Maeda observait la scène de loi, de l'autre côté de la ruelle. En passant dans la rue il avait cru entendre un bruit. Un bruit en ville c'est banal, alors à quoi bon se soucier d'un presque bruit à peine entendu ? Mhhh ... C'était peut-être parce que c'était un de ces bruits étouffés, un de ceux qu'on n'entend que dans les ruelles sombres quand il se passe quelque chose de pas nette. C'était peut-être son instinct de rat des bas-fonds, parce qu'après tout il n'était que ça : un rat. Ou alors c'était simplement le hasard. Oui accordons nous sur un simple hasard.
Enfin, peu importe pourquoi il avait passé la tête au détour de la rue pour observer la ruelle sombre, salle et humide, le fait est qu'il se retrouva face à une scène assez particulière. Deux colosses encadrant un troisième type occupé à refaire le portrait d'un pauvre bougre. A vrai dire, il se souciait peu du sort de l'inconnu, il n'en avait même carrément rien à faire. Il n'allait sans doute pas prendre le risque de se faire poignarder pour un inconnu, ici c'était le gendre de chose qui pouvait arriver si vite. Mais il ne pouvait s'empêcher d'observer la scène comme s'il voulait comprendre.
Il ne saisissait pas pourquoi ce gamin et ses colosses tabassaient ce gars. C'était le genre de choses qui arrivaient dans les bas fonds, pas dans le centre ville de la capitale de l'Empire. Et il était plutôt bien placé pour savoir ce qui se passait dans les bas fonds puisqu'il en dirigeait plus ou moins une partie. Plutôt moins que plus d'ailleurs malgré l'écoulement du temps il n'était resté que l'homme de main de Kazuna, exécutant ses basses oeuvres pour son bon plaisir.
Cette scène d'une grande brutalité en plein centre ville l'intriguait au plus haut point. Enfin ... C'était sans doute le caprice d'un impétueux jeune Hattori plein de fougue. Les jeunes hommes du clan dominant de l'empire pouvaient se montrer cruels avec les civils. Après tout c'était une perversion comme une autre, autant subir ça que quelque chose de pire comme ce qu'avait pu lui faire endurer Kazuna ces dernières années ou même l'entraînement stupidement atroce qu'il avait suivi dans son enfance. Oui, après tout cette scène n'avait rien d'étonnant.
Il s'apprêta à repartir pour les bas fonds quand le gamin lui parla. Rien qu'au ton qu'il employait on sentait qu'il avait l'habitude d'être obéi au doigt et l'oeil car ceux qui défiaient son autorité devraient alors subir la loi de ses terribles poings comme l'homme au visage ensanglanté semblait le prouver. Sans doute un Hattori en effet. Un petit merdeux en plus de ça.
Il aurait pu partir sans demander son reste. Mais après tout qu'est-ce qu'il allait lui faire ce petit con ? ça faisait cinq ans qu'il se frôtait aux pires racailles des bas fonds pour y faire régner la domination de Kazuna. Il avait travaillé dans les services carcéraux des prisons secrètes, survécu à un entraînement qui avait emporté nombre de ses frères, avait gagné sa liberté dans l'arène. De plus, il avait appris à jauger un potentiel ennemi d'un coup d'oeil à force de côtoyer les pires assassins et meurtriers, il savait donc que les deux colosses ne représentaient pas un danger pour lui. Ouais, il allait lui faire quoi ce chiot de Hattori ?
Il ignorait si les trois énergumènes avaient saisis la menace sous-jacente mais la tension était palpable. La rage, le ressentiment et l'envie de meurtre était montée en lui. Il se tenait droit, le jambes écartées et les bras croisés, barrant la sortie de la ruelle. Ses muscles saillants, prêts à frapper. Il regardait le gosse droit dans les yeux, à moitié en signe de défi, à moitié pour lui faire comprendre qu'il était en danger. Mais son envie de réduire ce gamin en bouille redescendit aussi vite qu'elle était montée, la fameuse maîtrise de soi des Shinayaka ! Ou alors l'asservissement aux Hattori ? Qu'importe ! En moins d'une seconde il se rendit compte que ce serait stupide d'agresser un gosse Hattori en plein centre ville. C'était qu'un gamin et tous les gamins Hattori faisaient ce genre de chose, il n'y avait pas de quoi en faire une affaire. Un Hattori ça pouvait reserver des surprises, et pas des bonnes ... Ce n'était pas un risque qu'il était prêt à prendre, pas pour rien, pas pour un inconnu. En plus il était en plein centre ville : pas son terrain de prédilection. Il devait regagner les bas fonds comme un bon rat. Le rat de Kazuna ...
C'était donc décidé : pas d'écrabouillage de Hattori aujourd'hui. Enfin ... Jusqu'à nouvel ordre ! Il se détendit, fit un sourire en coin plein d'un mélange de soumission feinte et d'arrogance (à choisir ç'aurait plutôt été de l'arrogance) pour sauver les apparences l'air de dire "je me soumets mais fais attention à ne pas transformer cette soumission feinte en violence à ton égard". Il leur fit un signe de la main et commença à se retourner vers les bas fonds.