Une silhouette enfantine s'immisce dans les dialogues, sous le regard perçant d'un vieil homme soupçonneux dont la méfiance coutumière semble soudain se renforcer. Il n'a jamais été homme à accorder facilement sa confiance, et les apparences l'indisposent autant que les visages inconnus, surtout lorsqu'une chevelure arbore des nuances qui trahissent l'appartenance à un clan dont il ne peut échapper au nom. Il recule instinctivement d'un pas, mimant le désintérêt distrait de celui qui a pris un livre au hasard pour le lire, tout en observant du coin de l'œil la nouvelle venue. Les jeunes femmes, inconscientes de son subterfuge, se mettent à piailler entre elles, et un "Zakuro-sama" résonne en lui comme une douce mélodie. Le vieil homme est de nouveau confiant ; cette révérence dissipe ses réserves. Un sourire édenté, à moitié moqueur, joue sur ses lèvres tandis qu'il tâtonne et laisse retomber le livre qu'il tient dans ses mains sur l'étagère, à l'envers.
Cet homme, qui s'était isolé de tout contact humain depuis des années, regarde celles-ci qui le traitent avec une considération inattendue. Leur respect pour lui suscite chez lui une part de fierté, lui qui a depuis longtemps renoncé aux flatteries et aux honneurs des titres. Mais alors, face à leurs yeux étoilés, il soupire, essayant de feindre une irritation pressante, comme si leurs questions étaient tout à fait trop frivoles pour lui. Et bien sûr, il n'est pas vraiment un homme occupé, car le temps est pour lui une notion diluée, une étendue sans fin avec des traces de vieillissement sur son visage. Mais le voilà, devant ce groupe de jeunes visages, censé se comporter en pédant distrait.
Lissant son front du revers de la main dans une expression artificielle de perplexité, il finit par dire d'une voix lente et pompeuse :
« Comme je le disais à ton amie, je cherche un livre qui m'apporte le monde ancient. Un monde dont les vestiges et les secrets m'ont toujours enchanté, mais dont les traces sont aussi rares que les souvenirs effacés du temps. »
Puis, après un moment de silence, il abandonna enfin ses précautions pour leur en dire davantage - d'une voix grave et mesurée, quoique volontairement évasive :
« Il se trouve qu'un compagnon d’une autre époque, un confident fidèle, m’a donné rendez-vous dans un lieu aux allures de mythes : les fameuses ruines dorées. Hélas ! Nulle carte moderne ne consigne l’existence de cet endroit mystérieux, disparu de la mémoire des plus jeunes, et pourtant, une intuition persistante me dit que la clé de ce mystère repose dans les écrits des anciens, dans les antiques parchemins où sont consignés les contours oubliés de mondes enfouis dans l'oubli… »
Ses bras s’animèrent alors dans des gestes grandiloquents, dessinant de vastes arabesques dans l'air, comme pour mimer l'ampleur de sa vision, ses doigts tremblants traçant des lignes imaginaires dans des mouvements approximatifs, frénétiques. Puis, dans un silence imposant, il toisa les jeunes visages qui l’entouraient, et demanda d’une voix teintée de gravité, presque envoûtante, avec une ironie à peine masquée :
« Eh bien, mes chers enfants, avez-vous seulement la moindre conscience de l'immensité du monde dont je parle, de cet univers insondable qui s’étend bien au-delà de vos horizons familiers ? Car c’est là, dans les mystères et les ténèbres de ces contrées ignorées, que réside la véritable essence de notre histoire… »
Il marqua un nouveau silence, laissant ses derniers mots résonner dans l’air lourd, chaque syllabe comme un souffle ancien, invitant ses jeunes interlocutrices à sonder les profondeurs de ce passé énigmatique qu’il feignait de maîtriser sans partage.