Finalement, après une petite heure de marche, vous étiez arrivés au fameux point d’eau mentionné par Itsuki. Et celui-ci avait même pensé à toi, alors que tout le monde commençait à installer ses affaires, il te tendit une tente qu’il avait récupéré pour toi avant de partir. Tu le remercias évidemment et te mit au travail avec les autres. Une fois le camp bien établi, les quelques tentes positionnées tout autour d’un feu qui deviendrait bientôt votre seule source de lumière, certains se mirent à manger, d’autres -notamment Oppal- se mirent à boire divers alcools. L’ambiance était plutôt festive et chaleureuse en dépit de ce qui s’était passé à peine quelques heures plus tôt.
Tu réalisas en fait que tout cela était leur train de vie quotidien. Les observant parler, rire, se taquiner et parfois crier, tu compris qu’ils étaient plus qu’une simple équipe. Ils étaient de bons amis et leurs discussions n’étaient pas sans te rappeler celles que tu avais avec ta propre famille. Cela t’emplissait d’une certaine nostalgie, ton départ ne remontait qu’à quelques semaines et pourtant certaines personnes te manquaient déjà énormément.
Tu restas à l’écart d’eux un petit moment, profitant du coucher de soleil depuis le sommet de l’une des dunes protégeant le camp du vent qui commençait à devenir de plus en plus froid. Et finalement, alors que le soleil laissait place complète à la lune, tu décidas de revenir te joindre au groupe qui avait déjà bien entamé la soirée. Oppal, dont le regard semblait transmettre légèrement moins d’animosité à ton égard, t’interpella alors que tu revenais parmi eux :
« Regardez-donc qui nous fait l'honneur de s’asseoir à nos côtés ! La présence d’étrangers t’incommode, Konohajin ? »
« Loin de là. En vérité, je profitais juste du coucher de soleil. On a pas la chance d’avoir une si belle vue à Konoha avec tout ces arbres. Mais je me disais justement que vous étiez un groupe pas très commun. Tout les Rihatsu fonctionnent-ils de la même manière ? »
Répondais-tu calmement, sans céder à sa provocation. L’alcool n’allait certainement pas aider à la rendre plus agréable, mais au moins elle n’était plus à deux doigts de t’égorger. Tu ne pensais pas qu’il serait aussi compliqué de convaincre les gens du monde extérieur de ta bienveillance. Aux yeux de certains, vous n’étiez rien d’autres que des démons. L’inverse était tout aussi vrai, même si la réalité des choses était bien plus nuancée, il était difficile d’octroyer sa confiance à des gens ne suivants pas les mêmes principes, les mêmes lois, ou les mêmes traditions. Et encore plus particulièrement lorsque ces gens viennent d’un peuple en conflit avec le vôtre. Mais si tu avais été grandement surprise lors de tes premiers jours au sein de Koya, cette journée suivie de cette soirée avec ce petit groupe l’était d’autant plus. C’était clairement des Rihatsu pas comme les autres.
« Non. Nous, nous cherchons l’efficacité avant tout. On est un peu comme… »
Dit alors Ashira en lui coupant la parole, un grand sourire sur son visage. Itsuki émit un petit rire devant cette description audacieuse, mais pourtant pas si loin de la vérité.
« Je ne l’aurais pas dis comme ça, mais chacun de nous est capable d’utiliser son chakra. Tu as bien du remarquer ou entendre que ce n’était pas le cas de tout les Rihatsu, nous sommes plutôt rares en fait. J’ai d’abord rencontré Oppal et Ashira à qui j’ai proposé de collaborer. Nous gagnions moins d’argent puisque nous devions partager, mais nous pouvions accomplir plus de choses. Au fil du temps, nous avons partagé cela avec d’autres, même ceux ne sachant faire usage de leur énergie. Malheureusement, ils ne sont plus là pour en témoigner. C’est le risque du métier. Mais nous nous contentons désormais d’accueillir seulement d’autres utilisateurs de chakra. »
Ainsi leur « famille » était née d’une relation strictement professionnelle ? C’était à la fois amusant et charmant, l’histoire était plutôt belle, bien que tous n’avaient semble-t-il pas survécus. Quelque part, bien que leur vie paraissait parfois difficile, tu les enviais. Tu enviais cette possibilité de vivre selon tes propres désirs, entourée de personnes avec qui tu partages un même idéal. Tu regrettais que Konoha n’ait pu être cet idéal. Il aurait pourtant du l’être, mais trop de mensonges et d’hypocrisie entouraient ce village.
