La petite île était un havre oublié par l’Empire, épargnée de ses griffes parce qu’elle n’avait jamais donné de raisons d’être inquiétée. Sa bonne administration, son respect des lois et, surtout, son insignifiance stratégique en faisaient un refuge parfait pour qui savait se fondre dans le silence.
C’est ainsi que Chikara Hinae, comme souvent, avait trouvé à y poser ses bagages, accueillant sous son toit la veuve, l’orphelin, et toutes les âmes cabossées que le destin rejetait. Pour rejoindre ce coin discret, il avait fallu ruser, marchander, se lier aux commerçants des îlots voisins, et accepter que la survie se gagne par de petites concessions, jour après jour.
Gaikotsu Akiko, elle, ne sortait que la nuit. C’était la règle, sa règle.
Ce soir-là, perchée sur un rocher battu par l’écume, à quelques mètres des terres, elle contemplait le ciel piqué d’étoiles. Son regard perdu cherchait autre chose que des constellations : des réponses. Ses rêves d’antan avaient été balayés par la chute de Konoha, réduits en cendres avec ses espoirs de trouver un jour sa véritable identité. Elle vivait désormais avec son passé en lambeaux, prisonnière d’une puissance qu’elle ne comprenait toujours pas.
Pourtant, en observant sa mère de cœur, elle commençait à comprendre. Se sacrifier pour les plus faibles… Voilà ce qu’était la véritable force.
Et dans la maison, il y avait la dernière arrivée. Une jeune fille aux manières étrangement mûres pour son âge, marquée par une expérience qui dépassait de loin ses traits juvéniles. Une amie de longue date de Hinae, disait-on. Mais aux yeux d’Akiko, elle était surtout une énigme de plus dans ce tableau de survivantes, une note dissonante qui résonnait dans le silence rassurant de l’île.
Le ressac se brisait contre le rocher, rythmant sa méditation comme une berceuse familière, lorsque le bruit vint troubler l’harmonie.
Un craquement de bois ? Une pierre déplacée ?
Peu importait. Le corps réagit avant même que l’esprit ne pose un mot sur la menace.
En moins d’une demi-seconde, Akiko s’était volatilisée. Plus de silhouette assise, plus de chevelure blanchâtre reflétant la pâleur de la lune. Elle n’était plus qu’une ombre lovée dans un recoin invisible, avalée par la nuit. C’était devenu son quotidien : chaque sortie nocturne exigeait une échappatoire, chaque instant à découvert s’accompagnait d’un angle mort où disparaître. La méfiance, pour elle, n’était pas un poids mais un réflexe vital.
Ses pupilles, brillantes dans l’obscurité, sondèrent l’origine du bruit. Sur le sentier qui menait au rivage, une silhouette s’avançait, hésitante. L’air marin faisait claquer les pans de son vêtement trop large, et chaque pas semblait chercher un équilibre nouveau. Elle reconnaissait cette démarche. La nouvelle venue.
Mais que faisait-elle dehors à cette heure ?
Publié il y a moins d'un mois