Awa Heiwa, La terre promise

Le soleil et la chaleur semblait lentement s'installer dans ces terres habituellement ternes et brumeuses, annonciateur de l'été prenant lentement la place du printemps. Cela fait bientôt 1 an que notre convoi est arrivé à destination, rejoignant les terres d'Ame et pouvant finalement s'installer comme convenu sur les fondations de notre village préparées au préalable par Shonin et moi même.

Fort heureusement, notre arrivée se fit suffisamment tôt pour que l'on puisse s'installer correctement avant l'arrivée de l'hiver. Une installation sommaire mais suffisante pour nous permettre de passer cette saison sans subir de pertes, préférant laisser l'aménagement plus superficiel du village pour le printemps. Durant l'hiver, dont la nature décida de nous en offrir un plutôt clément, aucune perte humaine ne fut à déclarer. Nos provisions, notre matériel et les habitations de fortune ayant suffit à nous garder suffisamment au chaud et en forme pour tenir bon. Seules quelques bêtes dont l'enclos n'était pas aussi bien aménagé que nos habitations, subirent quelques pertes. C'est ainsi que malgré une saison de privation et d'inquiétude, nous pouvions nous féliciter car le plus dur était derrière nous. Le premier hiver est bien souvent la pire des épreuve à passer, laissant parfois de nombreux décès derrière lui.

Aujourd'hui, le village Sekken s'était bien organisé et aménagé, bien loin de ces terres où seules quelques habitations de fortune et un puit venaient l'habiller.

De manière assez naturelle et unanime, je fut nommé chef de cette communauté, ayant surtout pour rôle de mener les réunions hebdomadaires et de trancher en cas de désaccord. Mon rôle de bâtisseur et de guide ayant fortement influencé cette décision, la jeune Shonin n'en était pas en reste. Bien qu'elle n'hérita pas de mon rôle, celle-ci à gagnée aisément la reconnaissance et le respect de chacun. Après tout, si je suis connu comme le fondateur d'Awa Heiwa, Shonin n'en est pas moins un élément clé sans qui je n'aurais peut-être jamais réussi à mener ce projet à bout. Pour mon cas, je serais à jamais reconnaissant envers elle pour tout ce qu'elle à pu apporter aux nôtres que ce soit directement et indirectement.

Pour ce qui est de l'organisation du village, chaque semaine, en début de soirée, une grande réunion est tenue entre tous les habitants du village. Une occasion de manger tous ensemble et d'aborder certains sujet ou résoudre les problèmes si un besoin s'en fait sentir. Ici, chaque habitant peut avoir son mot à dire tant qu'il respecte la parole de chacun. L'avantage d'un village comptant moins de 100 habitants est qu'il est bien plus aisé de garder la cohésion intacte et de s'attarder sur les soucis de chacun. Lors des soirées où la météo se montre clémente, cette réunion se tient sur la place principale où le puit vient trôner en son centre tandis que lorsqu'il fait trop froid ou moche, celle-ci se tient dans le bâtiment principal du village. Une plus grande construction abritant une salle commune conséquente pouvant à la fois servir de lieu de réunion et d'école pour les plus jeunes.

Hormis cette école et les habitations, certains enclos et champs ont commencés à s'installer sur une aile du village où la terre à été jugée plus fertile et praticable. Pour ce qui est d'éventuels loisirs ou lieu d'échange de biens, tout se déroule sur la place principale ayant été volontairement laissée suffisamment grande pour que tous puissent s'y rendre sans se bousculer. Là bas, certains pratiquent le troc, d'autres viennent organiser des sessions de jeu en toute sorte ou viennent rédiger et partager leurs "Haiku".

Pour ma part, en milieu de journée, j'apprécie me rendre sur la place afin d'y échanger avec chacun, prenant les nouvelles de tous ces habitants étant avant tous des amis et presque même de la famille pour certains. Une fois ce tour fait, je me rend régulièrement dans l'espace agricole afin d'y donner un coup de main si besoin. Après tout, j'ai grandi comme fils de fermier comme bon nombre d'habitants, il est normal que je mette aussi la main à la pâte.

N'étant pour l'instant qu'en contact avec de maigres villages voisins, Awa Heiwa ne s'était pas encore doté de palissades ou murs d'enceinte et ne disposait que de 2 ou 3 personnes réellement capables de se défendre correctement en cas de problème. Après tout, le village était encore en pleine création et son expansion ne s'arrêtait pas encore.

