Le vent soufflait dans une légère brise qui me caressait le visage. C'était une sensation que je n'avais pas senti depuis tellement d'années, des dizaines, peut-être des centaines, je n'en savais rien. La notion du temps était tout bonnement perdue depuis belle lurette. La deux filles étaient là, à s'entraider pour me sortir de mon trou, presque s'enjaillant pour l'une des deux d'arriver à m'extirper de ma torpeur. Je regardais les alentours, et les lieux avaient déjà bien changé. Le paysage ne ressemblait plus vraiment à ce que j'avais connu, jadis.
La question de connaître le nombre d'années perdu dans ce trou se soulevait encore plus. Mais surtout, que faisaient ces deux fillettes dans un endroit tel que celui-ci ? Ce n'était pas un lieu très sécurisé, ni sécurisant pour deux frêles filles qui semblaient ne pas vraiment savoir se défendre, qui plus est.
« Comment vous nommez vous, chère demoiselle ? Celle qui vous seconde est Tomori d'après ce que j'ai compris, mais vous, je n'en sais rien. »
Il fallait bien que je sache cette information pour la remercier une fois dégagé de ce calvaire centenaire. Seulement, une chose que je n'avais pas prévue me troubla. La faim, elle était revenue à une vitesse tel, que j'en salivais comme jamais. Le moment ou elle me saisit la main, le contact de la peau, depuis tant d'années, la chaleur oubliée d'un corps en vie, tout cela me rendait nerveuse. Je tentais de le dissimuler, ne rien montrer, car ces deux-là étaient mon seul salut pour m'échapper de cette prison de pierre. Le pire était de ressentir à son contact les battements du cœur, entendre l'écoulement du sang dans les veines, et l'envie grandissant de planter les crocs dans cette chair fine et douce pour me délecter de cette substance.
La seconde fille me regardait bizarrement, mais je décidais de ne pas m'en occuper. Du moins, d'essayer de ne pas lui faire face le plus possible. Elle semblait avoir des doutes sur moi, ou une certaine gêne dans son regard. Où était-ce peut-être une sorte d'inquiétude ou de peur ? Je n'arrivais pas à la décrypter et cela posait un gros problème. La première fille qui me tenait commençait un décompte pour me hisser sur la terre fraîche.
* 3 ... 2 ... ... *
Je ne pouvais plus tenir, mes sens étaient trop exacerbés et l'envie de me nourrir encore plus intenable. Elle me tirait, tandis que de ma main libre, je réussissais tant bien que mal à me hisser lentement. Mes jambes étaient cette fois dans le vide, je n'avais plus aucune prise. Seule ma main sur la terre, accrochée à une touffe d'herbe et cette prise avec la demoiselle me perdait de ne pas retomber dans la noirceur de trou. Il fallait attendre juste un peu. Quelques secondes. Juste quelques secondes. Je regardais les veines qui ressortaient dues à l'effort qu'elle faisait.
Avec un peu de force, je tentais de la rapprocher de moi, tentant en même temps de grimper, et c'est à ce moment, son bras au plus proche que mes crocs se plantèrent dedans. Le liquide rougeâtre enivrant mes sens, la sensation d'extase et de satisfaction d'enfin pouvoir recevoir de la vrai nourriture me prenait comme un orgasme. Je ne contrôlais plus rien. Ni le venin, ni mon absorption, la seule chose que je voulais était de me rassasier au maximum. Je sentais le fluide coulé de chaque côté de ma bouche.
*Quel blasphème que d'en perdre après tout ce temps.*
Un éclair de lucidité me revint comme une gifle. J'étais entrain de tuer celle qui me sortait de là. L'envie et la faim m'avait fait perdre tout contrôle. Je devais arrêter. Lâchant ma prise avec une certaine difficulté, je restais accroché à son bras.
« Désolé, je ne sais pas ce qu'il m'a pris. J'ai perdu les pédales. Veuillez m'excuser sincèrement. »
Je savais que le mal était déjà fait et que mes chances de rester agrippé allait tomber à nul ou presque.