À la chasse

~18h15~

Les bois étaient calmes. Seuls les bruits des feuilles tombant à nu sur le sol dérangeaient le doux silence de la nature. En haut, le soleil commençait à décliner laissant sur le ciel une traîné de rose qui accompagnait merveilleusement bien la couleur des érables feuilles caramel. Un arc dans les mains, marchant sur la pointe des pieds, tu tendais l'oreille au moindre bruit suspect. Cela faisait bien 30 min que tu traquais cette biche. Tu l'avais d'abord vu au loin, mais par manque de discrétion elle t'avait entendu et c'était alors enfui. Comme maman te l'avait enseigner, tu l'avais alors pisté à l'aide des traces sur le sol. Cela n'était pas chose aisée, mais tu sentais que tu n'étais plus très loin. Cette chasse était pour toi un moyen de t'entraîner au tir à l'arc, mais aussi de montrer à maman que tous les entraînements qu'elles t'avaient fait faire n'avaient pas été vains. Ramener cette biche à la maison en serait la preuve.

~18h25~

Tu pensais l'avoir définitivement perdu quand tu l'as vis, pas très loin, mangeant de l'herbe dans une clairière. T'accroupissant dans un buisson, tu sortis alors ton arc. Puis prenant une flèche dans ton carquois, tu commenças à l'armer et à viser le cou de la biche. Tendons la corde au maximum, tu retins ta respiration puis t'assurant que ta cible n'avait pas bougé entre temps, tu décochas, pleine balle, ta flèche. Le temps sembla s'arrêter puis un cri de douleur résonna. Tu l'avais enfin touché ! Seulement, tu n'avais pas pris en compte le vent qui s'était levé et qui avait fait déjoué la trajectoire de ta flèche. Cette dernière ne s'était ainsi donc pas fichée dans le cou comme tu l'avais espéré, mais plutôt au niveau de ses poumons. Mais peu importe, son temps était compté. Et malgré qu'elle fuyait, tentant désespérément de fuir à son destin tragique, tu prenais tout ton temps. Tu savais qu'elle ne pourrait pas aller loin avec une blessure aussi fatale et puis tu n'avais plus qu'à suivre les traces de sang pour la retrouver.

~18h30~

Tu t'enfonçais de plus en plus profondément dans la petite forêt. Maman et papa t'avaient toujours obligé à rester aux extrémités, mais l'idée de rapporter ton butin de chasse à la maison t'empêcher de rebrousser le chemin. Les traces de sang au sol s'accentuaient tout comme ton appréhension. Tu ne comptais plus le nombre d'histoires effrayantes que papa t'avait raconté sur ces bois. Tu t'efforçais de les oublier, mais seuls dans cette forêt, tu ne pouvais les ignorer. Alors secouant la tête comme pour y échapper, tu te dis qu'il est temps d'en finir au plus vite. Suivant inlassablement les traces de sang sur le sol, tu entendis enfin des gémissements. Courant, oreille tendue, en direction des bruits, tu entrepris de sauter un gros tronc d'arbre. Puis t'engageant parmi les denses feuillages, tu retrouvas enfin ta biche allongé par terre lâchant une série de cris de douleur. Tu l'aurais achevé pour lui épargner de ses souffrances si les crocs de la gueule d'un loup n'étaient pas accrochés fermement à son cou…..

Ce loup, qui te volait ta proie, n'était pas bien costaud, mais il ne t'en faisait pas moins peur. Ses deux yeux jaunes se plantaient dans les tiens à l'affût du moindre mouvement de ta part. Tu savais qu'il n'hésiterait pas à attaquer un petit garçon comme toi. Cela ne lui ferait qu'un repas de plus après tout. Alors, mettant tes deux mains en l'air en signe de soumission et pour lui montrer que tu ne tenterais rien, tu lui fis un sourire rassurant :


Un craquement retentit alors. Le loup détourna son regard de toi et tu décidas de saisir cette occasion pour sortir ton arc. Cette biche était à toi pas à lui ! Tu t'étais donné du mal pour l'avoir, ce ne serait sûrement pas ce gros matou qui t'empêcherait de t'en emparer. Le prédateur reportant de nouveau son attention sur toi lâcha le cou de la biche et montra férocement ses dents. Cela t'impressionna et l'idée de finir la tête dans sa mâchoire ne t'effraya que plus. Tremblant, tu sortis une flèche de ton carquois et effectuas la même opération que pour la biche. Néanmoins, la peur et le tremblement de tes bras t'empêchèrent de bien viser et ce fut ainsi que la flèche que tu décochas alla se perdre dans les buissons aux alentours. Comprenant qu'il n'avait plus rien à craindre de toi, le loup commença à avancer lentement vers toi. Il n'était pas pressé et avait l'air de se délecter de cette peur qui t'habitait. Tétanisé, impuissant, tu crias.