Le village n'en est qu'à sa genèse et pourtant, je suis déjà si fier de ce que je peux désormais voir de mes propres yeux au lieu de le rêver bêtement comme il y a encore 1 an.

Je peux déjà voir le haut du crâne de ce nouveau né. Mes mains cherchant à l'attraper pour aider la future maman du village à mettre au monde son deuxième enfant. Une bassine d'eau chaude et des draps m'ont été mis à disposition pour que je puisse accompagner cette femme cans cet heureux moment. Après bien des heures de travail ce petit être venait enfin de sortir complètement du ventre de sa mère.


La maman épuisée par cette évènement pleurait de douleurs, mais aussi de joie la tête posé contre le torse de son mari qui a été présent du début à la fin. Bien trop inquiet pour sa femme, il lui a tenu la main durant les heures passées.


Le père ne s'attendant à une telle demande me fit comprendre que je devais m'en occuper moi-même. Ce n'est pas un problème pour moi et je le fis avec une délicatesse déconcertante. S'en suivi du bain, puis du séchage du nourrisson avant de le confier à sa maman.




Je sortais alors du petit cabanon qui servait de maison à ce couple avant de me diriger vers le puit du village pour y prendre à peine un saut et me laver les mains et les bras.

Au beau milieu de la journée et en traversant la place, je pouvais constater que notre Chef y faisait son tour comme à son habitude. Toujours là pour les autres et prêts à aider les nôtres dans le besoin.


Je le salue de ma main que je n'ai pas encore lavé.

Le nouvelle, bien qu'attendue depuis quelques jours désormais fut un véritable soulagement pour moi. Ainsi donc, la voici, le premier être né ici, c'était une véritable bénédiction.



Le sourire aux lèvres, je ne pu m'empêcher de questionner immédiatement ma chère Shonin sans lui laisser de répit. J'étais littéralement heureux comme un jeune père apprenant la naissance de son enfant.



Ironiquement, jusqu'ici, nous avions toujours tout exprimé au présent où à l'avenir, ne prenant que peu de temps pour évoquer notre passé et tous nos accomplissements. Cette naissance était la première vraie preuve concrète du succès naissant de notre village, une preuve de stabilité et de sérénité qu'il nous était difficile d'envisager sur les plaines de Hana aux proies aux pillages et à l'oppression incessante des pays ninjas nous entourant. Désormais, je ne pouvais que prier afin que notre isolation et notre tranquillité perdure le plus longtemps possible.

Il est bien vrai que ces derniers n'ont pas été de tous repos pour nous tous. L'union de notre force nous a permis de pouvoir bâtir un semblant de petit village prospère, mais il y a encore pas mal de cheminement à faire pour que ce dernier puisse être encore plus prospère et accueillant.




M'exprimais-je joyeusement.


Je n'ai qu'une hâte, c'est de pouvoir partager la nouvelle de cette merveilleuse enfant qui venait d'agrandir le nombre des habitants de un. Un numéro un si précieux au vu des difficultés que nous avons tous traverser main dans la main !

Une fois la merveilleuse nouvelle annoncée, Shonin me fit part de sa fatigue pesante et loin d'être anormale tant elle se donnait corps et âme pour notre village, courant à gauche et à droite sans cesse afin de se rendre la plus utile possible. J'admirais sincèrement sa grande dévotion envers notre village et ses habitants et je ne pouvais que compatir. Je plaça alors ma main sur mon épaule avant d'ajouter.



C'est vrai qu'en exemple de surmenage, je n'étais pas mal non plus, c'était plus fort que moi. J'en faisais un beau de donneur de leçon, conseillant à ma chère Shonin de se reposer tout en faisant l'exact inverse.



C'est alors que je repris ma route, empruntant la direction par laquelle la jeune Sekken venait d'arriver.

Me voilà bien amusée par le comportement de mon meilleur ami. Le donneur de leçons devrait les appliquer pour lui-même, car monsieur Kano remarqua qu'il travaillait bien trop ces temps-ci pour que tout soit optimal. Ce trait de personnalité est une chose que j'apprécie énormément chez lui, mais je ne voulais pas qu'il se tue à la tâche non plus.

Je ne peux m'empêcher de rire joyeusement en constatant son impatience de découvrir le nouveau né du village. Malgré ses traits de fatigue, il se hâtait en direction de la maison du jeune couple.


