Préparatifs

Soren se tenait aux portes du village pour une occasion spéciale.
On lui avait récemment confié une mission en binôme avec une autre Kaguya qu'elle ne connaissait que de vue, une dénommée Kitsune. Apparemment une partie des activités commerciales du pays de l'eau étaient détournées par un pirate de renom, Ubashi Daigo, dont le repère était jusqu'alors méconnu de Kirigakure. Ce que l'on savait de lui ? Que son égoïsme ainsi que ses hostilités répétées nuisaient aux intérêts de Kirigakure et qu'il avait sous ses ordres une joyeuse petite troupe et deux solides navires en activité.

La présence de shinobi était donc souhaitée pour mettre un terme à cette affaire. En causant la perte des vaisseaux ennemis, ou dans le meilleur des cas, en démantelant ce triste réseau une fois la tête du rebelle tranchée. Ce dernier gagnait en confiance, il y avait donc des chances d'avoir affaire à lui ou ses subordonnés en voyageant en haute mer dans les prochains navires de commerce en partance. Une des pistes les plus évidentes même s'il y en probablement d'autres ?

Quoiqu'il en soit, la kunoichi attendait sa comparse pour un premier échange autours de cette mission. Toutes deux allaient passer un bout de temps ensembles et il valait mieux s'accorder avant de se lancer à l'aveuglette. Son masque de Yokai sur le crâne, elle patientait donc en s'amusant à faire tenir en équilibre des senbons du bout des doigts, via sa main droite.

Cela faisait maintenant près d'un an que Gochiro était au pouvoir et avait par la même tué le père de Kitsune. Celle-ci s'était tantôt découverte un dégoût prononcé pour cet homme, alors que personne ne voulait comprendre son point de vue, pas même son frère. Pour elle, le Mizukage était un parvenu, un traître qui avait trompé son chef. Elle se sentait terriblement seule et ne pouvait plus que compter sur elle-même, ne faisait qu'avouer ce qu'elle ressentait qu'à demie-mots et bien souvent, son vis-à-vis ne saisissait pas ses paroles et la prenait pour une folle. Après tout, le village n'avait jamais vraiment fait attention à la princesse qui pleurait son roi, la noblesse n'existait pas à Kiri. Mais la rage en elle était si grande et si lourde à porter au quotidien qu'elle rêvait parfois de la laisser éclater. Cependant, le gros du village ne devait pas se douter qu'elle aiguisait ses griffes et rongeait son frein dans l'attente du moment rêver pour assassiner le Mizukage.

Aujourd'hui, il faisait beau, des mouettes riaient sur le village. Elle s'était réveillée plutôt de bonne humeur. Peut-être que le mouvement de cette journée lui accorderait un peu de répits en son cœur...



La jeune femme qui se tenait aux portes de la ville correspondait à la description qu'on lui en avait fait, en tout cas. Les premiers traits étant qu'elle portait un masque, un point rouge au milieu du front et un grain de beauté sous l’œil. Kitsune avait les yeux assez exercés pour s'en apercevoir malgré la distance. Il lui semblait également qu'elle était assez sauvage, une beauté Kaguya dans toute sa splendeur, elle fut obligée de s'en rendre compte même si elle n'était en aucun cas attirée par les femmes.

Mais devoir pourchasser des pirates avec une autre femme, était-ce vraiment prudent ? Ces gens avaient la drôle de réputation de ne pas savoir se tenir...Peu importait, après tout, un Kaguya ne revenait jamais chez lui la queue entre les jambes. Il en valait aussi pour les femelles du peuple.
Kitsune s'approcha de sa partenaire et avec une sympathie et une courtoisie non feinte, lui tendit une main amicale.

Commençait-elle alors qu'un fin sourire s'était incrusté à son visage suite à l'évocation de La Gloire de si bon matin. Ensuite, la Kaguya rangea ses senbons puis s'approcha de sa comparse, la balayant de bas en haut du regard comme si de rien était ; mais sans y perdre sa moue enthousiaste. Il n'y avait là aucun manque de respect pour Soren, elle s'attardait souvent sur les gens ainsi, sans chercher à s'en cacher. Elle saisit finalement la main de Kitsune tout en déposant la seconde sur sa propre hanche, adoptant une posture avenante.



