Il s’était réveillé bien plus tôt qu’il ne l’avait prévu. Le stress, l’anxiété semblait avoir fait office de réveil. Ses parents n’allaient pas tarder à rentrer de leur garde de nuit. Inutile d’essayer de se rendormir, il n’y arriverait pas. De toute façon, il n’avait plus sommeil. Il descendit les marches tranquillement, se prépara son habituel bol de riz bouilli avec des flocons d’avoine et mangea dans le silence.
Le ventre rempli, il alla prendre une douche à l’eau froide, peigna une bonne dizaine de minutes ses beaux cheveux, mit un peu de parfum bon marché et enfila ses plus beaux vêtements. Il devait être présentable, ne serait-ce que pour remettre cette lettre. Faire bonne impression, se démarquer des éventuels concurrents… Tout ça pour un simple job de bibliothécaire.
Avant de partir, il se regarda une dernière fois dans la glace. Il était magnifique comme d’habitude. Mais cela suffirait-il ? Il soupira. Inutile de tergiverser allons y se dit-il en s’emparant de sa lettre.
La bibliothèque était encore fermée quand il arriva. D’ailleurs, aucun commerce de la grande place n’était ouvert. Il s’assit sur les marches et attendit. Ce furent les minutes les plus longues de sa vie. Mais patience furent récompensé et peu à peu la grande place commença à prendre vie. Les fêtards de la veille traversèrent d’un pas malhabile les rues et les marchands posèrent produits sur le comptoir. La bibliothèque n’allait pas tarder à ouvrir elle.
20 minutes passèrent avant qu’une femme, à la petite taille et au visage fermé habité par les rides et de vielles lunettes rouge vienne ouvrir les portes. Son visage trahit une certaine surprise en voyant un jeune homme comme Owaka à cet heure-ci, mais elle garda silence et rejoignit son siège à l’accueil. Ça y est, il allait enfin pouvoir déposer sa lettre. La femme ne lui avait paru guère sympathique de par sa manière de le dévisager, mais ce n’était qu’une impression.
Il fut donc le second de la journée à pénétrer sur les lieux, sa requête dans la main. La femme assit à son bureau, absorbait par la lecture d’un livre, ne le remarqua pas jusqu'à ce qu’il se racle la gorge puis qu’il s’incline poliment.
« Bonjour, excusez-moi de vous déranger, mais je souhaiterais donner une lettre à la personne qui s’occupe du recrutement des bibliothécaires. »
Elle le dévisagea un moment à travers ses lunettes puis elle répondit d’une voix sèche :
« On ne prend plus jeune homme. Au revoir. »
« Puis-je au moins la rencontré ? Je pourrais peut-être la convaincre… »
Elle soupira et de mauvaise grâce, mais aussi parce qu’elle n’avait pas envie de s’entêter plus longtemps avec un adolescent, elle l’invita du doigt à aller s’asseoir.
« Elle ne devrait pas tarder à arriver. En attendant patientez en silence. »
Une bonne heure s’écoula. Oiwaka n’était même plus anxieux de rencontrer cette fameuse personne. L’attente l’avait mise de mauvaise humeur et assis sur sa chaise, il trépignait d’impatience.
Finalement, c’est un homme d’une trentaine d’année qui se présenta. Il passa un bonjour à la femme de l’accueil et cette dernière lui chuchota quelques choses. L’homme se tourna alors vers Oiwaka et d’un sourire, il l’invita à le suivre dans son bureau situé non loin de là. Sur la porte en bois était écrit d’une police en italique :
Nubato rectuteur et co-directeur. Ce n’était donc pas n’importe qui songea Owaka en pénétrant dans le petite pièce. L’homme s’assit sur la seule chaise laissant Owaka debout. Il se fit alors couler un café, y mit trois sucres, s’étira et c’est seulement une fois prêt qu’il lui adressa la parole.
« Je pense qu’on te l’a dit, mais nous ne recrutons actuellement pas de bibliothécaires. Toutefois, tu as l’air d’un garçon sympathique alors je veux bien t’accorder 5 min au cours desquelles tu peux essayer de me faire changer d’avis. »
Oiwaka fit la moue. Il n’était pas des plus maladroits à l’oral, mais il ne connaissait pas le profil qu’il avait en face de lui. Allait-il jouer la carte de l’homme sérieux ? Ou celle de l’humour ? Il passa une main dans ses beaux cheveux, ferma les yeux et les rouvrit quelques secondes plus tard.
Il savait quoi dire.