On dirait que le soleil va bientôt se coucher... Je ferai mieux de me dépêcher de retourner à la maison avant que l’obscurité n’envahit les lieux. Pas que j’ai peur du noir non. Il est juste difficile de se repérer dans cette foret même si l’on est habitué à y venir.
De plus, la nuit fait sortir tous les prédateurs qui sommeillent pendant la journée. Ils sont affamés et chassent à leur tour. Ainsi est faite la nature. Quoiqu’il en soit je dois rentrer immédiatement à la maison. Au moins pour arriver avant le souper.

Prenons donc ma décision, je pris la direction de la sortie la plus proche, suivant les marques que les riverains avaient tracé sur les arbres.
Alors que je marchais paisiblement en cette direction, quelque chose retint mon attention. Il y avait du mouvement à proximité. Le bruit de l’herbe sonnant à mes oreilles. Il ne pouvait s’agir que de ça.
Ayant entendu ce son, je me pressai afin d’éviter la créature qui devait se trouver aux alentours. Il serait inutile de rester ici plus longtemps de toute façon.

Mais alors que je me hâtais, continuant ma route, un cri fit son apparition venant du même endroit. Il s’agissait sans le moindre doute, d’un cri d’enfant.
La proie est donc un enfant ?! Sans perdre la moindre minute, je me dirigeai vers le dit lieu. Et que fut ma surprise lorsque je vis la scène.
Je ne sais pas est ce qu’il s’agissait d’une impression, mais le moment durant le quel le canidé se dirigeait vers le mioche se passa dans un ralenti ahurissant. Un ralenti qui me permit de réagir instantanément alors que je fus encore dans ma course.

Je ne ralentis pas. Profitant de ma flexion, je vins asséner malgré mois un coup de pied fulgurant vers le museau de la pauvre bête, l’envoyant valser dans le décor. Ce fut très désagréable.
Je n’aime pas user de mes forces contre autrui, en particulier sur des bêtes démunies de conscience.
Le loup n’avait clairement pas compris ce qui venait de se passer. Il était même déstabiliser, et ses petits grognements craintifs en témoignaient parfaitement. C’est vraiment pitoyable.

Je m’en veux presque d’avoir sauvé ce jeune garçon de cette façon. Mais je n’avais guère le choix. Me retournant vers la victime. Je me rendis compte qu’il s’agissait de quelqu’un que je connaissais.
Le fils d’Akazome. Il a vraiment eus de la chance. Le regardant d’un air sérieux. Je ne pus m’empêcher de lui poser la question.



Les loups ne sont jamais seuls. Et tiens, celui que je venais de recadrer ne me le faisait pas dire. Hurlant d’une pose particulière, celui faisait sans aucun doute appel à ses collègues. Nous devions vite nous retirer d’ici.
Massacrer des loups ne fait absolument partie de mes activités favorites.



Dis je avant de reprendre ma course, faisant signe au gamin de me suivre. Le noir envahira bientôt les lieux, et contrairement à nous, les animaux sont plus que bien équipé pour attaquer dans de telles conditions.

Paralysé, tétanisé, le regard fuyant, l'heure de la fin se rapprochait petit à petit. Tu te demandais si cela allait faire mal. Plus mal que la fois où tu t'étais brisé la cheville. Le loup s'approchait dangereusement et tu aurais sûrement fait pipi dans ton pantalon si un pied sorti de nul part ne l'avais pas fait valser dans les feuillages. Glapissant, tu le vis déguerpir sans demander son reste.


C'était un miracle que ton sauveur se soit présenté à temps. Quelques secondes de plus et c'était la fin pensais tu en soupirant. Ne voyant pas le visage de ton sauveur à cause de la faible luminosité du bois, tu enjambas les quelques mètres qui vous séparaient.


Était ce vraiment le jeune homme ennuyant de la dernière fois qui t'avais sauvé la vie ? Peu importe, son acte héroïque en restait tout de même un et chaleureusement, tu lui répondis :


Pointant du doigt la biche morte, tu ajoutas :


Shuzo avait l'air pressé de partir et tu n'en comprenais pas la raison. Il savait se battre et sa récente prouesse en art martial le prouvait. Avec lui, rien à craindre te disait tu ! Mais peut-être qu'il devait rentrer chez lui… Alors sortant ton opinel, tu vins couper un morceau de poil de ta victime. Tu aurais voulu ramener la biche, mais il se faisait tard et tu doutais que tu en eusses le temps. Mais bon... Cela te ferait au moins un souvenir de chasse et une preuve de ton exploit à tes parents.

