Ma dernière petite escapade n’a pas véritablement été appréciée par la maîtresse de maison. Elle est encore plus insupportable que d’ordinaire. Je n’ai pourtant jamais été aussi clair dans mes réflexions depuis des années. J’aurais aimé en profiter d’avantage. Ca me fatigue d’être attaché à ce lit en permanence, ça fait bien 3 jours que je n’ai pas pu bouger, je commence à en avoir plus qu’assez. Elle est dans le renouveau en plus, voilà que je n’ai pas le droit de parler maintenant? Je fais comment moi pour me plaindre maintenant? Je suis réveillé depuis combien de temps? Je ne peux même pas tourner la tête pour voir l’heure qu’il est! Si je bouge trop je vais encore finir par me fatiguer, il faut que je trouve un moyen de faire venir la femme de chambre. Je gesticule autant que possible, mais sans véritable surprise je n’arrive à rien. Quand est-ce que je suis devenu aussi faible? L’ai-je toujours été? Je n’ai pas l’impression d’avoir vu autre chose que mon plafond depuis des lustre. Haha, “lustre”, “plafond” je me rabaisse à des jeux de mots aussi minable pour ma propre distraction.
Si je tends l’oreille et j’arrive à entendre des gens derrière la porte, ils parlent de moi, rien d’étonnant. Ça n'a pas l’air d’être la course pour venir s’occuper de moi une fois de plus. Prenez donc votre courage à deux mains bande d’incapables. Je n’ai pas que ça à faire. Enfin, si mais j’aimerais faire autre chose de ma journée que d’avaler vos cachets et me laisser piquer à tout va. J’ai plus de trous dans le bras qu’un de ces fromages jaune infâme. Je vais simplement tenter de les faire entrer plus rapidement. Je remue sans retenu dans le lit et j’arrive à le faire bouger la table de chevet qui fait perdre l’équilibre au verre qui est dessus.
La porte s’ouvre juste après. Vous en avez mis du temps les larbins! La femme se précipite vers le verre qui est brisé au pied de la table alors que l’homme vient vers moi et me regarde consterné. Je ne les aime pas, mais ils sont les seuls qui acceptent véritablement de s’occuper de moi. Je m’efforce d’être un minimum agréable avec eux deux. Ils sont vieux, ce serait facile de m’en débarasser, mais si je le fais, je vais me retrouver avec une bonne femme au bord des larmes comme quand la vieille Sachi était malade et que le vieux Jiro s’occupait d’elle. Ils sont probablement les plus compétents du manoir. Il m’enlève le bâillon et je bouge ma mâchoire pour détendre mes muscles.
« Jeune maître, calmez-vous s’il vous plait! Votre mère va encore rallonger votre punition sinon… »
« Je n’ai plus 5 ans, il va falloir que la mégère comprenne ça un jour! »
« Certes, certes…Nous allons vous détacher pour une visite médicale de toute façon. Votre médecin n’est plus à Kumo et il vous faut rencontrer quelqu’un pour le suivi de votre état de santé. »
« Ne pas m’enfermer 3 jours consécutifs dans une pièce où le soleil passe à peine et ne pas m’injecter des produits douteux dans le bras me semble une solution. »
Il rigole amèrement, il sait que j’ai raison. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet de toute façon, cela ne servira à rien. Il commence à enlever les sangles. J’éprouve une véritable libération quand celle autour de mon coup est défaite, il est pénible de ne pas pouvoir tourner la tête quand bon me semble. Et c’est d’ailleurs la première chose que je fais quand j’ai la possibilité de bouger. Je me frotte les poignets avant de me redresser avec peine sur le lit. Je laisse mes jambes pendre dans le vide comme pour laisser le sang circuler. Je ne peux pas m’empêcher de soupirer de soulagement avant de poser le pied au sol. Sans surprise, je n’ai pas assez de force et je sens que je vais m’écrouler. Le vieux Jiro me retient et m’aide à me redresser le temps que mes jambes cessent de trembler. Je le pousse légèrement quand je sens que je suis capable de marcher seul et me dirige vers la salle de bain. J’ai un minimum d’éducation et il est hors de question qu’on m'examine alors que je suis plein de sueur.
Comme prévu, personne d’autre ne se porte volontaire pour m’accompagner à cette visite et le vieux couple ne bronche pas. Je me dis que si le manoir venait à disparaître… Par mégarde… Ils seraient probablement les seuls que j'essaierais de sortir des décombres. Enfin bon… Je ne sais pas où nous allons, je ne fais que les suivre en essayant de me concentrer sur les paroles de la vieille Sachi. Un vrai moulin à parole cette femme. Mais l’avantage est que j’ai toujours de quoi me concentrer quand on est en extérieur. J’arrive à ne pas entendre les bruits extérieurs qui sont une véritable peine pour moi. Ils me font perdre mon sang froid.
« Au quartier Miwaku, jeune maître! »
« Vous n’aviez pas un médecin compétent chez les Hattori? »
« … Disons qu’ils n’étaient pas vraiment d’accord pour s’occuper de vous. »
« Hm… La mégère a encore ouvert sa bouche rempli de venin à ce que je vois… »
Maudits Hattori et leur culte de la pureté! Je ne suis pas assez bon pour vous? Me prendre pour un raté juste parce que je ne suis pas capable de maîtriser de poison. Je vous prouverais que je ne suis pas aussi faible que vous le pensez! Le jour où je serais capable de ne pas subir votre traitement qui m'assomme, je vous réduirai en cendre vous qui me regardez de haut!
« Un vrai taudis! Digne du clan Miwaku… Allons-y… »
Je ne sais pas qui est le médecin en question, mais j'espère qu’il sera à la hauteur.