Changer le sens du vent [Kazami]

Ils étaient revenus misérables, couverts de sang et d'ecchymoses, le regard hanté par ce qu'ils avaient bien pu expérimenter. Boitant, se trainant, ils avaient réussi à atteindre les portes de Konoha vivants malgré tout, et elle était de corvée de garde lorsqu'ils s'étaient écroulés devant l'entrée.
Misérables. Brisés.
Et jeunes, si jeunes. Plus qu'elle, mais peut-être étaient-ils aussi plus doués. Plus impliqués, ce serait à peine étonnant vu le dédain de Haruhime pour la carrière de Ninja qu'elle n'avait pas choisie, et qui l'exécrait. Elle avait voulu être fleuriste, quand elle était petite, jusqu'à ce qu'on la jette dans les griffes du combat en lui disant de grandir un peu, et de servir son village dans la foulée. Pas étonnant qu'elle n'ai aucune affection pour son rôle de combattante alors qu'elle ne rêvait que d'aider. Ou de cultiver des jolis iris dans un jardin tranquille.

Mais le retour de l'équipe, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase du ras-le-bol. A quoi elle servait si elle ne pouvait rien faire pour aider les autres à part attendre devant une grande porte et, régulièrement, massacrer des adversaires pour des raisons futiles ?
Elle réfléchissait depuis quelques temps à d'autres voies, ayant même été jusqu'à s'essayer à la médecine –oh, très basique- pour voir si ça lui plaisait. Haruhime avait songé, brièvement, à parler avec les Ninjas médecins de Konoha. Voir s'ils pouvaient la former, lui trouver une utilité, quelque chose. Et puis elle avait abandonné et s'était résignée à rester un bon petit soldat.

Jusqu'à ce moment, donc, où devant les yeux ébahis de ses partenaires de garde de porte, elle avait semblé soudain très déterminée. Les mains rougies de sang, très pâle, elle avait regardé son supérieur.



J'aimerais vous dire qu'elle avait tout laissé derrière elle et qu'elle avait couru jusqu'à l'hôpital pour changer de vie... Mais elle attendit la fin de son service, comme un bon petit pion bien éduqué, avant de prendre en main son changement de cap.

Elle n'hésita même pas, une fois arrivée devant le bâtiment : Haru se présenta directement au premier médecin qu'elle croisa et qui n'avait pas l'air trop occupé. Elle lui expliqua qu'elle voulait voir Kazami –rien que ça, oui-, qu'elle voulait lui demander quelque chose et que, s'il vous plait, c'était très urgent. Peut-être parce qu'elle avait été très polie durant toute sa tirade, ou parce qu'elle avait vu ses phalanges encore rougies de sang, la petite Ninja doctoresse se contenta de hocher la tête et de la conduire à toute vitesse dans le labyrinthe de couloirs.
En son for intérieur, la grande tige brune bouillait d'impatience et de crainte. Elle espérait que la quasi-légendaire Kazami voudrait bien la recevoir. Et la prendre comme élève, si la chance lui souriait vraiment.

Agenouillée devant Namiko, Kazami avait le regard au sol.



L'aînée déposa son livre et se tourna vers la rouquine.



Celle-ci leva la tête, surprise. Etait-ce une question piège ? Une nouvelle leçon à apprendre ? Sans vraiment oser regarder son sensei dans les yeux, elle bafoua :



Un instant de silence se posa dans la salle. Un silence pesant. Qu'était la réponse que Namiko attendait ? Celle-ci brisa le silence par sa voix ferme :



Les joues de Kazami devinrent de la même couleur que ses cheveux.





Kazami releva la tête brutalement et regarda Namiko. Ses yeux étaient posés sur elle, impassible. Elle était si forte, si belle ... Le rêve de Kazami. Mais elle semblait aujourd'hui lui reprocher ses choix et sa nomination.



Son coeur se serra. Sans réfléchir, elle commença à débiter rapidement :





Figée, la junin ne savait plus quoi dire. Namiko lui fit signe de se lever. Kazami déploya alors ses genoux pour se retrouver à la hauteur de sa sensei. Cette dernière lui prit une main dans les siennes, comme pour les lire.



Jamais. Jamais Namiko ne lui avait fait de compliments de la sorte. C'était plus une femme ferme qu'une gentille maman. Mais aujourd'hui, elle avait décidé de lui en faire, marquant la fin de son apprentissage. Des larmes montèrent aux yeux de Kazami, des larmes de joie.



Kazami hocha la tête en souriant.



Une image d'elle plus jeune lui apparut. Elle ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, une étincelle illuminait son regard.

