La Dame de Fer fixait l’horizon, depuis le bureau de l’Hokage. Pensive, elle repensait aux décisions qu’elle avait prise. La chose lui apparaissait aujourd’hui limpide. Son erreur n’avait pas été son plan, mais sa position. Elle avait cru que sa nouvelle position de régente ne changerait pas réellement son rôle au sein du village que lorsqu’elle était à la tête des services secrets.
Grave erreur.
Ce sérieux manque de jugement l’avait mis à mal. Et aujourd’hui, elle en était consciente. Tout n’avait pas été mauvais, mais elle aurait dû agir par intermédiaire. A la différence de la chef des Services secrets qui pouvaient agir comme bon lui semblait, l’Hokage (ou le régent le cas échéant) était lié aux chaînes invisibles qui composaient l’essence même d’un personnage public. Incompatible ? En partie. Taram l’avait prévenue, mais plus que jamais cela faisait sens. Elle devait déléguer.
Mais avant de devenir la régente qu’elle aurait toujours dû être, elle devait terminer ce qu’elle avait commencé. Contenir les flammes, éviter les réactions en chaîne.
Alors lorsque Keisan entra dans son bureau, la Dame de Fer ne pouvait s’empêcher d’afficher un léger sourire de soulagement. Enfin revenu de sa mission. Enfin, les choses allaient pouvoir aller vers le mieux. Du moins, c’est ce qu’elle espérait. Sans grande surprise, le borgne était mécontent. Sans grande surprise, il servit un verre d’alcool à la Dame de Fer, qui l’attrapa sans dire un mot.
La Dame de Fer s’exécutait. Elle n’avait pas envie de rentrer en conflit direct avec son ami. Mais à la différence de lui, elle était une zélée. Lorsqu’elle avait un objectif en tête, Mako ne connaissait ni pitié, ni remords, ni quelconque émotion pouvant venir entraver son jugement. Elle s’éloignait d’une mère aimante pour devenir une calculatrice froide et ne connaissant ni peur, ni amour. Rien qu’une logique pure et dure. Une logique qui lui avait permis d’accomplir de grandes choses, mais qui l’avait empêché de voir l’entièreté de son rôle, qui lui, demandait une bonne dose d’empathie et de théorie de l’esprit.
À la fin de cette série d’images résumant les grandes parties d’un récit en vitesse grand V, la Dame de Fer se posa de nouveau sur son siège, comme fatigué. Elle fixa alors le borgne.
« Bien, parlons. Mais pas de régente à Kittodono, mais de Mako à Keisan. »
Elle le fixa d’un air sévère.
« Mes conneries dis-tu ? »
La Dame de Fer prit alors une gorgée.
« Un an Keisan. Une putain d’année sans qu’aucun de vous n’ose prendre une putain de décision vis-à-vis de Kazami. Et tu sais très bien pourquoi. »
Elle le fixa d’un air sévère.
« Vous êtes rongé par la peur. »
Le ton était calme, mais sans équivoque, posant cette vérité brutale. La Dame de Fer affichait un regard, avec cette étincelle dans sa pupille. Keisan la connaissait. La modération n’était pas une qualité de la Dame de Fer. Lorsqu’elle prenait une décision, elle tranchait dans le vif.
« Nous payons aujourd’hui le prix que nous aurions dû payer il y a déjà 5 ans. La « zizanie » que tu observes, ce n’est que le prix de la dette que nous avons accumulé ! Cette femme s'est hissé au rang de légende meurtrière, rendant impossible tout action de la part des hommes de crainte de voir l’histoire se répéter. La peur, qui nous a menés à la corruption Keisan. Pas de vous, mais de la société civile. Et j’en ai les preuves les plus formelles. »
« Et au lieu de prendre le problème à bras le corps, vous êtes partis en mission. Tous. Laissant ce village sans tête de file. En proie à la corruption, qui affecte et gangrène nos rangs. En proie à ses propres démons intérieurs ! Et ça, ce n'est pas la conséquence de « mes conneries ». »
La Dame de Fer posa son verre avec une égale virulence. Elle était toujours calme. Mais son ami avait débuté la conversation sur une mauvaise pente.
