Repas empirique


Le Cœur - Région de Kinchū, Quartier administratif

Année 8 | Printemps

Pacte de protection
Hattori Chizue et l’Empereur se font face à chaque extrémité d’une longue table, décorée de mets somptueux, tandis que le vin coule et que le silence pèse. La tension monte subtilement, chaque geste et chaque mot devenant un enjeu dans ce duel silencieux où pouvoir, secrets et destin s’entrelacent.

La table s’étirait sur plusieurs mètres, longue et massive, comme pour rappeler l’importance de ceux qui allaient s’y asseoir. Hattori Chizue venait de s’installer à une extrémité, tandis que l’Empereur, déjà confortablement installé à l’opposé, trempait distraitement son pain dans son verre de vin. Il ne doutait pas que ce geste soit perçu comme une provocation, mais cela faisait partie de ses habitudes, une façon subtile de rappeler son autorité et sa singularité. Selon ses plans, cette nuit serait la dernière pour Hattori Masashi. Il savait l’homme malade, mais la maladie ne pouvait plus dicter son rythme. L’heure était venue de passer à l’étape suivante.

Des femmes vinrent garnir la table de multiples mets, dressant un festival de couleurs et de senteurs, des plats minutieusement préparés, symbole de faste et de pouvoir. L’Empereur brisa le silence, gardant son regard fixé sur Chizue :

Dialogue de personnage
« Vos vignes suffisent à préserver vos terres, vous le savez ? Le meilleur vin de ce monde est Hattori. »

Puis, sans détour, il ajouta :

Dialogue de personnage
« Avez‑vous eu l’occasion de participer aux événements ? »

D’un simple mouvement de tête, elle indiqua que non. La fatigue se lisait dans ses traits ; ce jeu de cour lui pesait. Elle voulait signer le pacte et quitter les lieux, mais l’Empereur avait déjà précisé que cela ne serait possible que le lendemain.

Chizue ne put s’empêcher de sourire en repensant aux bouleversements du Kakusei et à l’effet que celui-ci avait eu sur ces terres jadis prospères. Une ironie subtile qui n’échapperait sans doute pas aux connaisseurs.

L’Empereur, gardant ses yeux rivés sur elle, poursuivit, un éclat de satisfaction dans la voix :

Dialogue de personnage
« Alors, je suppose que vous appréciez encore la valeur… de vos vins. »

Le silence s’installa quelques instants, ponctué seulement par le cliquetis discret des couverts et le bruissement des tissus lorsque les femmes apportaient d’autres plats. Chaque geste semblait calculé, chaque détail minutieusement orchestré, comme si la table elle-même devenait le théâtre de cette rencontre où pouvoir, secret et destin se jouaient sous leurs yeux.

Publié il y a moins d'un mois

| Petite Princesse |

Hattori Chizue, bien qu’elle n’en ait guère envie, ne pouvait s’empêcher de penser à son père. Elle savait qu’il était désormais inutile, dépourvu d’énergie spirituelle, ses connaissances paraissant dérisoires face à la situation. Et pourtant, un pincement au cœur persistait, une douleur qu’elle espérait ne plus ressentir lorsque la fin viendrait pour lui.

Ce repas lui pesait. Elle n’avait ni l’envie ni la patience de supporter ces faux-semblants et ces gestes de cour. Kazuko pouvait-il réellement endurer tout cela sans faillir ? Il était temps pour elle de reprendre le contrôle. Le dos droit, elle répondit au gouverneur :

Dialogue de personnage
« Ne vous inquiétez pas, je ne cache aucun cadavre dans mes catacombes. »

Cette affirmation devait lui faire comprendre qu’elle savait. Elle savait que son l'homme avait disposé d’un Kenketsu particulièrement ancien et que Miwaku Kazuko avait été très précise à ce sujet. Pour l’Empire, cette information n’était pas anodine : elle expliquait les connaissances de l’Empereur sur le Kakusei et comment il avait pu manipuler la prêtresse. Tout avait été acquis autrement, par des moyens que cet homme seul jugeait fiables, car il ne faisait confiance à personne d’autre que lui-même.

L’Empereur se mit à ricaner, un son bref mais chargé de mépris et d’amusement à la fois. Son regard ne quittait pas Chizue, comme pour jauger la solidité de sa réponse et la force qui pouvait se cacher derrière son calme apparent. Il murmura en laissant échapper un sourire en coin.

Dialogue de personnage
« Eh bien… vous êtes bien renseignée, pour votre âge »

Il laissa ces mots flotter un instant dans l’air lourd de la salle, un mélange de provocation et de respect voilé.

Publié il y a moins d'un mois


Un plat fut rapidement installé devant les deux convives. L’homme chargé de le servir, d’âge mûr, portait un kimono sobre de teinte sombre, sa ceinture parfaitement ajustée et ses manches soigneusement repliées, affichant une rigueur presque militaire. D’une voix posée mais ferme, il annonça le nom du met : une salade aux herbes de montagne et racines de Natsuyama, accompagnée de pousses d’épinards grillées et d’une vinaigrette légèrement épicée au yuzu, un nom à rallonge qui semblait peser autant que le plat lui-même.

L’Empereur souffla en fixant Chizue.