*********************************************

Il y avait un endroit dans l'hôpital, un endroit où Kazami aimait bien se rendre. C'était une pièce située au dernier étage. Le calme y régnait. Elle était loin des urgences, loin des cris, loin de la douleur. Ses murs étaient ornés d'étagères sur lesquelles reposaient de nombreux livres. Sur la médecine mais aussi sur la science, l'histoire ... La bibliothèque la plus complète du village après celle du Hokage. Le savoir de centaines d'hommes sur plusieurs générations... Un bien précieux.

Aujourd'hui n'était pas un jour différent pour la jeune femme. Elle s'était levée de bonne heure pour s'entrainer, était passée à l'hôpital pour aider à soigner quelques blessés et malades, puis enfin elle était allée voir l'Hokage pour ses dernières missions. Enfin, elle était là, dans la bibliothèque, à lire un livre sur les poisons. Enfin tranquillement installée dans son fauteuil à apprendre.

Ses confrères savaient qu'elle chérissait ce moment et qu'il n'était pas question de la dérangé pour des affaires peu importante. Pourtant, quelqu'un toqua à la porte. Kazami se leva et rangea son livre et annonçant :



Une jeune femme ouvrit la porte et pénétra dans la pièce. Elle devait approximativement avoir le même âge que Kazami. Les cheveux noirs, elle avait le bas du visage masqué. La junin haussa un sourcil. Cette femme ne lui disait rien, l'avait-elle déjà rencontrée ?

A la remorque de sa guide, la brunette masquée parcourut l'hôpital. Elle passèrent rapidement devant des dizaines de chambres, montèrent des escaliers et prirent des couloirs étrangement calmes jusqu'à arriver au dernier étage. Et là, Haruhime se sentit un peu flancher. Elle se mit soudainement à craindre un refus, qui l'obligerait à retourner à ses fonctions de planton hybridé machine à tuer. Si c'était le cas, que ferait-elle ? Serait-elle obligée d'accepter son sort, pourrait-elle fuir ? Sans doute pas, en tout cas pas sans être chassée dans la foulée. Si elle pouvait l'éviter...
Heureusement, elle fut obligée d'interrompre son délire anxiogène : sa guide ouvrit une porte et lui fit signe d'entrer.

Tout doucement, à petits pas timides, elle passa le seuil.
La femme à l'intérieur était... Surprenante. Très belle en tout cas, pas du tout comme elle l'avait imaginée, plus jeune et un petit quelque chose du renard dans sa jolie crinière de feu. Elle se sentit très hors-de-propos, la longue liane bêtement brune dans sa tenue beige, sang séché sur les mains et masque sur le visage. Haru retira maladroitement la pièce de tissu couvrant sa bouche et son nez, mortifiée de ne pas l'avoir fait avant.



La part courageuse de son cerveau l'arrêta en plein milieu de sa phrase. Elle était en train se saboter elle-même ? Hors de question ! Pas après avoir pris la seule décision un peu intéressante de sa vie ! Il allait la forcer à finir ce qu'elle avait commencé, foi de cervelet !
Vu de l'extérieur, la jeune femme cessa de parler, sourcils froncés comme si elle réfléchissait. Puis ses yeux s'illuminèrent de détermination et elle se laissa tomber à genoux devant Kazami.

Oui, à genoux.

Le visage baissé en signe d'humilité, en Seiza bien sûr.



Elle releva le menton pour regarder la Junin dans les yeux.

Sama. Elle venait de lui donner un suffixe que ne méritait que les légendaires. Son visage resta impassible, mais intérieurement, son coeur se serra. Cela faisait quelques temps maintenant qu'elle était junin mais personne ne l'avait encore appelée de la sorte. La voix, tremblante, de la Kitto s'effaça rapidement. Elle ne semblait pas très sûre d'elle. Kazami allait se retourner prendre son livre lorsque la jeune femme revint à l'assaut. Cette fois-ci elle semblait déterminée. Elle tomba même à genoux devant la rouquine, ne la laissant pas sans expression. Décidément, cette genin semblait vraiment vénérer Kazami, ou du moins son image.

Surprise, la rouquine écouta le discours la dénommée Haruhime la bouche entrouverte. Jamais personne ne lui avait tenu de pareilles paroles. Maîtresse de l'irou-jutsu ... Encore un nom symbolique où Kazami se reconnaissait peu. Il était vrai qu'elle était devenue réputée dans son village, mais était-elle la meilleure ? Elle se voyait encore loin de la perfection en tout cas.

Le regard de la genin croisa celle de la junin et cette dernière s'y perdit. La Volonté brûlait en elle, c'était certain. Elle avait la Volonté d'un avenir meilleure, d'être elle même meilleure ... Probablement la motivation la plus forte. La rouquine laissa un silence planer un instant tandis qu'elle toisait la jeune femme du regard.



