« Kyota, va y tues le lui, il est déjà à moitié mort. »
« Non, merci, je passe mon tour. »
« Tu passes ton tour ? Mais c’est pas un bowling, c’est une mission ! »
« Oui, et je refuse de tuer un ennemi déjà mort de toute évidence. Vous êtes là pour ça, moi ma mission, c’est de vous garder en vie. »
C’était le scénario typique des missions de Kiri pour moi. S’aventurer en dehors du village, abattre des bandits qui tentaient de piller nos marchands et nos terres, revenir à Kiri. Mes équipiers sont des Barbares Kaguya évidemment, quoi d’autre puisque j’en suis un moi même. Mais je les regardais toujours avec un air un peu désespéré. Malgré tout, je les appréciais. Ils n’étaient pas forcément très intellectuel, mais pas stupide non plus, je dirais qu’il était plutôt stratège en combat que dans la vie. Mais même avec ça, ils restaient de chic type en quelques sortes. Au début, j’avais eu du mal avec eux évidemment, ils étaient violents, bruyants, brusques… Tout mon opposé et je devais faire avec. J’étais souvent laissé de côté, je ne participais pas vraiment aux conversations ni aux combats sauf qu’en j’en avais l’obligation. Mais petit à petit, ils ont fini par m’intégrer et presque me prendre sous leur aile. Je n’étais pas un sans-clanique, donc j’étais juste un Kaguya un peu bizarre, mais un Kaguya quand même malgré que je n’avais encore jamais tué à 14 ans.
« Faudra bien que tu en tues un quand même un jour. »
« Quand j’estimerais que je n’ai pas d’autres choix certainement… Quand vous vous serez fait botter le cul par un adversaire plus fort, je viendrais vous sauver. »
« AHAHAHA t’es con Kyota ! Mais si ça arrive, j’espère que tu nous sauveras ! »
« Peut-être. Je suis le médecin après tout. »
« T’inquiète on fera de toi un homme avant d’avoir à se faire botter le cul ! »
Nous étions assis au bord d’une rivière, tous à moitié nue pour nous laver. Nos vêtements étaient tachés de sang, comme nos corps et l’odeur pouvait ramener les animaux, alors il fallait se laver. Heureusement, c’était la belle saison. Pendant que ces idiots jouaient à se battre dans l’eau, moi, je préparais le camp, installant divers pièges à base de fils et de clochette pour que l’on puisse passer une nuit plus agréable. J’avais rapidement fini et alors que je me préparais à faire un feu, je les voyais revenir avec pas mal de poisson. La maîtrise des hommes avait l’avantage d’offrir des armes simples mais efficaces en tout cas. Ils déposaient tout ça sur les roches à côté alors que je m’attelais à allumer un feu. Nous mangerons chaud ce soir.
« D’ailleurs, pourquoi tu ne veux pas tuer Kyota ? T’es un Kaguya pourtant, tu ne devrais pas te poser autant de questions. »
« Hum… Je dirais que ce n’est pas une question de vouloir ou non, mais plutôt une question de mérite. Je suis un Kaguya, mais je ne suis pas aussi fort que vous, je ne suis pas aussi performant au combat. Alors je fais simplement ceux dans quoi je suis bon. Je pense que si tu te blesses Iro, tu demanderas pas à Yugo de te soigner. »
« Hors de question, ce con arriverait sûrement à empirer ma blessure ahah ! »
« Et bien moi, c’est pareil. Je n’ai pas besoin de tuer, vous le faites très bien. Mais vous soignez comme des tanches, alors il faut bien que quelqu’un s’en charge. »
« Ça se tient. Mais je suis sûr qu’un jour, tu deviendras un vrai Kaguya t’inquiète pas. T’es un des nôtres, tu pourras pas échouer. »
Ils étaient idiots… Mais ils étaient bons d’une certaine façon. Avec moi du moins. J’avais leur respect malgré tout, c’était peut-être difficile de s’en rendre compte de l’extérieur, mais ils comprenaient que j’étais mine de rien, plus puissant que je ne laissais paraître.
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Le temps passait vite. C’était il y a 10 ans déjà, mais c’était le genre de souvenir dont je me souvenais comme si c’était hier. C’était le genre de chose que mon esprit aimait se remémorer alors que je racontais à mon fils à quoi ressemblait la vie dans notre ancien village. Il ne l’avait jamais connu, il ne le connaîtrait jamais d’ailleurs. Mais je me sentais responsable de son apprentissage la dessus, comme un héritage, une part de ma généalogie me poussait à lui transmettre cette sorte de fierté nostalgique de ce village qui avait su après des années loin de lui, trouver grâce à mes yeux. La vie a Kiri n’avait jamais été rose. Celle a Kumo ne le serait certainement jamais non plus d’ailleurs. Et maintenant que j’en étais à ce stade, je me disais que bien que Kiri eût une place particulière, mon nouveau village saurait trouver la sienne.
« Papa, pourquoi Kiri n’est plus là ?
»
« Hmmm… C’est compliqué, Shun. C’est un sujet de grande personne, donc je t’en parlerais quand tu seras un petit peu plus grand. Peut-être même que je pourrais un jour t’envoyer voir les ruines de Kiri, te montrer ou étais mon ancienne maison, celle de tes grands-parents, etc. »
« J’avais une chambre dans ta maison ? »
« Oui, tu avais une chambre de prête, mais tu n’as jamais dormi dedans, car Maman a dû partir du village elle aussi. Elle t’a protégé, et moi, j’ai cherché à protéger Maman. »
« Tu as tué plein de méchants pour protéger maman !? »
« ahah… Non mon cœur, non. Papa ne tue pas les gens pour rien, Papa aide les gens. Je n’ai pas besoin d’être violent pour être fort. Mais si quelqu’un s’en prenait à maman ou à toi, oui, je pourrais le faire. Mais ne dis pas à Maman que j’ai dit ça, je me ferais gronder ! »
Il mettait ses mains devant sa bouche comme s’il venait de dire une bêtise, je souriais alors. Au final, mes anciens coéquipiers et mon fils ne devaient pas avoir loin du même âge en ce qui concernait leur curiosité. C’était plutôt drôle de s’en rendre compte… Bien que d’un autre côté, c'était effrayant de voir que même sans avoir été éduqué comme un Kaguya… La mort était déjà un sujet dont il semblait avoir compris les principes à un si jeune âge. Notre sang était véritablement teinté du meurtre…