Silencieuse jusqu’ici, Oppal leva son verre et s’exclama :
« À nos anciens camarades ! »
Les autres firent de même et portèrent ensemble un toast à la mémoire de leurs disparus. Tu te joignis à eux, avec cette étrange mixture que l’on t’avait servi un peu plus tôt. Tu eus une pensée pour Wattan, qui, tu en étais certaine, se serait vraiment bien entendu avec eux !
Quelques secondes après avoir bu ta gorgée, tu brisas le silence de recueillement qui s’était crée et demanda :
« Cela fait donc longtemps que vous voyagez ensemble tout les quatre ? »
« Hmm, je dirais… Un peu moins d’une dizaine d’années ? Nous avons rencontré Minori durant la seconde année. Aaaah, je me souviens de sa tête de gamine. Tu sais où nous l’avons trouvé pour la première fois ? »
Te répondit Oppal qui avait l’alcool meilleur que tu ne l’aurais espéré. En revanche, aborder le sujet ne semblait pas être du coup de Minori qui aussitôt pesta :
« Hé ! On n’est vraiment pas obligés de parler de ça ! »
« Ce n’était pas durant la mission avec le marchand véreux ? »
Enchérit Ashira sans prêter attention à l’objection de sa camarade. Une histoire probablement taquine, peut-être même humiliante au vu de la réaction de Minori. Cela te rendait curieuse, mais tu n’osas pas demander d’avantage d’information par peur de vexer cette dernière. Ce n’est toutefois pas cela qui empêcha Oppal de poursuivre :
« Si ! Pertinemment ! À l’époque il n’était pas rare que ces vermines ne vendent des enfants. Mais Minori était un peu spéciale tu vois ? Changer la couleur et la forme de ses cheveux à volonté ce n’est pas donné à tout le monde. Je me souviens encore qu’ils changeaient de couleur malgré elle en fonction de ses émotions. Ahah, je m’en amusais bien à l’époque, cela me manque…
Bref, ce fameux marchand savait pertinemment qu’elle avait plus de valeur que les autres, c’était un peu sa pièce maîtresse. Le joyau de sa collection. »
« Imagine notre surprise quand on nous a envoyé cambrioler cet homme et que nous avons trouvé une gamine ficelée comme un rôti en plein milieu de sa collection d’antiquités ? Elle était exposée là, comme un trophée de chasse, avec ses cheveux scintillants. Une sacrée décoration. »
Tu seras sans voix, tu pouvais difficilement imaginer de telles choses possibles. Était-ce réellement ainsi que se déroulait la vie pour les plus malchanceux ? Tandis qu’Oppal semblait rire de cette histoire à ne plus pouvoir s’arrêter, Itsuki semblait bien moins enclin à l’idée de plaisanter à ce sujet. Quant à toi ? Que pouvais-tu dire ?
« Ce type était un malade. Je suis bien content que vous vous soyez débarrassé de lui. »
Tu disais cela sans savoir à quel point, oui, les gens qui peuplent ce monde savent se montrer aussi mauvais. Tout n’était souvent qu’une question de bénéfice, d’égoïsme ou de plaisir malsain. Tu étais encore trop innocente pour réaliser tout cela, Konoha préservait ses plus jeunes éléments, peut-être un peu trop au vu de la vision idyllique que tu avais du monde extérieur.
« Je peux m’estimer chanceuse par rapport à d’autres, crois-moi. Je devais rester « intacte » comme il disait. »
Cela ne rendait pas la chose moins horrible, au contraire, tu te demandais comment il était possible de vivre une vie normale après une enfance de ce genre. Les rires d’Oppal contrastaient largement avec le regard de Minori, elle n’était même pas légèrement souriante. Pas besoin d’être un expert pour deviner que cela lui rappelait des souvenirs douloureux.