Que valaient ces paroles pour une jeune femme comme elle ? Kazami aussi avant de connaître l'irou justu pensait qu'il s'agissait juste d'une formation à côté. Namiko avait beau le lui répéter, elle ne comprit que plus tard qu'il s'agissait d'une formation à part entière.



Kazami se tut de lui dire qu'elle n'avait encore jamais eut d'élève. En réalité, elle ne s'en était pas sentie capable jusqu'à récemment. Mais elle s'était toujours fixée une chose : lorsqu'elle aurait un élève, elle le formerai comme Namiko l'avait elle-même formée.

La rouquine n'avait pas encore réellement dit oui à la requête de la Kitto. Elle voulait encore tester un peu sa motivation.

Il y avait toujours cette flamme dans ces yeux sous ses sourcils froncés. L'éclat métallique de la détermination, de celles qui bougent des montagnes et font tenir les hommes face au danger. Le message était très clair avant même qu'elle n'ait prononcé le moindre mot... Mais elle se tut néanmoins quelques secondes, se laissant le temps de réfléchir sur ce que la vulpine Kunoichi lui avait dit avant d'aller trop loin pour faire marche arrière.



Elle avait décidé de prendre le risque finalement. Plutôt bouger et se mettre en danger que de continuer à vivoter vaguement, portée par le mécontentement et l'agacement.



Et voilà, Haruhime jouait cartes sur table, à la limite de poser son propre coeur sur le sol entre leur deux jeunes femmes pour que la plus accomplie –et non la plus âgée bizarrement- puisse constater son honnêteté.
La brunette savait que son dossier pouvait jouer contre elle : médiocre Ninja, peu impliquée, lente à l'apprentissage et renâclant à la tâche. Rien de bien flatteur, tout le monde en convenait. Mais ce n'était pas par manque de talent, mais bien par manque d'envie, qu'elle avait eu autant de mal. Elle s'en rendait compte maintenant.



Haru s'inclina, son front touchant le sol et ses mains bien à plat devant elle. Elle semblait relativement calme extérieurement... Mais bouillonnait d'appréhension et de crainte à l'intérieur. Surtout, surtout, surtout, qu'elle dise oui...

Les paroles de la genin étaient fortes. Karami comprenait chacun de ses mots. Ses raisons allaient en écho avec les siennes. La rouquine continua de regarder Haruhime. Sans qu'elle ne le montre, son coeur battait à toute vitesse.

Elle laissa à nouveau un long moment de silence avant de lâcher :



Kazami fit signe à la jeune femme de se lever. Puis elle la toisa du regard et expliqua :



Elle montra son index en même temps que ses paroles pour appuyer sur le un. Puis elle ajouta :



Kazami se tut. Elle fronça les sourcils et finit sa phrase :



Un air sévère s'afficha sur le visage de la junin. Haruhime devait savoir dans quoi elle s'engageait. Kazami ne doutait pas un instant que ses dernières paroles n'allaient pas effrayer la genin. Elle semblait avoir du courage et de l'ambition. Parfait pour une élève d'un femme telle que Kazami.

Le silence se prolongea, terrifiant la pauvre Haruhime. Elle ne voyait pas le visage de la rousse Shinobi et était incapable de savoir ce qui pouvait bien lui passer par la tête… Peut-être qu'elle allait lui dire de partir, d'abandonner son idée, qu'elle ne la formerait pas. Qu'elle était trop médiocre ou trop sentimentale pour maîtriser l'Iroujutsu.
Quelque part, elle préférait l'apprendre avant même d'avoir commencé à en étudier les ficelles : elle n'aurait alors que ses rêves qui seraient brisés, pas son petit coeur tout mou.

Mais non, Kazami lui fit confiance, au moins pour le moment. Elle acceptait de lui apprendre, de la garder comme apprentie, de croire en ses capacités. C'était bien une des premières personnes du village à le faire !
Dans l'euphorie, Haru releva brusquement le visage. Ses yeux pétillaient d'une joie de gamine ou de chiot. Elle allait pouvoir faire ses preuves ! Apprendre de nouvelles choses, et faire la différence, et… Et… Les pensées se précipitaient dans son petit cerveau, se bousculant pour former une bouillie infâme et incompréhensible de laquelle émergeait un seul sentiment : le soulagement.



Elle se releva complètement, déployant sa grande carcasse pour dévoiler sa stature de liane. Un sourire chaleureux réchauffait ses traits de jeune femme trop vite grandie.



