Tsuge Soshu est mort. L’homme responsable des balbutiements et des vacillements du borgne. L’ancien paysan avait tout perdu par sa faute. Sa joie, sa maison, sa famille, sa femme. Tout ce qui faisait sa vie, pourtant rude, avait été balayée. Impuissant. Absent. L’épouse et le quadragénaire s'étaient réjouies quelques jours auparavant. Les terres gelées donnaient de plus en plus, résultat de techniques d’agriculture souterraine ainsi qu’à l’augmentation de surface cultivée. Malgré le climat sécuritaire de plus en plus inquiétant, l’assurance alimentaire profilait un avenir radieux. La famille allait s'agrandir. Cet hiver là, ils ne manqueraient pas de vivres. Non, ils allaient tout simplement manquer de
chance. Une femme en pleine gestation n’intéressait pas une mafia basée sur la prostitution. A la place de son enlèvement et de son exploitation, c’était un cadavre qui en son sein renfermait un être qui n’avait connu que l'exécution. Des pires des manières. Le corps n’était pas complet. Il s’était fait détroussé, dépossédé de son ensemble, de certains de ses organes. La joie avait cédée à la tristesse, l’amour à la haine et la rage, l’agriculture à un alcoolisme profond, l’avenir à une vendetta. Dans un pathétisme rarement égalé, sa chasse à la vengeance respirait l’amateurisme. Plusieurs fois, il s’était fait tabassé, dans un état enivré, à moitié mort, puant l’alcool, le vomis, la douleur d’un tambour dans la tête et de coups de dague donnés dans une mer glacée aux niveaux des côtes, brisées. Le corps comme l’esprit démantibulaient. Au point mort, au fond du gouffre, le veuf se rattachait à une simple légende urbaine.
Contre toutes attentes, celle-ci l’aidait. Dans ses souvenirs, elle ressemblait étonnament à sa défunte femme. Un rêve, un cauchemar éveillé. Son cerveau lui avait joué des tours. Peut-être. Ou peut-être pas. Le corps et l’esprit avaient leurs séquelles, avec un simple bandage pour enfin les réunir. La vendetta se poursuivait, traquant et retrouvant les trafiquants, le glas de la mort sonnait. Dans le lot, un innocent avait eu la malchance d’être une victime collatérale. Son nom était Kitto Yorokobi, mort en l’an -9, ami de Chikara Oni. Une promesse liait ces trois hommes. Depuis ce jour, le paysan, le mercenaire, plein de regrets, d’amertume et d’animosité s’était rebaptisé : Kitto Keisan. Sachant qu’il était inapte à la vie aux côtés des autres Kitto ou à Konoha - qui à l’époque ne comptait que le clan Chikara - le ninja au bob restait à ses côtés, méfiants et guidant l’évolution du veuf. Le quarentenaire avait, dans ses tourments, eu la chance de profiter de peu de personnes l’ayant grandement aidé, et d’un alignement temporel exceptionnel. A deux, ils avaient mis fin à la mafia nordique qui ravageait les terres d’Ame. Seul un homme s’en était réchappé, le parrain septentrional : Tsuge Shoshi. Cet homme était désormais six pieds sous terre.
Telles étaient les pensées du borgne quand la forêt du Pays du Feu venait entraver leur déplacement. Une profonde introspection. La rencontre et la présence du parrain étaient inattendues, son élimination expéditive dénotait avec ses plans de châtiment. Sans faire attention, le barbu posait son pied sur une branche coupée, à la sève dégueulante. Forçant pour s’en dégager, la réalité le rappelait à l’ordre. Le paysan était un homme de parole. La promesse était menacée. A son retour, tant de choses étaient à faire. S’il savait seulement ce qui s’était passé durant son absence. En l’état actuel de ses connaissances, la menace de la pègre était désactivée durant un temps, Kanashisa avait été tenue éloignée du village, la relique que cherchait Gekido ne devait pas être retrouvée selon Kazami et une équipe y avait été envoyée, sans nouvelle, pour l’en empêcher au cas où. Tout semblait sous contrôle. Si seulement. Les portes de Konoha s’approchaient, la vérité avec. Repassant en tête de file, l’ex-régent était une personnalité connue du village. Même accompagnée de l’Abura, les gardes croyaient sur parole les dires du barbu.
« Elle est avec moi. Faites lui des papiers pour séjourner au seins des murs. Un statut équivalent à ambassadrice, sans la fonction. Où est le chef de la police ? »
L’administration des portes se hâtait avant de se figer. Le quadragénaire saisissait une feuille vierge pour y écrire un mot.
« Euh.. Le chef c’est.. Dis Asura, c’est toujours Kotaro ou.. »
Les deux collègues semblaient quelque peu perdus. Échangeant entre eux sur leur hiérarchie. Police, Anbu, Régente. Sur le terrain, dans les bureaux. Leur discussion était floue. Le borgne coupait court en demandant Kotaro une nouvelle fois “Où ?”.
« Vous avez enregistré le retour d’Uzumaki Shimazu ? Prévenez-moi dès que ça sera fait. »
Le chef du clan roux n’était pas encore rentré, malgré leur petit détour. La mission à l'intérieur était plus dangereuse que celle à l'extérieur. Les mauvaises surprises n’étaient pas à exclure. L’attente était angoissante, surtout aux pensées des dernières paroles du frère de Kazami. En pénétrant selon les directives des gardes, la troupe naviguait dans les rues de Konoha. Une étrange sensation parcourait et saisissait la peau du borgne, pourtant brûlée au torse, jusqu’à hérisser les poils. Échangeant des regards complices avec Seijuro, ces deux là reconnaissaient cette ambiance. Un contexte, proche de l’année post-génocide. Le Kitto gardait un mauvais souvenir de son premier retour. Il lui fallait vite apprendre ce qui avait provoqué cette atmosphère tendue jusque dans les rues, par une personne de confiance. Chikara Oni a qui il devait parler, Kitto Kotaro à qui il avait confié son rôle. Ses anciens coéquipiers de l’Eda. La Racine. En découvrant le roux blasé de loin, l’équipe s’approchait, l’interpellant.
« Kotaro ! J’ai besoin que tu positionnes un homme de confiance aux portes. Remets-lui ce mot, c’est pour l’Uzumakidôno. Fais-moi ton rapport quant à ce qui s’est passé durant mon absence. Je ne suis pas né de la dernière pluie pour remarquer que quelque chose ne va pas. »
A la lecture de la feuille, Keisan demandait à ce que Uzumaki Kanashisa soit maintenue en dehors du village la nuit, et qu’un Kitto l’accompagne durant ses déplacements intra-muros tout pendant que la composante inconnue de son sceau représentait une menace. Il quémandait également à Uzumaki Shimazu de réunir les personnes ayant participées au scellement de l’anomalie de chakra au sein de Gekido, durant l’An 0.