« Année 10 début de l'hivers, le froid n'est pas encore arrivé, mais il ne saurait tarder »
Voilà plusieurs années que Jun parcourt les terres de l’île, trop frêle pour devenir un combattant d’élite, trop petit pour aspirer à une quelconque gloire dans cet endroit coupé du monde et aux mœurs barbares. Dans sa détresse, il avait rencontré une vieille Kaguya, trop vieille pour être une Kaguya comme les autres. Et c’était le cas, cette personne était une kunoichi, mais s’étant spécialisée dans le soin, à défaut d’être une guerrière, au grand dam de ses parents et comme ceux de Jun lorsqu’il choisit cette voie. Elle le prit sous son aile, lui inculqua les bases pour faire de lui un ninja tout autant qu’un soigneur. Ils formaient à présent un duo atypique. Un beau jour, elle finit par lui demander de parcourir l’île afin de s'améliorer par lui-même afin de terminer la première partie de son cursus, l’obligeant à se développer des compétences dans différents domaines avant de revenir à elle pour pousser son entraînement.
Le Village
C’était bien beau de vagabonder à travers l’île, encore fallait-il le faire le ventre plein. Si les gros bras des puissants guerriers n’avaient aucun mal à se faire de l’argent rapidement, que ce soit par le biais de petit boulot allant du transport d’objet lourd aux missions de protection, voire tout simplement en prenant l’argent de personnes plus faibles. Il ne restait, souvent, que des métiers ingrats comme nettoyeur d’écurie ou dans la blanchisserie (vous n’avez pas idée à quel point le sang sur les vêtements est dur à enlever si on ne le lave pas rapidement). En parlant avec les gens du coin, j’ai appris l'existence de groupes dans les montagnes, des bergers, avec qui ils échangent des ressources, mais l’information ne s'arrêtait pas là, car plusieurs de leurs chèvres avaient étés blessées récemment lors d’affrontement entre plusieurs hommes se partagent les pâturages. Ce genre de rixe était monnaie courante dans notre île et c’est là que mes bases dans la médecine allait être utile. Après avoir soutiré quelques pièces aux villageois pour soigner quelques bleus et écorchures, je me suis mis en route pour les montagnes.
Le chemin de montagne
Cela faisait déjà plusieurs heures que j’étais parti et j’avais toujours l’impression de ne pas m’en être rapproché. C’est en regardant derrière moi, tout en m’épongeant le front, que je pouvais constater le chemin parcouru. Je repensais à cette vieille senseï et réalisais quel était le but de ce voyage. Tout simplement, voir les progrès que j’avais fait et ceux qu’ils me restaient à faire, pensais-je en retournant mon regard vers les hauts pâturages.
Les heures défilées, le soleil chutait inlassablement et n’offrait plus qu’un ciel rouge lorsque j’arrivais enfin au lieu indiqué par les villageois. C’était une vieille cahute en pierre plate depuis laquelle échappait de son centre, un léger volute de fumée. L’odeur alléchante, bien que ce ne soit pas de la viande, titillait durement mon estomac qui n’avait avalé que du pain et quelques fruits secs dans la matinée. Je frappais à la porte et un vacarme se fit entendre à l’intérieur.
- J’VAIS T’FAIRE BOUFFER TES MORTS, KURO !
Hurlait à plein poumon le robuste individu qui venait d’ouvrir la porte sauvagement, la faisant claquer si fort qu’elle se dégonda et l’écho, qui retentissait maintenant dans la vallée, réveillait en sursaut les chèvres qui s’étaient assoupis. Surprit de me voir, immobile, mais pas décontenancé pour autant. L'habitude…. Il me scruta, lançant son regard de haut en bas, tout en se calmant rapidement.
-
Tu veux quoi ? Enchainait il.
T’fous quoi paumé par là ?
-
Je.. Je ne suis pas perdu, enfin, je ne pense pas l’être. Les villageois m’ont informé que vous avez besoin d’aide. Sentant son regard inquisiteur, comme si je disais quelque chose de louche.
Besoin d’aide pour vos chèvres… vos chèvres blessées plus précisément.