L'ordre de mission était adressé à deux kunoichi de même rang, en coopération, et voilà que la blonde platine présentait d'elle-même l'autre kirijin comme une « supérieure ». Peut-être de quoi surprendre celle-ci, après tout les Kaguya étaient souvent du genre à s'imposer plutôt qu'à mettre celui d'en face sur un piédestal. Toutefois ce n'était pas le cas de Soren – Elle détenait une certaine forme d'humilité, ou aimait du moins en jouer, afin de ne pas causer de tensions inutiles entre elle et ses partenaires. Elle ne préférait pas avoir à se casser le nez face à un surplus d'ego avant de jouer ses cartes pour poser les bases saines d'une équipe soudée.

Car elle n'admettait pas l'échec et souhaitait plus que tout mettre toutes les chances de son côté. Si la hiérarchie avait demandé deux chunins, alors il valait mieux éliminer toutes distances quelles qu'elles soient entre elles avant de s'apprêter pour la mission.

Un peu gênée d'être ainsi examinée, Kitsune réprima un rougissement et se tint plus droite encore. Elle était une femme fière, peut-être légèrement arrogante. Elle n'aimait pas se laisser aller aux sentiments devant les autres, surtout qu'un Kaguya appréciait plus un autre Kaguya ennemi qu'ami. Ils étaient bien placés pour savoir que l'hypocrisie était dangereuse mais était aussi une arme de faiblesse. Sa partenaire finit par saisir sa main et son sourire s'élargit en un presque carnassier à la réponse de sa vis-à-vis.

Que celle-ci la voit comme une supérieure ne voulait absolument rien dire. Dans leur clan, ceux-ci étaient renversés bien volontier et il n'y avait personne pour les pleurer. Kitsune plongea alors ses yeux dans ceux de sa partenaire, désirant faire la part des choses entre humilité et tromperie. Depuis la mort de son père, elle était particulièrement prudente avec cela, mais elle accorda à la jeune femme qui lui faisait face le bénéfice du doute. Elle verrait bien, après tout.



La masquée lui fit un topo du plan qu'elle avait déjà trouvé. Il était parfait, elle ne pouvait rêver mieux.

Avait rétorqué Soren avant un pincement de lèvre.
Sa comparse l'amusait déjà. Le sang assez chaud pour lui faire comprendre qu'à tout instant elles pouvaient se retrouver rivales mais l'esprit assez bienveillant pour lui annoncer avec courtoisie que l'heure n'était pas à cela. La kunoichi ne put même retenir un ricanement ; elle adorait la confrontation, spirituelle comme physique, encore qu'elle ne cachait pas une préférence certaine pour les taquineries souvent instructives au sujet de ses interlocuteurs. Par ailleurs, elle aurait juré avoir perçu chez Kitsune un certain gêne. Creuser au delà de la Fierté récurrente de ses pairs, ça elle savait faire, elle-même étant une Kaguya qui plus est critique envers son clan.



S'était-elle permise d'ajouter exagérément dans une petite pique maligne avant de poser son regard vers la route. Elle attrapait le masque qui se tenait sur le haut de sa tête et souffla une fois dessus avant de laisser place au passage d'un bout de tissu sur sa surface. Enfin, elle l'accrocha à l'arrière de sa ceinture, reprenant le fil de la discussion avec un peu plus de sérieux.

Ne saisissant pas bien ce que Soren avait bien pu vouloir dire à travers sa petite pique, Kitsune leva un sourcil sans répondre. Le sous-entendu était bien trop en-dessous de l'entendu pour qu'elle puisse comprendre quoi que ce fut, mais elle ne s'en formalisa pas. Ce fut le moment que choisit Soren pour reprendre son sérieux. Apparemment, elle était bien plus aux faits que la renarde sur la situation, cela ne l’embarrassait pas vraiment, elle aimait bien se faire guider de temps à autres.



Elles partirent donc vers le port et tandis que les odeurs de poissons et d'iode se faisaient de plus en plus fortes au fil de leurs marches, Kitsune demanda:


Puisque sa comparse avait déjà préparé le terrain, Kitsune voulait voir si elle avait suffisament préparé la mission pour s'aventurer froidement dans cette galère. Sans ou avec, peu lui importait à la vérité, mais il lui fallait déjà constater ce qui avait été fait.

Humant l'air marin avec satisfaction, la kunoichi écoutait sa comparse tout en traçant le chemin. Celle-ci s'interrogeait sur ce qui avait bien pu pousser leurs cibles à choisir la voie de l'illégalité, Soren, elle, avait déjà une opinion sur le sujet. De là à dire que c'était la vérité, elle ne le précisa aucunement, n'en sachant personnellement pas plus.



