Médisances

De retour de mission après deux jours de traque sur l'île, Genji coupe à travers le quartier des Kaguya pour rejoindre celui de son clan. Bien que membres d'un même village, ils ne se mélangent pas... drôle de façon de montrer l'unité d'une armée.

D'ordinaire, il ne s'y attarde pas. Mais une discussion entre deux Osseux attire son attention.

-"Vous avez dit Raikage ?" Curieux, comme toujours, il s'approche d'eux et s'incruste dans les échanges. "Vous l'avez déjà vu ? Y paraît que son chapeau est ridicule." Genji y voit là un moyen comme un autre de se détendre après une chasse de presque quarante-huit heures. Et puis pouvoir cracher sur un Hattori qui s'avère être le chef de Kumo... ça n'a pas de prix.

Autant dire que le trentenaire ne va pas se gêner.

La kunoichi se trouvait en pleine conversation avec l'un de ses frères d'arme. Dans ses mains, un Bingobook ouvert à la page du Raikage depuis plusieurs bonnes minutes ; celui-ci était devenu le nouveau sujet de conversation, le moindre détail chez lui donnant prétexte à une couche supplémentaire de ragots en tout genre. Soren s'était prêtée au jeu facilement, bien qu'elle ressentait secrètement une certaine admiration pour les Hattori – Au delà de leur look incompréhensible, elle voyait en eux un clan qui ne reculait jamais en plus de diversifier ses stratégies pour parvenir à ses fins. Ils avaient pour eux le talent et le bagout, un prestige plus noble que celui que l'on pouvait observer chez les Kaguya, assurément. Oh elle n'avait pas honte des siens pour autant, au contraire même, mais cela n'écartait d'aucune façon de son esprit certains fantasmes concernant les combattants de Kumogakure.

Quoiqu'il en soit, l'arrivée d'un autre protagoniste la força à présenter la page du Bingobook, un doigt posé sur l'emplacement du chapeau.



Pas des Kaguya en tout cas. Ou alors il devrait être sacrément fort.
Ricanant telle une hyène, la Kaguya ajouta.



… Et elle riait de plus belle. Pour sûr, leur Raikage présentait bizarrement sur ce dessin. Mais peut-être était-ce là simplement leurs coutumes vestimentaires ? On racontait que là bas, les femmes se peinturluraient de blanc et limitaient leurs mouvements via d'horribles kimonos trop serrés. « Sans doute avaient-elles plus de chance que lui », pensait-elle, jubilant intérieurement !

Portant son regard sur l'ébauche du Raikage, le visage de Genji se déforme à la vue de celui-ci. "Sérieux ?" Grimace-t-il, avant d'éclater de rire. "Haha ! Difficile de croire pareil dessin puisque personne ne l'a jamais vu. Mais ça a le mérite d'être fendard." Puis repart d'un éclat de rire, accompagnant celui de la Kaguya.

-"J'espère vivre assez longtemps pour apercevoir ce haut de forme, ou à défaut d'un mensonge hilarant, l'homme censé le porter." Puis essuie une larme d'amusement perlant au coin de l'œil.

"Mais trêve de fables. Comme tu dis, un combat contre le kage d'un village fier n'est certainement pas à prendre à la légère. Quand bien même les mensonges de certains alimentent un bingo book." Relevant la couverture d'entre les mains de Soren pour en apercevoir le titre, une moue réticente resserre ses lèvres. "Je m'inquiète tout de même de la bonne valeur de ce bingo book... si on laisse filtrer le moindre ragot jusque sur ces pages, nous ne risquons pas d'attraper grand chose, sinon l'imagination de quelques-uns."

Genji plonge alors son regard dans celui de la jeune femme, curieux. "Où te l'es-tu procuré ?" Il n'était pas rare de voir circuler quelques faux à travers les rues perpétuellement embrumées de la cité.