Après avoir passé plusieurs dizaines de minutes à essayer de comprendre son problème, ce dernier pouvait se résumer en quelques mots. Kuro, un autre berger des environs était venu sur son terrain pour tenter de le lui prendre de force et d’y installer son troupeau. Il allait sans dire qu’il possédait l’herbage le plus vert des environs et cela faisait des envieux. Ce Kuro, était balèze, mais ce n’était pas le plus fort dans les environs, au mieux le deuxième, mais dans la rage du combat, plus d’une douzaine de chèvres avaient subi des dommages collatéraux. Il s’en était sorti vainqueur, mais à un coût élevé. Il ne pouvait pas les laisser là, sinon, elles se feraient sûrement attaquer et ne pas bouger, alors qu’il aurait déjà dû être parti. En gros, c’était un énorme manque à gagner pour les mois à venir. C’est là que j’intervenais. Moyennant une coquette somme, cela va de soi. Il m'invita dans sa hutte et nous y mangions un morceau avant de nous endormir, la journée de demain allait être longue.
Les soins
Le soleil n’était même pas levé que nous l'étions déjà. Les bêtes n’étaient pas très loin, mais je pense qu’il était impatient de voir si je n’étais pas un charlatan et de remettre son activité en route. Après nous être préparés et alimentés, nous sommes arrivés, en une dizaine de minutes, sur les lieux où gisait littéralement les pauvres bêtes. On aurait dit qu’une tornade avait dévasté cette partie précise du plateau. Entre trous dans la terre, les rochers déracinés et certains même pulvérisés. Ces gars-là n’étaient pas à prendre à la légère… Je m’approchais des bêtes, apparaissent par leur bergers, cela me simplifiait grandement la tâche. Certaines boitaient, d'autres étaient couvertes d’écorchures, quand elles n’étaient pas tout simplement allongées. Étonnement, une seule était morte sur le coup, limite déchiquetée par quelque chose de sauvage.
Je soignais rapidement les blessures les plus urgentes, mais j’en laissais une à part, un gros morceau, trop gros peut être, mais le berger était insistant à ce que je l’ausculte et la soigne. Je compris rapidement que c’était sa favorite, la laine la plus douce et le meilleur lait de la région, s'enorgueillissait-il. Une fois terminé je m’attaquais enfin au cas de “Biquette” (oui, c’est original). Écchymoses, ligaments distendus, Blessures internes diverses… Je prenais mon courage à deux mains et tentais de mettre en application tout ce que la vieille m’avait appris. Après plusieurs essais, parfois concluant, parfois non, je finissais par remettre la petite biquette sur ses quatres pattes et elle parti derechef en sautillant gaiement dans l’herbe verte pendant que je m’écroulais d’épuisement. L’après midi était déjà bien avancé et me proposait de rester une nuit de plus en guise de gratitude. Ce que j’acceptais avec plaisir.
Le retour
De retour à la hutte, nous avons passé la soirée à discuter, j’appris plein de choses sur l'élevage des chèvres ou l’histoire des environs. Épuisé par ma journée, je me suis couché tôt pour me réveiller au petit matin. Il terminait de cuisiner un petit panier repas pour mon retour auquel il avait ajouté la somme convenue pour le soin de ses bêtes et, alors que j’allais passer le pas de la porte, il s’interposa :
-
Dis moi petiote, avant de te casser, t’as pas envie de chevaucher le plus balèze des étalons de la région ? C’pas tous les jours qu’on voit des petites comme toi dans l’coin. Finit il en caressant mes cheveux du bout des doigts en un geste qui voulait sûrement être tendre.
Je le regardais alors, interloqué et lui lançait, droit dans les yeux, mais avec un soupçon d'hésitation :
-
Mais heu…. Je suis un garçon… Bon ok, ça m’arrivait de temps en temps, mais après avoir passé plus d’une journée ensemble, quand même...
Encore plus gêné que je ne l’étais, il s’écartait de la porte pour me laisser passer et sans dire un mot de plus me salua de la main, mutique malgré les milliers de questions qui venaient de lui traverser son pauvre esprit. Je m’éloignais et décidait de lancer un dernier regard à cette hutte et à ce bergers.. Qui était en train de ramener biquette dans sa hutte. Ni une ni deux, je décidais d'accélérer le pas et de repartir à l’aventure durant ce petit voyage initiatique.