Dans un bruit sifflant, la faux de Chronos s'abattit sur les adventices, effaçant leur présence indésirable du champ. Le geste était répétitif, au point qu'un œil avisé aurait pu apercevoir le dénudement graduel d'une certaine colère. Une colère que le soleil, dans le firmament d'automne, laissait transparaître sur le reflet du rustre outil.
Schlack... Shlack... Shlack.... Clang !
L'arme de l'artisan vola un instant dans les airs avant de retomber lourdement entre les dernières brindilles a teintes chaudes et dorées que la moisson saisonnière avait épargnées. L'auteur de ce lancer leva pensivement ses deux pupilles vairons vers l'astre lumineux qui, avec lenteur, amorçait son déclin dans les cieux. Le jour, las et courbé sous le poids des heures, achevait sa course sur une ultime touche de grâce que le paysan accompagna d'un haiku.
« La terre féconde
Le cœur lourd, l'agriculteur
Quitte son héritage »
Un souffle s'échappa de sa poitrine. Alors que les minutes filaient, tissant la trame du temps, son cœur se faisait pesant, . Il était trop tard pour ravauder le passé. Bientôt, son corps se soumettrait au caprice des desseins de Kano, afin de préserver ceux qu'il aime. Et pourtant, malgré la noble cause qui le poussait, le fait de ne pas être le faucheur de sa propre existence ne cessait de le tourmenter.
« Esprit vagabond,
Élucubrations sauvages,
Imagination »
Il mordilla sa lèvre inférieure, rejetant la supérieure. Pourquoi partir en automne quand les portes de l'hiver commençait à s'entrouvrir ? Pourquoi les siens avaient-ils apposer le sceau de la confiance et de leur vie sur les épaules du quarantaire ? Ne fut-ce pas donner raison aux malandrins que de leur laisser leurs terres ? En absence de réponse , il s'assit en tailleur dans ce champ qui avait été témoin de sa fatigue et de son labeur tout au long de la journée et laissant la nuit l'encouvrir de son voile d'obscurité, qu'il se fit joie de porter, il s'affaisa à enraciner ses pensées tourmentées dans sa terre natale.