Et de nouveau elle s'inclina respectueusement, ne voyant pas comment montrer son respect autrement -elle ne pouvait tout de même pas embrasser son maitre sur la joue !

Puis soudain elle se demanda par où commencerait son apprentissage. Elle sembla tout d'un coup plus perplexe. Un coup d'oeil mal assuré vers Kazami, et elle se dandina sur ses longues jambe dans l'attente d'instructions.

Le visage de Kazami se fendit en un petit sourire, très discret.



Haruhime avait fait bonne impression de son premier contact avec la ninja-médecin. Elle semblait posséder une motivation sans fin et une Volonté de Feu. Elle avait tout d'une bonne élève. Mais Kazami était une femme prudente et ne voulait pas s'emballer.

Kazami se tourna de profil et invita la Kitto à avancer dans la pièce.



La jeune femme s'avança vers l'une des étagères et tapota une une collection de livre.



Elle se tourna alors vers Haruhime en fronçant les sourcils.



Marquant un instant de silence pour que l'information soit bien enregistré, la jeune femme prit alors un rouleau posé sur une étagère et s'avança vers une table non loin de là. Elle y déroula le rouleau en expliquant :



Elle interrogea son apprentie du regard puis continua ses explications.



La rouquine se décala un peu pour laisser place à Haruhime et attendit de voir ses exploits.

Les yeux ouverts et l'esprit attentif, la brunette écoutait les instructions de Kazami. Elles n'étaient pas bien compliquées : continuer ce qu'elle avait commencé par elle-même, s'instruire sur les techniques de base et l'anatomie. Ca devrait aller... Bien que flemmarde, elle avait une bonne mémoire. Si la jeune femme s'y mettait avec enthousiasme, peut-être pourrait-elle avancer plus rapidement que prévu et impressionner son maitre. Voire s'impressionner elle-même.

La découverte du parchemin, cependant, fit un peu vaciller ce bel optimisme. Elle avait beau avoir lu nombre de livres sur l'Iroujutsu, elle ne s'était encore jamais tentée à utiliser des techniques issues de cet art. Ses tentatives d'application de soin s'étaient limitées à suturer des plaies et à remettre en place des membres déboités. Rien qui fasse appel à l'utilisation de son chakra.
Pour empirer la situation, Haru -et son poil dans la main- tendait souvent à utiliser aussi peu d'énergie que possible, l'économisant pour faire un pied de nez à ses instructeurs dont l'instruction habituelle était de "faire les choses en grand, ou pas du tout". Elle avait donc une notion assez galvaudée de la "bonne" quantité à déployer.
La grande tige ne se laissa néanmoins pas démonter, et elle s'avança vers le parchemin sans ciller.



Ses mains se posèrent sur la surface rugueuse, et elle se concentra sur les flux d'énergie parcourant son corps. Mue par l'habitude, elle commença par déployer des quantités faibles de chakra, le minimum syndical.
Bizarrement, ce ne fut pas très efficace. Le parchemin ne réagit pas. Haruhime aurait pu être déçue, forcer un bon coup et libérer trop d'énergie pour compenser, mais elle se contenta de s'ébrouer et de froncer les sourcils.

Subtilement, délicatement, elle ajusta son déploiement d'énergie, augmentant tout doucement la dose. Ses mauvaises habitudes n'en étaient peut-être pas tant que ça, puisqu'elles devaient lui avoir permis de maitriser son chakra plus précisément que les autres bourrins du village. Un désavantage dans les Jutsu de combat risquait bien de devenir un avantage pour notre apprentie médecin !
Elle continua à modifier son dosage jusqu'à ce qu'elle sente son chakra se modifier sous ses doigts. Aussi subtilement qu'elle en changeait la quantité, il se mit à changer de qualité. Haru aurait été bien incapable de décrire cette modification, si ce n'est que son chakra se teint de vert. Il n'avait plus tout à fait la même... Consistance ? Le même comportement ? En tout cas c'était étrange, mais la Kunoichi ne se laissa pas distraire et prit le temps d'analyser cette modification pour pouvoir ensuite la reproduire sans l'aide du parchemin.

Haruhime ne semblait pas très à l'aise face au parchemin. Mais cela était normal, Kazami l'était aussi la première fois.



L'élève prit le temps d'infuser petit à petit son chakra. Elle avait bien écouté les conseils de Kazami. Cette dernière eut un petit sourire de satisfaction. Alors enfin, lorsque le chakra passa au vert, elle fit :



Elle laissa le temps à la kunoichi se s'approprier le chakra. Temps durant lequel elle regarda attentivement ce qu'elle faisait. Elle était plutôt assez douée. Lorsqu'enfin elle jugea le temps passé assez long, elle fit :