Le village de destination se profilait depuis un moment déjà. Jiken et Tsubomi étaient maintenant à quelques centaines de mètres du bourg où ils devaient se rendre.
Le voyage avait été calme, sans accrocs. Les deux ninjas avaient fait rapidement connaissance. Enfin de son point de vue, c'était surtout son tempérament de pipelette avérée qui avait fait la conversation. Elle espérait ne pas avoir trop ennuyé ce pauvre jeune homme qui l'accompagnait.
Des barrières sommaires avaient été placées dans un rayon d'une centaine de mètres tout autour avec des pancartes à intervalles réguliers :
NE PAS PASSER RISQUE DE CONTAGION MORTELLE
Malgré l'avertissement peu rassurant, ils durent se résoudre à avancer. Tsubomi passa à Jiken de quoi se protéger. Une combinaison hermétique de médecin, un masque pour couvrir leur visage et des gants.
Les alentours n'étaient pas bruyants, voire carrément silencieux. Pas de brouhaha de foules, pas de cris d'enfants, ni de rires qui s'envolaient au-dessus des maisons. La Chikara avait bien compris ce à quoi elle allait faire face, mais cette ambiance, alors qu'ils n'étaient même pas encore dans l'enceinte, lui donna un frisson qui remonta le long de sa colonne vertébrale.
Le village, bien que pas très grand, était entouré d'une muraille de bois, fermée par des grandes portes. Un peu comme à Konoha, mais en bien moins sécurisé et plus petit. Ils s'approchèrent et toquèrent sur le bois. Après un moment, ils entendirent de l'autre côté une voix.
« Que faîtes-vous ici ? Vous n'avez pas vu la pancarte ? Partez avant d'être contaminé. »
« Bonjour. Je suis médecin. J'ai entendu parler de la situation de votre village. Mon ami et moi voulons vous venir en aide. Ne vous inquiétez pas, nous sommes équipés pour ne pas être contaminé. »
Elle n'aimait pas particulièrement mentir, mais elle commençait à avoir l'habitude. Depuis qu'elle fréquentait Hegi, c'était presque devenue une seconde nature... Et puis, elle n'était pas si mauvaise dans le domaine. A l'intérieur, pas de réponses. Elle entendit comme des chuchotements, et elle lança un regard inquiet à Jiken. Finalement, elle entendit des claquements de verrous, et la porte s'ouvrit timidement. Un homme les regarda avec méfiance, puis les laissa passer. Il y avait deux hommes, et une femme, tous vêtus dans une accoutrement proche du leur, mais à l'allure plus primaires.
« Je suis l'apothicaire du village, Rui. Nous n'avons laissé personne entrer depuis des semaines. Ne me remerciez pas avant d'être sûre de pouvoir ressortir. »
Elle déglutit. Des patients terrifiants de ce genre de sarcasmes, elle en avait déjà vu. Ce n'était rien de plus que des patients. Elle laissa Jiken se présenter et fit de même.
« Je m'appelle Tsubomi. Vous pouvez nous en dire plus sur cette maladie ? Aucune information ne circule, à part qu'elle est mortelle et très contagieuse. »
Devant leur bonne volonté apparente, il les jaugea du regard. Il ne posa aucune question. Rien sur eux. Ils ne voulaient pas savoir ce qu'ils faisaient ici, d'où ils venaient, et pourquoi leur sort les intéressaient. Peut-être avaient-ils deviné. En tout cas, il ne laissa rien transparaître. Il leur tourna le dos et les fit avancer dans le petit village.
« Ça a commencé il y a trois semaines. Une dizaine de morts. Nous ne sommes plus que 18 à ne pas être touchés, et certains refusent de s'approcher de la maladie. Les autres sont alités, ou ne vont pas tarder à l'être. On ne peut pas s'occuper de tout le monde, alors on a fait passer des consignes et ceux qui vivent sous le même toit se chargent d'eux-mêmes comme ils peuvent. On prend en charge ceux qui sont seuls et on fait des tournées pour fournir de l'eau et des provisions. Mais ça ne fait qu'empirer. »
Il s'arrêta de parler et serra les points. Il avait visiblement perdu tout espoir.
« Bientôt nous ne pourrons même plus cultiver les champs. Ce n'est qu'une question de semaines avant qu'il n'y ait plus de nourritures. Si on ne meurt pas tous de cette saloperie, ce sera de faim. Qu'est-ce que vous comptez faire ? J'aurais presque préféré une équipe de mercenaires pour nous achever. »
« Je suis désolée de votre situation... Je ne vais pas vous cacher qu'à nous seule ce sera difficile. Très difficile. Mais je suis médecin, alors je n'abandonnerai pas avant d'avoir fait tout mon possible. Est-ce que je peux voir une personne contaminée ? J'en aurais besoin pour l'examiner. »
L'homme acquiesça sans grande conviction. Il les conduisit à travers les rues désertes jusqu'à une petite maison, qui aurait pu être mignonne sans l'ambiance de mort qui régnait. Il y entra sans frapper et ils le suivirent. Il se rendit dans une chambre, et le spectacle qui s'offrit à eux leur donna un mouvement de recul à l'unisson.
Les murs, le sol et le plafond étaient recouverts de... Elle ne savait pas trop ce que c'était. Un mélange entre de la moisissure et de la boue. C'était noir comme de l'encre, et ça semblait s'étendre de plus en plus, au vu de la concentration bien plus élevée autour du lit du malade.
« Ca apparaît après un certain degré de contamination. On ignore ce que c'est. Ça grimpe sur les murs et s'étend comme des champignons. Aussitôt qu'on le nettoie, ça revient aussi sec. »
Tsubomi se pencha pour le voir de plus près, et en préleva un bout en tirant un peu pour le mettre dans une éprouvette, qu'elle scella dans un sac hermétique. Elle s'approcha ensuite du lit, non sans que ses chaussures se collent un peu dans la substance. Elle découvrit alors un petit garçon, très pâle, les yeux clos. Son front perlait de sueur, et il était assez maigre.
« C'est mon fils, Mao. Il est comme ça depuis une semaine maintenant. »
La femme de tout à l'heure les avait suivi, et entra dans la pièce à sa suite. Elle effleura d'une main tremblante la joue du garçon et les regarda d'un air suppliant.
« Aidez-nous, je vous en supplie. »