« Sais-tu au moins ce que j’ai accompli, ces dernières semaines pendant votre petite vadrouille ? »
« J’ai récolté les preuves nécessaires pour mettre fin à la corruption. J’ai rendu à Kazami sa juste place, un humain, comme toi et moi, et j’ai brisé l’illusion qu’elle était intouchable. J’ai rendu son jugement possible. Je comptais même l’utiliser contre Gekido, en tant que carte pour le déstabiliser et le vaincre. »
« Alors voilà, Kazami rembourse une infime partie de sa dette en servant le village, et alors ? Que reste-il ? Aucune tentative d’assassinat, que ce soit d’elle ou moi. L’ombre d’une guerre civile que nous voyons se profiler n’est que le spectre du passé. Nous devons affronter nos peurs, et pas lorsque nos ennemis seront à nos portes ! »
La Dame de Fer s’arrêta et reprit son souffle, elle s’arrêta simplement.
« Alors oui Keisan, j’ai crevé l’abcès purulent qui gangrène nos esprits depuis 5 ans. Mais passer cette épreuve avec succès est nécessaire pour désinfecter la plaie suintant d’il y a cinq ans. Cicatriser, et repartir sur de bonnes bases. J’ai sauvé ce village de ceux qui usait et abusait de cette situation pour leurs intérêts personnels.
Je n’ai fait qu’utiliser la loi du chaos. Détruire ce qui est mauvais, pour repartir sur des bases saines. Une civilisation bâtie sur la peur ne peut connaître qu’une seule fin : la destruction. »
« Si le prix à payer est ma vie et mon honneur, alors je suis prête à affronter ce retour de flammes et à en porter l’entière responsabilité. Les lâches n’accomplissent rien. Ce sont les braves qui écrivent l’histoire. J’ai fait ce qu’aucun de vous, dans ce putain de « conseil des sages », vous n’avez eu les couilles de le faire. Je m’en suis pris à Kazami, à ce symbole invincible, et vous avez la preuve par A + B qu’elle peut être jugée, et je l’ai remis à votre portée, et je vous offre en prime une liste avec ceux qui usent de leur position pour corrompre des Shinobi. Il y a des preuves, des rapports, suffisant pour les condamner à jamais. J’ai accompli ma mission en tant que Cheftaine des Services secrets. »
« Alors si j’ai commis une erreur Keisan, c’est celle-là. C’est d’avoir mésestimé la différence entre une régente et un chef des services secrets. Je n’aurais pas dû libérer Kazami, mais c’est parce que je l’ai fait que je peux prouver les agissements de ces dignitaires usant de corruption. Un mal pour un bien. Une nécessité à accomplir dans le temps qu’il mettait imparti. »
La Dame de Fer frotta son front.
« Mais tu as raison. Le temps est à l’heure de la réparation… Blâmer qui est responsable de quoi n’a pas de sens…
»
Le ton était plus calme, plus posée. La Zélée c’était-elle assagis ?
« J’aurais dû m’en apercevoir avant… Et le problème va plus loin. Il est lié intrinsèquement au fonctionnement de notre république. Il faut changer, et s’occuper de ces problèmes. Mais je ne peux pas le faire seule.
Il est nécessaire que je m'en remette au conseil des Sages, et qu'ils m'approuvent, ou pose quelqu'un d'autre à la tête du village. C'est ce que je compte faire. Et pour Kazami... Elle ne peut être utilisée comme je le pensais. Il faut faire un jugement. Mais est-ce que la justice sera réparatrice ? J'en doute. Certains verront d'un mauvais oeil sa condamnation à mort. Il n'y a aucune bonne solution. »