Esquissant un nouveau sourire, Soren repensait à son « incroyable » talent de dessinatrice. Non, il ne valait mieux pas en effet. Avec elle, même un chapeau aurait difficilement été reconnaissable. Mais des informations, des précisions, des détails... de quoi faire circuler les informations chez les shinobi de Kiri. S'il y n'y avait pas de valeur sûre, peut-être pouvait-elle en devenir une ? Enfin, c'était largement accessoire. Déjà, survivre était une bonne optique face à des adversaires méconnus.

Il rigole à la blague de Soren, avant que le sérieux ne semble reprendre la voie de la discussion. Une question comme un test, ainsi Genji perçoit-il la dernière phrase de la Kaguya. Et à travers elle, une vérité bien triste.

-"Votre clan semble effectivement plus tourner par la compétition afin d'atteindre la tête du village que d'ôter celle de Kumo... . Une attitude qui favorise les sacrifices, véritables bombes à retardement, dont les Kirijins en seront les seules et uniques victimes."

Et le regard porté vers le lointain, il laisse la brise de Kiri emporter son murmure. "Le jour où Gaikotsu et Kaguya seront vraiment unis, alors nous aurons notre chance face aux Kumojin." Persuadé que cet avenir triomphal n'est pas si lointain que cela, Genji espère vivre assez longtemps pour voir l'asservissement de Kiri par Kumo s'achever.

Rétorquait la kunoichi assez sèchement. Ce thème revenait régulièrement et son avis sur la question était bien tranché : Les bons sentiments ne suffisaient pas pour gagner une guerre, seule l'Autorité et l'organisation des corps kirijins permettraient de préparer le conflit. Les critiques et la dénonciation de l'injustice actuelle, quant à elles, n'y changeraient rien.



Elle croisait les bras, jaugeant son interlocuteur d'un air désappointé. Elle n'aimait pas qu'on parle ainsi de son clan, d'autant plus lorsque les paroles ne se reposaient pas sur un quelconque exemple à suivre.

-"Je ne te pousse en rien, tu es libre de tes déductions." Un léger sourire éclaire alors le visage de Genji. Car les arguments de la Kaguya en disent plus qu'il n'y paraît. Et à travers certains d'entre eux, le trentenaire s'y retrouve. "Mais tu as raison sur un point, l'unification ne résoudra pas tout, du moins pas les sacrifice, si aucun traitement de fond n'est mené pour organiser Kiri."

La guerre pour la guerre, Genji pourrait s'en réjouir, oui, frapper pour le plaisir de tuer. L'envie irrépressible et carnassier de détruire, de verser le sang. Mais cela n'apporterait qu'un plaisir éphémère, immédiatement suivit d'un profond silence. Rien qu'une mer d'obscurité englobant les guerriers, tombés comme survivants.

Non, la guerre pour la guerre n'est pas la solution.

-"Pour autant, tu t'offusques de préjugés sur ton clan, tout en t'autorisant le même genre de généralités sur le mien." Genji n'est pas vexé, nombreux sont les ignorants sur les coutumes des Gaikotsu. Par l'oubli du temps qui passe, plus que par réel mépris à leur égard. "Nous n'avons pas de meneur, mais nous sommes bien guidés, par nos anciens. Le devoir de mémoire est une forme décisionnelle étonnante de par son efficacité. Et jusqu'à présent, nous sommes toujours restés soudés entre nous, comme fidèles au Kage, seul vrai et unique chef des shinobis."

S'écartant de quelques pas pour signifier la fin de la discussion et se rapprocher un peu plus de son quartier, il émet une dernière remarque pour Soren. Une façon de marquer son respect sincère envers son clan. "Les Kaguya sont fiers et pourtant nous cohabitons depuis plus de deux siècles. Cet assentiment représente la vraie force du peuple Kirijin, il serait idiot d'en douter ou pire, de s'en défaire." S'inclinant respectueusement, il pivote puis rentre prendre une douche, la course poursuite des deux derniers jours ayant laissé ses traces... .