Haruhime ne savait pas si son Maitre était impressionnée. Ou même contente, à vrai dire. Elle gardait un air imperturbable, son joli visage si jeune semblable à celui d'une statue. Peut-être qu'elle allait renvoyer la grande brune à ses pénates après sa démonstration ? Peut-être qu'elle n'avait eu aucune raison d'être fière, que le temps qu'elle avait pris pour parvenir à ce résultat avait été improbablement long. La Kitto ne pouvait pas le savoir : à part Kazami, elle ne connaissait pas vraiment d'autre Ninja médecin. Et tous les livres qu'elle avait bien pu s'enfiler n'avaient jamais traité du temps théorique d'apprentissage.
Par contre elle savait parfaitement comment extraire une poche à venin sur une grenouille endémique à une île au large de Kiri. Très utile, n'est-ce pas ?
Toujours semblable aux chiots, elle guettait le moindre signe d'approbation de la superbe rouquine. Un sourire, un éclat dans le regard, une croquette au foie... Heu, non, peut-être pas le dernier.
Mais pour seule réaction, elle obtint une nouvelle épreuve. Directement après la première. Elle n'avait certes qu'un mois pour faire ses preuves, ce qui devait pousser Kazami à hâter les choses... Mais tout de même !
Son regard curieux se posa sur la boite. La gentille liane se demandait ce qu'il pouvait se trouver dedans, mais elle n'était pas encore inquiète. Elle se doutait bien que son Maitre allait lui donner des instructions, une méthode grâce à laquelle elle pourrait produire ce fameux soin grâce à son nouveau chakra tout vert, tout charmant. Elle n'allait pas la laisser partir comme ça, à l'aventure, sur cette pauvre souris...
Et pourtant.
Les mirettes noisette de la Kunoichi s'ouvrirent en grand devant la plaie de la souris, pleines de choc et d'incompréhension. Pauvre bête ! Un couinement navré s'échappa entre ses lèvres alors qu'elle se précipitait sur la boite, ses mains suintant déjà d'énergie couleur de jade, balbutiant sa panique à qui voulait bien l'entendre.
« Comment je... Il faut... »
Une soudaine douche froide de réflexion lui tomba dessus, neutralisant la panique dans son esprit, éteignant le feu de ses pensées désordonnées. De centaines de réflexions volant partout en formation désorganisée, elle passa à une liste définie, propre, de choses à faire. Il avait juste fallu le temps qu'elle passe en mode automatique, que ses souvenirs des livres de médecine lui revienne à l'esprit.
Cicatriser. Il fallait cicatriser.
Commencer par le muscle. Agiter les cellules avec son chakra, qu'elle utilisait comme un fil à suturer. Lier les deux parois coupées, forcer les tissus à coloniser ses liens d'énergie, laisser assez de temps pour que tout soit fait proprement, mais hâter la régénération sans faillir. Haruhime laissait filtrer des filaments de chakra depuis les plus grands fils, leur permettant de sonder autour d'eux, d'apporter de nouveaux tissus sur le muscle qui déjà se refermait.
Ensuite, les vaisseaux sanguins. Faire circuler son Chakra entre les deux parties coupées, pousser le corps à créer des tubes qui deviendraient des irrigateurs autour du chakra, utiliser de plus subtiles émanations de Chakra vert pour vérifier que l'ouvrage était solide avant de stimuler le passage du sang.
Enfin la peau. Se servir des vaisseaux reconstruits pour apporter les nutriments dont avait besoin la régénération cellulaire. Pousser les cellules à remplir l'espace vide, à le coloniser depuis la peau encore intacte. Veiller à ce que les tissus soient assez nourris pour être sains, à ce que la couche ne soit pas trop épaisse.
Au bout de ce qui lui sembla être un trop long moment, Haruhime releva la tête. Entre deux mèches de cheveux, elle interrogea du regard son Maitre.
Sous la lueur verte émanant de ses mains, la souris n'était plus blessée. Elle avait une cicatrice sombre courant sur sa peau fine, là où la plaie s'était trouvée. L'apprentie médecin la trouvait vexante, cette marque : elle prouvait qu'elle n'avait pas été assez rapide. Ou précise. Ou douée. Peu importait, en vérité : elle n'avait pas été parfaite. Elle ne savait même pas si elle avait été bien. Ce serait à Kazami d'en décider.