En retard... Par ses aieuls, il était en retard. Ce n'était pas le bon moment, pas le bon moment du tout. Shinken volait plus qu'il ne courait par dessus les toits du village, plus vite que s'il était poursuivit par l'armée toute entière de Kumo, décidant qu'il était temps d'en finir avec le jônin des vagues. Il avait encore passé son temps avec trois de ses genin, des jeunes prometteurs qui le passionnaient. Son cœur avait manqué un battement lorsqu'il s'était souvenu du jour si particulier qu'il était précisément. Il avait formé tant de jeunes, les avait vu grandir, en chérissait certain plus que d'autres. Goshiro, sa réussite. Kitsune... C'était devenu plus encore que ça.
Mais Masahiro... Il se situait bien au dessus de tous, même si on les réunissait. Chaque année depuis trois ans, il l'avait vu échouer, s'écraser et s'enfoncer dans le désarroi de l'échec de son diplôme. Mais Shinken avait toujours cru en son très jeune frère. Leurs parents avaient eu tant de mal à l'avoir, une vie entière les séparaient. Mais il était son sang, il était sa chair, il était son univers tout entier. Il l'avait vu retenter, ne pas perdre espoir, mais il avait senti l'ombre dans le regard du jeune garçon lorsqu'il l'avisait... L'ombre... Sa propre ombre se projetant sur lui. Sa réussite incroyable, la facilité déconcertante qui l'avait vu gravir les rangs des shinobis de Kiri. L'étoffe d'un Kage, il avait préféré mille fois rester à ce niveau, ne pas rentrer dans le cycle et former ses élèves dans l'espoir fou que l'un d'eux deviendrait leur guide, ce qui était advenu aujourd'hui.
Il avait dorénavant toute latitude pour s'occuper de l'être qu'il aimait par dessus tout, mais ce dernier le souhaitait-il ? Voudrait-il de son encombrant grand frère ? Ceci était une considération secondaire. Shinken savait que cette année, avec tout ses efforts, Masahiro devait être parvenu au titre de ninja confirmé. Il fusait dorénavant, sous les regards hagards des passants. Lorsqu'il arriva au panneau de confirmation des diplômés, ses jambes manquèrent de ceder sous son propre poids et son oeil valide fut inondé de larmes de joie, un sourire irradiant illuminant son visage lorsqu'il lu, dans la liste, ce nom en particulier.
Kaguya Masahiro.
Il était transporté, si bien qu'il ne voyait pas tout les regards portés sur lui. Goshiro avait fait en sorte que l'on connaisse, ou reconnaisse son nom. Il n'avait rien demandé de cela. Mais une génération entière de ninja, l'actuelle génération pour être exact, savait qui il était, l'évidence même d'élèves devenus des élites sous son regard mono-oculaire et expert malgré tout. Il chercha son petit frère sans le trouver. Où était il ? Son sourire disparu instantanément. Était il arrivé trop tard ? Non... Par pitié... faites que non.
Il le chercha une poignée de minutes qui lui parurent infiniment longue, se sentant dépérir s'il venait à avoir raté son cadet. Lorsqu'il le vit enfin, il se décomposa. Le visage, des traits qu'ils partageaient tout deux, bon sang ne saurait mentir, de son petit frère était la représentation même de la plus profonde des mélancolie. Non. C'était même une insondable tristesse. Pourquoi ? Il y était pourtant parvenu ! Et pourquoi Shinken ne savait il pas se comporter avec lui ? C'était si dur... Bien plus difficile qu'avec ses élèves, incomparable même.
Il pleurait toute les larmes de son corps. Affalé sur un banc, fermé au monde entier, écrasant le précieux diplôme. Son petit génie de l'effort était abattu comme jamais il ne l'avait vu. Shinken se précipita, bousculant sur son passage des parents fiers de leur progéniture. Il tendit le bras pour attraper Masahiro et retint son geste au dernier instant. Conscient de ce qu'il était. Conscient du mur infranchissable qu'il représentait pour le cadet. Mais le Jônin se ressaisit instantanément, fronçant les sourcils à sa propre couardise.
Il parvint doucement à la hauteur de son petit frère et l’enlaça simplement tout en lui adressant ces mots :
« Félicitations, frérot. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis fier de toi... »
C'était tout, et c'était vrai : Personne ne l'aurait pu.