J’ai été surpris par la petite claque du singe, mais ce n’était pas un geste inhabituel. Une manière à lui de me remettre gentiment vers le droit chemin ou de me faire comprendre que je dois calmer mes ardeurs. Nous étions loin de ce que mon frère pouvait me faire endurer lorsque j’étais encore un gamin.
« Tu me fous la honte... »
Dis-je en faisant la moue.
C’est vrai, j’étais face à eux, fier comme un dur à cuire et voilà qu’il me manque de respect. Laissez-moi creuser un trou pour que je puisse m’y cacher. Malgré tout, je reconnaissais que je n’avais pas pris la peine d’être plus subtil, j’étais trop impatient de connaître la vérité et le comportement de mon frère ne m’aider pas à résister à la tentation.
Le singe se cachait du soleil sans que je ne comprenne pas réellement pourquoi. Il faut dire que je ne me posais jamais la question et c’est bien pour cela que je n’avais toujours pas découvert son plus grand secret. Au lieu de ça, c’est plutôt le souvenir de sa présence sur le camp de Gekido qui m’interpellait. C’est lorsqu’il avait décidé de nous abandonner que je l’ai fait à mon tour.
Je n’avais nullement envie de m’entretenir avec mon frère comme le suggérait Red. Certainement pas sans ma sœur. Pourtant, il ne me laissait pas vraiment le choix. Comme s’il voulait que je règle mes comptes une bonne fois pour toutes avec ce stupide Yoji. Néanmoins, j’étais intrigué par ce qu’il entendait « parler d’affaire ». Peut-être que cette conversation nous amènera vers une issue favorable.
« Qu’est-ce que tu peux bien lui raconter ? Ils commercent avec tes pires ennemis, qu’est-ce que tu crois qu’ils vont t’apporter ? »
Je parlais vite et à la limite de m’étouffer. Je sentais mon cœur battre à toute vitesse, la pression montait et toute l’huile de mon corps se mettait à bouillir. La situation me dépassait et j’avais peur de la tournure que prenaient les événements. Au fond de moi, j’avais espéré que nos informations étaient fausses…
« T’es toujours aussi nul, Yôgi. T’as peur que ton petit copain ne puisse pas te sauver les fesses ? »
Se moqua mon frère en se forçant à rire.
« T’crois que ton vieux pouvoir d’main chaude m’fait encore flipper ? J’te fou la gueule par terre quand j’veux ! »
Il avait vraiment le don de m’agacer et c’était à mon tour d’avoir le poing serré pour le défier. Plus jamais je n’aurais peur qu’il me brûle le corps, il ne m’atteindra plus.
D’un pas décidé, je me rue sur lui en marchant pour forcer le passage et rentrer à l’intérieur de la maison. Je l’avais bousculé très légèrement, mais suffisamment pour qu’il en prenne un coup dans son estime.
Aussitôt, je lui claque la porte au visage pour lui interdire l’entrée de sa propre maison. Les yeux écarquillés et le regard plein d’effroi, je constatais vers quoi s’était tourné le commerce de mes parents.
Des tas d’objets rappelaient ce dont raffolait les Kenketsus, mais ce sont les carcasses d’animaux et les sceaux remplis de sang qui me dégoûtait le plus. Cette maison était devenue un cimetière d’animaux et de… d’humains ? Ni une ni deux, je sors de la maison et je vomis toutes mes entrailles. Mon frère se remettait à rire pour se moquer de moi pendant que Red et Yôkia se trouvaient déjà bien loin et en pleine discussion.
Le buste penchait et les mains sur les genoux, j’essayais de résister au prochain vomissement, mais rien n’y fait. Je venais de vomir la dernière pomme avalée pendant notre excursion jusqu’à la maison de mes parents. Le souffle court, je n’arrivais plus à contrôler mes émotions ni même à réfléchir. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Eux ? Mes ennemis ?
« P’tain d’merde… vous… c’quoi c’bordel, hein ? … Vous êtes d’venus tarer ma parole. »
Je vomis encore une fois.
« C’toi qui a donné s’t’idée à Yôkia ? Jamais elle n’aurait fait ça. »
Le sourire au coin des lèvres, mon frère se penche vers moi et il me répond par la négation avec son index droit sous mon nez. Dans une colère noire, je frappe sa main et mon frère ne manqua pas de punir de cet acte. Je reçois un violent coup de poing en plein visage qui m’envoie valser au point de départ.
« Sale merde, je n’ai jamais aimé ton comportement. J’aurais dû te punir plus sévèrement parce que tu ne comprends toujours rien. Tu nous as abandonnés et c’est à cause de toi que l’on a dû travailler pour les vampires. TOUT EST DE TA FAUTE ! »
J’étais effaré par ses propos. J’ai toujours été malheureux face à sa méchanceté, mais jamais je n’aurais pensé qu’il me détesterait à ce point. Cette haine, je ne l’ai jamais comprise et je refusais de croire qu’il s’agissait d’une simple jalousie et pourtant…
« Même mourante, Maman ne pensait qu’à son petit Yôgi et si tu es encore vivant, c’est grâce à moi et pas grâce à ce stupide singe. »
« T’sais pas à qui t’as à faire, Yôji. C’toi l’plus stupide dans l’histoire. J’crois qu’au fond t’mérites de crever pour avoir emmené notre sœur dans c’bourbier. Si t’es avec eux, t’es contre nous. Ma famille c’lui maintenant ! »
Dis-je en me relevant et en essuyant le sang de ma bouche.
Avons-nous atteint un point de non-retour ? Notre lien fraternel semblait s’arrêter là, mais comment ?
« J’suis sûr que Red va r’venir pour m’dire que Yôkia n’a rien à voir là-dans. C’est toi qui vas payer pour ces conneries. »
Mon frère se montrait déterminé et j’avais bien l’impression qu’il s’apprêtait à me coller un second coup-de-poing pour me faire taire. Soudainement, il se jeta sur moi pour me frapper au visage, j’eus à peine le temps de décaler ma tête et c’est grâce à l’huile que je sécrétais depuis ma chute qui me sauva de cette attaque. Dans le même temps, je déposais un vers d’huile sur son épaule. Une bien faible technique, mais qui, grâce à sa morsure dans le cou, eu suffisamment d’effet pour le faire reculer.
« Toi et ton huile dégueulasse. Tu t’obstines avec ces techniques à la con. »
Ah oui… j’avais oublié, mon frère ne voyait rien de mieux que c’est technique enflammé. Oui, j’en portais encore les stigmates.
Au loin, les Kenketsus qui se trouvaient dans les hauteurs des plaines commençaient à se rapprocher, conscient de la tournure des événements. Pile dans la direction vers laquelle se dirigeait Red et Yôkia.