6h00
Recroquevillé sous ta couette, dans les bras de morphée, tu sais qu'il est temps de te réveiller. Aujourd'hui est un grand jour pour toi : tu allais enfin apprendre à te servir d'un arc. Après des semaines à harceler ta maman, elle avait accepté pour t'en enseigner les rudiments. De nature très peu patiente et autoritaire, tu savais que tu allais devoir te donner à fond pour combler ses exigences. Mais cela ne te faisait pas peur, tu saurais te montrer à la hauteur.
6h15
Émergeant de tes rêves enfantins, tu prends quelques minutes encore avant de te lever puis de t'étirer. Dehors, il fait nuit noire et le gel sur les plantes du jardin t'informe qu'il y fait froid. Baillant, tu t'habilles chaudement d'un manteau d'hiver puis comme te le rappel chaque fois maman, tu fais ton lit. Fin prêt, tu peux enfin sortir de ta chambre. Cette dernière, située à l'étage de la maison, t'oblige à prendre les escaliers. Alors traversant le long couloir, tu passes devant la chambre de Shonin. Sa porte entrebâillée, tu ne peux t'empêcher d'y jeter un coup d'œil curieux. La tête penchée sur le côté, les yeux fermés, elle est là : ta sœur. Endormie, tu la trouvais ravissante et l'admirant, tu te dis que tu as vraiment de la chance de l'avoir. Prenant la poignée, tu prends soin de fermer la porte pour ne pas la déranger. La maison, bien que grande, était vieille et tu savais qu'en descendant les escaliers en bois, tu allais faire un petit boucan.
Arrivé dans la salle à manger, tu te fais chauffer un petit bouillon de riz. Maman t'avais appris à en faire et cela était devenu ton petit rituel chaque matin. T'emparant de deux baguettes et d'un bol, tu commences à manger tranquillement feuilletant en même temps un recueil de Haiku.
6h30
Finissant ton petit-déjeuner, tu entends la porte d'entrée s'ouvrir. Ta mère est là, un arc à la main, deux lapins morts dans l'autre. À ta vue, son visage fermé se transforme en un sourire et déposant ses affaires elle vient à ta rencontre. Te passant la main dans tes cheveux en un signe d'affection, elle paraît étonnée de te voir ici.
« Coucou trésor ! Qu'est-ce que tu fais réveiller à cette heure-ci ?! »
D'un gémissement, tu lui réponds, boudeur qu'elle ait oublié.
« Mamaaan..... Ne me dis pas que tu as oublié.... »
« Oh ! Excuse-moi mon chéri. J'étais parti à la chasse et cela m'était passé au-dessus de la tête. »
Reprenant ses affaires elle te demande :
« Et bien, tu es prêt ? »
Puis d'un air que tu lui connais si bien elle rajoute :
« Naoki ! Ton bol ! Ce n'est pas à moi de le ranger ! Et puis tu t'es lavé les dents ?! »
Ah sacré maman... Elle est son caractère explosif…
6h40
Enfin, dehors, le bol dans l'évier, les dents propres. Tu suis ta mère dans la campagne environnante. L'aube se lève, accompagné des chants joyeux des rossignols. Aujourd'hui, il allait faire beau, penses-tu songeur.
« Naoki ne traîne pas ! »
Accélérant le pas vous rejoignez bientôt un terrain désert en terre. 10 mètres plus loin de toi, des cibles en bois sont posées en ligne. Il y en a des petites, des moyennes et des grosses. Te tournant vers ta mère, tu lui demandes, intrigué :
« Dis maman, tu arrives à toucher la petite là-bas ? »
En guise de réponse, elle prend une flèche de son carquois, l'arme sur son arc et sans même prendre le temps de viser la décoche. Fasciner, tu vois la flèche se ficher sur la petite cible dans un bruit sourd. Guère impressionner par son exploit, ta mère te dit fermement :
« Bon... À ton tour. Laisse-moi te donner un arc à ta taille. »
Tu la vois partir en direction de ses affaires et en ressortir un petit arc, bien moins imposante que le sien.
« Mais c'est quoi ça.... J'ai pas envie de chasser des mouches maman... »
De son regard sévère, elle te tire gentiment l'oreille.
« Ne dis pas n'importe quoi. Ce n'est pas l'arc qui fera de toi un bon chasseur, mais toi qui feras de l'arc une arme. Alors maintenant, arrête de discuter et prends le. »
Obligé, tu prends d'une main mollassonne le petit arc.
« Tu vois la grosse cible ? Tu vas t'entraîner dessus d'accord ? Allez prend une de mes flèches et montre moi de quoi tu es capable. »
Sur ses dires, tu t'empares d'une flèche aiguisée dans son carquois. Non, sans mal, tu la mets sur ta corde. Tendant cette dernière au maximum, tu essaies du mieux que tu peux de viser la cible au loin. La corde tendue te fait mal au doigt, mais tu t'accroches. Tu voulais impressionner ta mère ! Après quelques secondes de concentration accompagnées de douleurs, tu décoches ta flèche qui à ta grande déception passe au-dessus de la cible.
Triste, tu imagines déjà la déception de ta mère à la vue de cet échec. Te retournant vers elle, appréhensif, tu es étonné de la voire sourire.
« Je suis très impressionné Naoki. C'est bien pour une première fois. Peu de personnes arrivent à décocher la première flèche et à ton âge, c'est encore plus surprenant. »
Savoir que ta mère est fière de toi et qu'elle en vient même à te complimenter, te met du baume au cœur. Voyant tes chevilles enfler, ta mère change d'attitude.
« Ne prends pas la grosse tête ! Tu es encore loin de m'arriver à la cheville. Si tu veux prétendre à être chasseur, il faut que tu saches viser. »
T'accordant une nouvelle flèche, elle te donne de nouvelles instructions.
« Lorsque tu vises, ferme l'œil près de la main qui tend la corde. Ensuite, inspire un grand coup et retiens ta respiration. Tu vois la petite bosse de ton pouce ? Et bien vise quelques centimètres au-dessus. »
Appliquant les instructions, tu décoches ta flèche qui s'écrase bien plus loin que la cible. Déçu, tu demandes
« Pourquoi ça ne marche pas ? J'ai pourtant appliqué ce que tu m'as dit... »
« Tu ne pensais tout de même pas que ce serait aussi facile ? Il faut savoir doser sa force. Il n'y a pas de secret : c'est de l'entraînement. Tu ne dois faire qu'un avec ton arc. Allez réessaye ! »
Voilà plusieurs heures que tu t'entraînes sous le regard et les reproches de ta mère. Tes doigts sont écorchés, tes bras fatigués et à force de te concentrer, ta vision se brouille. Tu as bien progressé et tu arrives maintenant à toucher parfois la grosse cible. Tu aurais voulu continuer jusqu'à mourir d'épuisement, mais ta mère t'annonce qu'il est temps de partir. Papa a sûrement dû faire à manger et Shonin doit t'attendre à la maison. Tirant une dernière flèche qui a ta grande satisfaction se fiche doucement dans la cible, tu rejoins ta mère. Te prenant la main, elle affiche un grand sourire.
« Je suis fier de toi Naoki. Continue à t'entraîner et tu me surpasseras. Allez ! Mettons-nous en route ! On a une ferme à s'occuper ! »
La suivant, tu ne peux que te promettre de venir ici chaque fois que l'occasion se présentera. Tu deviendras le plus grand tireur à l'arc que cette terre ait connu !
