Faire vite ? Le Bellâtre y comptait bien. Dans ses souvenirs, Shizuka n’était pas femme aimante de discussion. Et depuis son retour, elle affichait clairement des ambitions de conquête à la recherche d’une quelconque gloire passée. Le Bâtard lui, n’avait jamais connu une quelconque gloire. Il avait été fils de l’Okasan, mais sa mère n’avait même pas daigné le regarder effectuer une cérémonie du thé. Méprisé par les siens car vu comme un privilégié, et ignoré par sa mère car bien trop occupée à s’occuper des enfants royaux. Le paon bleu avait beau eu essayé de s’entraîner des heures durant à faire la plus belle des roues, le seul résultat qu’il n’avait jamais reçu était le mépris… Ou l’ignorance.
Il avait donc dû faire sa place, seul, parmi les ombres.
Assuré d’avoir le soutien de son seul véritable amour jusqu’au bout, le Bellâtre lui fit un sourire.
« Tu me connais. Et puis, Shizuka-dôno n’est pas genre à se perdre en détail. »
Finalement, la voix de l’Impératrice ordonna, et les hommes se mirent au pas. S’il s’agissait d’une véritable épreuve pour Nori, Raiko avait lui, l’habitude d’entretenir ce genre de rapport avec les femmes de pouvoir. Sa mère, après tout, en était une.
Le Paon effectua alors son énième roue. Une révérence parfaitement maîtrisée, non pas sans arrêter son regard furtif vers la femme encapuchonné. La prêtresse ? Dans les affaires politiques de Kumo ? « La Vipère… » pensa le Bellâtre. Si la femme participait à toutes les décisions importantes, alors elle était devenue, en plus d’être la femme la plus énigmatique de Kumo, probablement la plus puissante hors Shizuka… Et la plus dangereuse.
« Il n’est pas une surprise, en effet, que mon nom résonne jusqu’à vos oreilles, Shizuka-dôno. Et si je viens m’enquérir de vous, c’est que cette affaire mérite, je le crois, votre attention. »
« Le Maître des Mots ». Miwaku Raiko était beau parleur, bon diplomate, excellent investisseur, et avait le sens du commerce. Mais il était face à une Impératrice… Est-ce que ces dons allaient pouvoir être suffisant.
« Comme convenu avec notre Empereur, Masashi-dôno, - et celons vos désirs depuis votre retour- je procède pas à pas à la mise en demeure de la pègre. Depuis notre précédent rendez-vous ce printemps, de nombreuses choses changent. Les habitudes ont la vie dure, mais nous arrivons pas à pas à terme d’un processus de changement. Le noir devient gris, et le gris auparavant ennuyeux devient fascinant. De quoi satisfaire les fantasmes de transgression, sans jamais dépasser le cadre de la loi. Cette méthode prend du temps, mais qui prouvera son efficacité à terme puisque l’ensemble de la pègre, inhérente à toute société, sera dans vos mains. »
« Seulement voilà, nous rencontrons un problème. »
Le regard de glace du paon bleu se fixa dans le regard doré de l’Impératrice.
« Il apparaît que les Miwaku soient pris d’une frénésie impétueuse de défiance envers votre régime actuel. Et qu’ils soient proche à passer à l’acte. S’ils le font, nous pouvons nous attendre à des réactions en chaîne sans aucun contrôle. Puisqu’ils ne seront jamais satisfaits, du moins, pas tant que leur statut sera considéré explicitement et implicitement inférieur aux Hattori, personne ne peut prédire exactement jusqu’où ira ces réactions… Vu que les mentalités sont des choses longues à changer. »
Le Bellâtre fixa la Prêtresse.
« Ce que je veux dire par là, Votre Majesté, c’est que la menace de mon assassinat est grandissante. Mais au-delà de ça, pense que je serais le tout premier sur une longue liste de représailles, comprenant de nombreux noms… Je ne suis qu’un bon prétexte, mais leur ferveur envers l’Empire… Dépasse largement la ferveur envers les Hattori. »
« Si je disparais maintenant, tous les dirigeants des établissements se verront alors devenir indépendant. Et les mauvaises pratiques reprendront, comme lorsque je fus absent. Et au lieu d’avoir un seul interlocuteur, vous en auriez des centaines. La destruction de l’un, faisant grandir le marché de l’autre… Certes, cela ne représente pas une menace directe pour l’Empire… Par contre, cela sera semblable à une multitude d’écharde. Un travail long, fastidieux, et sans véritable fin. Un coût non-négligeable, surtout pour un Empire qui compte entrer en guerre. »
« La question demeure sur ce que vous comptez faire face à une pareille situation ? Avez-vous ouïe de ces nouvelles ? Avez-vous rencontré des personnes qui vous ont fait part de ces choses récemment ? »