Suivant le pas de Shuzo, tu compris enfin la crainte de ce dernier et son empressement de quitter les lieux. Selon ses dires, d'autres loups n'hésiteraient pas à se ramener et tu ne mettais en aucun cas en doute sa parole. Parcourant la forêt, tu étais tout de même intrigué.

Je dois l’avouer, j’ai sauvé Naoki de peu. Je n’aurai pas cru arriver à temps. Mais quoiqu’il en soit, il est sain et sauf et c’est l’essentiel. Dès son sauvetage, nous primes la route pou retourné vers nos demeures respectives, ou plutôt pour au moins sortir de la forêt avant que la totale obscurité n’envahisse les lieux. Mais il y a quelque chose qui m’étonne plus ou moins.
Moi et mon père avions l’habitude de chasser, mais ce n’était jamais à de telles heures tardives. De plus, ce n’était jamais une partie de plaisir d’abattre un animal. C’était même assez éprouvant pour moi.

Mais en ce qui concerne le mioche, il semble assez fier de son exploit, quand je pense qu’il est même resté malgré le danger pour abattre sa proie, ça me fait presque froid au dos. Ou est-il complètement différent de nos semblables.
En règle générale, les sekken ont rarement recours à une telle violence. Nous tuons nos prois rapidement afin de ne pas les faire souffrir. Poursuivre une biche à coups de flèches, n’est pas chose commune dans ma fille du moins.
Pourtant, nous ne suivons pas les préceptes du chef de clan qui sont bien plus stricte concernant notre passivité. Peut être qu’en réalité qu’ils se sont adaptés à la vie dure hors clan de la même façon.

Ça ne serait pas étonnant à vrais dire. Le village ou ils habitent regorge de errants. On y trouve des individus de tous les horizons. Il est fort possible que la chasse ainsi faite soit devenue une chose anodine. Mais je ne pouvais m’empêcher de lui dire le fond de ma pensée, les créatures que nous poursuivons, que nous chassons que nous persécutons ne méritent pas de souffrir avant de mourir.
Au même titre que nous elles sont des habitants de ces terres qui méritent de vivre paisiblement. La bête qu’il a atteinte précédemment est probablement encore vivante, tentant tant bien que mal de rompre pour survivre, une lueur d’espoir aux yeux.



C’était un conseil que je lui donnais, peut être qu’il ne m’écouterait pas. Mais au moins, j’avais le cœur plus léger. Après quoi, je vins répondre à sa deuxième question.



Après ma réponse je lui souris légèrement avant de continuer en direction de la forêt, nous y étions presque, la lumière de la lune éclaircissait la sortie.

Retrouvant le chemin principal de la forêt, tu accéléras l'allure pour te mettre à la hauteur de ton sauveur. Son visage était fermé et tu ne comprenais pas pourquoi. Tu étais sain et sauf, cela ne lui plaisait-il donc pas ? Tu n'eus pas à attendre longtemps pour avoir une explication.
Tes deux joues rougissant sous la gêne, tu lui répondis d'un air désolé :


Lâchant un long soupire qui dans ces bois silencieux passait pour un hurlement, tu ajoutas :


Jusqu'à là, tu ne voyais les animaux que comme des cibles à abattre et non comme des êtres vivants. Le simple fait de savoir que tu avais ôté la vie de quelqu'un te répugnait. Tu détestais la violence et tu en avais pourtant fait usage avec ton arc. A vrai dire, ce qui te chagriner le plus, était le fait de t'être réjouis de la mort de la biche. Tu te souviens de ce sentiment de satisfaction qui s'était emparé de toi lorsque tu avais décoché ta flèche sur son pelage. Tu ne te sentais pas humain, tu étais un monstre. Une larme roula doucement sur ta joue.


Et bien... Ta sensibilité ne te perdra donc jamais Naoki…

Sortant de la forêt sans un mot, le cœur lourd et les yeux mouillés, il était temps pour toi de quitter Shuzo.


Sur le point de partir, tu le retenu par la manche :


Sans attendre de réponse, toujours sous le choc, tu partis la tête basse. La nuit s'étant rafraichie, tu mis la main dans ta poche. C'est alors que tu tatas du bout des doigts la peau de biche que tu avais prélevé sur le corps de l'animal. La sortant, tu la contemplas pendant deux longues minutes. Puis la remettant délicatement dans ta poche, tu te fis la promesse de ne plus faire de mal aux animaux et de ne plus utiliser ton arc. Fini les entraînements, tu ne toucherais plus à cette arme meurtrière. Tu le jures sur ce morceau de pelage !