Je me place devant monsieur Kano pour l'emmener à la charmante chaumière que le jeune couple avait construit à l'aide des autres membres du clan. Il nous fallait que quelques minutes de marche pour y être, ils n'habitaient vraiment pas très loin de la grande place.


Frappant doucement à la porte pour avertir de notre venu, le jeune père ne tarda pas à ouvrir cette dernière. Son sourire montre clairement qu'il est heureux que le chef de clan vienne à leur porte pour s'assurer que tout se passe bien. Il le salua et ne tarda pas à nous inviter à l'intérieur de la petite maison. La seule condition était d'être le plus calme possible, car le nouveau né tétait le sein de sa mère à moitié endormi.


Disais-je ne parlant du nourrisson. La beauté de la scène en elle-même était agréable à voir, me rappelant de magnifiques souvenirs de ma propre famille. La naissance de Naoki, mon petit frère lorsque je n'étais encore qu'une enfant.

Entrant dans la modeste mais chaleureuse habitation du jeune couple Sekken, je plaça alors la main sur l'épaule du jeune père, les yeux encore larmoyant, traduisant l'immense joie qu'il ressentait en voyant sa propre fille venant d'arriver dans ce monde.

D'une voix douce afin de ne pas réveiller l'enfant, je pris alors la parole.



En effet, Tsu et Hana étaient un jeune couple originaire du même hameau que moi. Je les ai tous deux connus alors qu'ils étaient encore gamins, Tsu, jeune fils de fermier et Hana, descendante du clan Sekken.



Une fois le court échange terminé, je me dirigea vers Shonin, se tenant au chevet de la mère et sa fille.

Kiseki, signifiant le miracle. La naissance de cette petite était un miracle et ses parents le savaient.




Je regardais monsieur Kano, émerveillé devant ce petit être. Il devait être si fier de lui, fier d'avoir bâti un environnement propice à l'éducation de la future génération. En tout cas, moi j'étais très fière de lui. Il incarnait l'espoir et le renouveau de notre clan.




Je regardais le jeune père d'un air étonné. Je ne m'attendais pas à ce genre de questions maintenant.


Ô grand jamais cette idée ne m'avait traversé l'esprit.

~ Une question étrange,
Un sentiment étrange,
Face à la nouveauté ~

Et le Haiku qui m'inspirait immédiatement pour décrire mon sentiment face à cette situation. Je me tus pendant de longues secondes avant de répondre :




En connaissant un peu le jeune père, je savais pertinemment qu'il avait eu une idée en tête. Et je crains le pire, lorsque nous serons tous regroupés ce soir.


Déstabilisée, je reprenais très vite confiance en moi avant de me tourner vers monsieur Kano. Je me demandais la même chose à son sujet, souhaitait-il comme ce couple fondée sa propre famille ? Mais je me retenais de lui poser la question.

Dis-je tout en me faisant agripper le doigt par ce tout petit être aux yeux encore clos.

Tout en fixant tendrement cette petite graine d'espoir et de prospérité à venir, j'écouta la conversation s'engageant entre le couple et Shonin. J'étais amusé face à la question ayant visiblement déconcerté ma chère amie, cherchant un peu ses mots avant de rapidement reprendre confiance telle la marchande et oratrice rodée.



Pour ma part, l'idée de fonder une famille était bien lointaine. Ma jeunesse commençait lentement à s'effacer et mes priorités avaient du coup grandement évoluées ces dernières années. De plus, bien que n'ayant aucun ou très peu de lien de sang avec moi, je considère déjà Shonin et Liya comme mes sortes de filles adoptives, ayant toujours essayé de jouer un rôle de mentor ou protecteur à l égard de ces deux pauvres âmes pour qui la vie fut incroyablement cruelle. Également, Awa était actuellement un village au stade de nourrisson, nécessitant encore tant d'attention, de temps et de travail, c'est un peu comme un enfant géant à gérer pour moi.

Bref. Trêve de bavardage supplémentaire, j'ai encore beaucoup de travail à faire avant que nous nous regroupions tous au soir.



Je m'avance de ce pas vers l'entrée de cette petite chaumière avant de saluer poliment les habitants. Monsieur Kano était libre de me rejoindre ou bien de me laisser partir seule pour profiter de ce moment paisible.