Dit ainsi, Soren donnait pratiquement l'impression que la mission était terminée. Elles ne savaient même pas encore où étaient les pirates... mais en invoquant le nom du clan de la sorte, elle laissait explicitement comprendre que ce ne serait pas de vulgaire pillards qui mettraient à mal les rangs des Osseux. Il n'en était tout simplement pas question.



Elle venait de changer d'interlocuteur ; une petite troupe patientait sur les docks, assis sur des caisses ou à même le sol et échangeant bruyamment. Certains jouaient aux dés, d'autres aux cartes, l'atmosphère était chargée d'alcool et d'odeurs moins agréables que celles du poisson. Peut-être le prochain climat dans lequel vivraient les deux shinobis pendant l'épopée à venir... Parmi cette vilaine bande, un fin blondinet au regard masqué par ses mèches, souriant de ses grandes dents blanches. Il s'appuyait sur un parapluie, se tournant vers Soren avant de lui répondre d'une voix suave.



Peut-être qu'il ne le faisait pas exprès, mais ce type semblait insupportable. La blonde platine soupirait un instant à l'idée de devoir embarquer sous la tutelle d'un type de son genre. Quand était-il de Kitsune ?

Apparemment, elle n'en savait guère plus et il faudra faire le travail d'investigations pour tout à fait supprimer la moindre menace que représentait ces pirates. Boarf, tout allait à Kitsune.

Arrivée au port, les deux jeunes femmes se dirigèrent vers une troupe de mauvais garçon et Soren leur adressa la parole. C'est alors qu'un gringalet blondinet s'avança vers elle pour les prévenir qu'ils les attendaient depuis longtemps en des termes très...répétés ? Il semblait assez peu fiable, avec ses grandes dents blanches et on ne voyait pas ses yeux. En plus, il puait, pouah ! Kitsune fronçait très perceptiblement le nez face à de telles odeurs. Avec le mouvement de la mer qui ne manquerait pas de lui soulever le cœur, il ne manquerait plus que ça... Aussi, un autre détail attira son attention et la fit soudainement sourire.



Elle eut un rire un peu mesquin.

Il déployait l'instrument en question tout en terminant de parler. L'action provoqua un lourd vrombissement, confirmant la rigidité du parapluie qui ressemblait presque à un bouclier en l'état. Le refermant rapidement, il le reposa contre une caisse avant de taper des mains en braillant quelques mots incompréhensibles pour appeler le reste de l'équipage, invitant ensuite les deux kunoichis à passer devant lui. Il s'improvisa même une courbette maladroite pour l'occasion.
Soren l'ignorait tout simplement puis monta à bord, se tournant ensuite vers Kitsune lorsque celle-ci arriva à son tour sur le pont du navire. Enfin, elle lui glissa discrètement quelques mots avant que leur « hôte » ne les rejoigne.



Pas le temps de terminer sa phrase que le blondin lui coupait la parole, haussant le ton afin de se faire entendre de loin.



Il ne s’arrêtait jamais. Soren semblait peu disposée à le suivre, elle ne manquait pas de sang froid mais on sentait aisément à son visage qu'elle préférerait la solitude à cet équipage, et plus particulièrement cet homme. Si Kitsune n'annonçait pas la couleur à ce dernier, aucun doute que sa comparse s'en chargerait sous peu. Parapluie blindée ou non, la tempête risquait d'être différente si la kunoichi à la chevelure platine la déclenchait.

Il n'était pas très appréciable, c'était le moins que l'on puisse dire, mais il avait un navire et avait déjà tout préparé, si elles faisaient profil bas, la mission serait réglée au bout de deux jours et Soren retrouverait ses petites affaires, Kitsune son bar. Étrangement, cette dernière était assez intriguée par ce gringalet au parapluie blindée, et se demandait comment, s'il n'était pas emporté par le vent, faisait-il pour braver l'eau, donc. Cet objet avait beau être lourd et lui servir de bouclier, on ne pouvait rien contres les éléments lorsqu'ils se déchaînaient et ce n'était pas pour rien que les autres matelots portaient des anoraks. Elle ne répondit donc qu'un rire lorsque Soren avoua qu'elle ne pouvait pas le supporter et au blondinet, elle rétorqua comme la renarde qu'elle était :



Puis, souffla à sa comparse en faisant en sorte que le capitaine n'entende pas :