il précéda alors un large sourire, bienveillant et maternel. La danseuse s'empressa alors de faire une proposition étonnante à ce jeune garçon.



Lentement, elle se saisit des mains de son interlocuteur et les entoura des siennes. Ses lèvres dessinaient toujours un sourire radieux et communication.



Pour une fois, elle attendit la réponse de son partenaire. Elle ne voulait pas le forcer ou paraître trop insistante. Néanmoins, elle ne pouvait nier qu'elle était avide de découvertes de rencontres. Surtout que boire un remontant lui ferait le plus grand bien. Après une telle représentation, avaler quelques choses serait bénéfique. De surcroit, le gamin ne paraissait pas bien épais. Peut-être souffrait-il de la pauvreté, un plat chaud lui serait alors salvateur. Résolue à sauver son clan, la belle brune en perdait sa prudence et oubliait même la fatigue de façon momentanée.

La présence de Kagero m'était étrangement satisfaisante. C'était sûrement parce que je n'avais pas l'habitude de côtoyer des femmes. J'étais un jeune adulte qui ne connaissait pas encore grand-chose de la vie. À voir sa façon de parler, elle devait être plus âgée que moi. J'étais incapable de le deviner, elle paraissait jeune.

Je n'avais pas vraiment eu le temps de m'attarder sur ce sujet ni même de lui demander son prénom. La danseuse s'empressait déjà de me faire une proposition. Une invitation à boire un verre ?



Je sentais ses mains saisir les miennes et j'étais incapable de décrocher un mot de plus. Je ne savais plus comment réagir. Un geste très inattendu qui me rendait encore plus mal à l'aise. Je sentais mes joues rougir. Quel idiot, je me comporte comme un vrai gamin !



Je ne savais pas quoi faire de mes mains. Est-ce que je devais l'accompagner de cette manière ou était-ce simplement un geste pour accompagner ses paroles ?

Nous avions pris la route vers l'échoppe la plus proche de nos quartiers. La nuit était noire. Je suivais les pas de Kagero, silencieux. J'attendais un signe de sa part pour pouvoir continuer notre conversation. Je savais qu'elle faisait tout cela pour se faire pardonner et je m'en contentais. Elle restait une rencontre de plus dans ma nouvelle vie.

Dans l'échoppe, j'avais pu remarquer le côté luxueux. Cette Miwaku ne devait pas être malheureuse ou alors ce bar se donnait un genre. Installé à une table, j'osais enfin prendre la parole le premier.



Attendant sa réponse, je lui souris comme pour me donner des airs de confiants.

Ce jeune garçon semblait si doux, si facile à intimider. Face à un personnage aussi attendrissant, Kagero ne put retenir un léger sourire. Décidément, la nouvelle génération touchait la mère droit au cœur. En effet, une telle innocence à Kumo était rare, et pour la Geisha, il s'agissait d'une qualité précieuse pour tous les membres de son clan. Il fallait à tout prix que ce petit brun préserve ce caractère juvénile, se disait-elle. Enfin, lorsque le timide fan accepta l'offre de l'artiste, le duo insolite se hâta de fuir l'obscurité afin d'atteindre le commerce de bouche au plus vite. Là, telle une habituée, la quarantenaire s'installa à une table dégagée et aux allures de fêtes. Ce restaurant détournait les codes impériaux pour mettre en valeur l'ancienne gloire des Miwaku. Il s'agissait un peu d'un îlot perdu, un refuge pour tous les nostalgiques du passé. Ravie de retrouver ce lieu, la belle brune irradiait de joie et d'humanité. Elle semblait reigner dans ce lieu.



À peine les présentations faîtes, qu'un serveur déposa avec discrétion un thé à la bergamote à la table des deux arrivants. La danseuse s'empressa alors de le remercier et de le gratifier d'un sourire tendre. Il était évident qu'elle avait ses habitudes ici.




Un rire délicat se rependit alors dans la salle. Le charme naturel de la femme aux nattes détournait bien des regards, ce soir-là. Toutefois, elle n'en tenait pas compte. Toute son attention était tournée vers l'adolescent.

Je n'ai vraiment pas l'habitude de côtoyer des endroits de la sorte. L'ambiance luxurieuse qui planait tout autour de nous me dérangeait presque. C'est une sensation que j'avais déjà ressentie lorsque j'étais adolescent. Par obligation, j'ai accompagné mon père à un repas d'affaire. Une journée que je ne suis pas prêt d'oublier puisqu'elle a valu la perte de travail de mon père. Cet homme d'affaire avec qui il devait signé un contrat juteux c'était rétracté comme on change de chemise. S'il avait certainement trouvé plus prometteur ailleurs, il aura contribué à la déchéance de mon père. Aujourd'hui, c'est un fermier au maigre revenu. Peu importe ce qu'il est devenu et ce qu'il m'a fait subir, je suis fier de lui et je sais qu'il sera toujours là pour m'aider.

Le thé était servi et l'odeur m'enivrait. Je n'avais pas pour habitude de boire ce genre de boisson, mais l'odeur me remplissait toujours de bonheur. Les choses simples de la vie sont souvent les meilleures. Miwaku Kagero... quel joli prénom. Je sentais mon cœur battre. Comment cela était-il possible ? Je n'y comprenais rien.



Dis-je poliment. J'étais bien plus jeune qu'elle et je lui devais le plus grand des respects, mais alors pourquoi ressentir une telle chose ? Je devais rapidement me retirer ces pensées désagréables. Son sourire me rendait heureux et me permettait d'oublier toutes les erreurs commises ces derniers jours. Elle m'inspirait et je ne savais pas comment l'expliquer. Peut-être était-elle LA solution pour retrouver goût à l'entraînement et ma vie de shinobi. Une voie presque choisi contre mon grès et simplement par la volonté de mes parents. Si j'adorais l'arc, le reste me fatiguait. Seul la musique m'intéressait. Et si je devenais un grand DJ des quartiers du plaisir du village ?



J'en apprenais un peu plus sur Kagero et ses actions dans l'hôpital de Kumo était très louable.



Qu'est-ce que je faisais de ma vie ? Bonne question...



En vérité, j'avais aussi la flemme et m'entraîner tous les jours pour progresser me gonflait.



Je mime de réfléchir en regardant vers le haut.



Je rigole alors comme si je venais de faire la plus folle des blagues. Petit à petit, notre conversation évoluée et j'en apprenais énormément sur cette femme qui me fascinait. J'en étais presque amoureux, un amour impossible. Elle me remontait le moral et elle savait comment me parler. Grâce à elle, j'avais décidé de suivre ma propre voie et de devenir un grand DJ. Devenir un shinobi passera au second plan. Thé après thé, je me suis finalement laissé tenté par une part de gâteau que j'ai dévoré avec gourmandise et une rapidité déconcertante. J'en étais presque malpolie.

Les heures passèrent et il était temps pour nous de nous quitter. J'espérais profondément revoir cette femme magnifique. C'est en tout cas grâce à cette rencontre que je serais devenu l'homme d'aujourd'hui. Je la salue alors d'une belle révérence.



Je tourne alors les talons et quitte la rue, main dans les poches et casque sur les oreilles. J'écoutais une musique électro que j'affectionnais particulièrement.

Marchant encore et encore, je me disais qu'il était peut-être temps de prendre de nouveau contact avec Nobu. Il sera peut-être le mieux placé pour me présenter l'un de mes futurs employeurs...