Dialogue de personnage
« Je suis déçu. J’espérais pouvoir tisser une relation plus cordiale avec vous. »

Dialogue de personnage
« Vous représentez un très bon parti pour ma famille, et tôt ou tard, il sera essentiel de lier nos deux gouvernances. »


Puis, son regard glissa vers l’horizon invisible au-delà de la table.
Dialogue de personnage
« Bien que l’Empire semble fort, je ne compte pas me défaire de la totalité des anciens Shinobi. Par manque de choix, ceux de Kumo représentent sans doute une force suffisante pour contenir les événements étranges à l’Ouest. »


Chizue resta silencieuse. Elle ne comprenait guère de quoi il parlait. L’Ouest était presque inhabité, et elle savait seulement que de nombreuses patrouilles y circulaient… mais rien de plus. La logique de l’Empereur, sa stratégie et ses connaissances demeuraient pour elle un mystère, encore plus épais que le parfum du plat qui venait d’être posé devant eux.

Ils débutèrent le repas dans un silence pesant. Après quelques bouchées, Chizue brisa l’atmosphère :

Dialogue de personnage
« Que se passe-t-il exactement à l’Ouest ? »

L’Empereur laissa flotter un instant son regard sur la table, puis répondit d’une voix grave :

Dialogue de personnage
« Un événement étrange est en cours… Loin d’ici, les Minashigo semblent s’organiser et détruire nos bastions restants. Nous ne pouvons même plus communiquer avec d’anciennes cités depuis les dernières évacuations. »

Il marqua une courte pause, comme s’il pesait ses mots, avant de poursuivre, l’hésitation perceptible dans sa voix :

Dialogue de personnage
« Il se passe autre chose… quelque chose d’indescriptible dans les forêts de l’Ouest. Chaque nuit, des arbres poussent de manière anormale, et nous les coupons sans cesse. Nos éclaireurs ne reviennent pas toujours. Un mal étrange semble dérouter les meilleurs d’entre eux. »

Il secoua légèrement la tête, comme pour chasser un souvenir désagréable.

Dialogue de personnage
« Plusieurs patrouilles rapportent des faits inquiétants… des batailles titanesques entre Minashigo et des êtres aux yeux rouges. »

Chizue fronça les sourcils et intervint d’une voix ferme :

Dialogue de personnage
« Les Kenketsu ? Ils sont tous morts... Non ? »

Publié il y a moins d'un mois

| Petite Princesse |

En prononçant ces mots, un flash traversa l’esprit de Chizue, un rappel d’un rapport vieux de plus de huit ans. Bien évidemment, elle ne lisait pas tous les rapports de mission, mais celui-ci était particulier : c’était celui de la dernière mission officielle de son grand-frère, Hattori Rin. Dans ce document, il relatait avoir affronté une femme aux yeux rouges et à la peau d’ébène, une malédiction qui s’était attaquée aux forêts de Kumo, asservissant plusieurs petits bourgs pour… se reproduire.

Suite à cet incident, il avait fallu un temps relativement long pour purifier les lieux, et Kumo en avait conservé une certaine expertise.

Chizue, restant à sa place, déclara alors avec calme mais fermeté :

Dialogue de personnage
« Je pense savoir à quoi vous avez affaire. »

Elle saisit alors un champignon dans son assiette à l’aide de sa fourchette et reprit :

Dialogue de personnage
« Il semble que vous ayez des connaissances passées mais que le présent vous fasse défaut. Cela tombe bien, je suis renseignée et notre réseau d’espions est encore debout. »

Sans vraiment laisser le temps à l’Empereur de répondre, elle enchaîna :

Dialogue de personnage
« Je peux vous détailler tout cela dans un rapport, mais nous pensons qu’il s’agit d’une dégénérescence liée au clan Kirishitan. Peut-être une mutation du virus Kenketsu. Nous avons pu remonter à des origines éventuelles à Kiri suite à notre conquête. Nous n’en sommes pas sûrs. Pour le moment, nous ne connaissons qu’un spécimen vivant, et cette dernière s’est échappée de nos terres il y a fort longtemps. »

Après avoir avalé sa troisième bouchée et terminé de mastiquer, l’Empereur reprit la parole :

Dialogue de personnage
« Voilà qui est intéressant. Nous pourrions autoriser, à l’avenir, une escouade mixte pour faire face à ce fléau. Malheureusement, il nous faudra le localiser au préalable… C’est devenu… très délicat. »

Effectivement, des hectares de forêts étaient aujourd’hui contaminés. Il était rare de croiser un être aux yeux rouges et à la peau d’ébène… mais d’autres abominations pouvaient se trouver, plus insidieuses.

Publié il y a moins d'un mois


La discussion dura une bonne dizaine de minutes sur le sujet des anomalies à l’Ouest avant de se recentrer sur un autre thème crucial : la rébellion. Au moment où la conversation reprit, le plat principal venait d’être servi. Chizue observa la viande, sombre et parfaitement cuite, un mélange subtil entre les recettes de chez elle et celles de l’Empire.

Elle prit la parole, mesurant chaque mot, consciente que le moindre faux pas pourrait être interprété comme un acte de défi :

Dialogue de personnage
« J’ai ouïe dire que les mouvements révolutionnaires se font plus rares. Vous vous étiez sûrement mieux préparé que moi à y faire face. Concernant la ville de Kumo, la situation semble s’améliorer, lentement mais sûrement. Malgré tout, je crains que cela prenne encore du temps. Inutile que je vous le cache, je suppose. »

L’Empereur, le visage impassible mais les yeux légèrement plissés, acquiesça avec gravité :

Dialogue de personnage
« Je suis effectivement au courant. C’est fâcheux. Cela doit… de temps en temps, porter atteinte à nos règles. »

Chizue ne pouvait guère le cacher : le Ninjutsu, même discret, continuait à être employé lors de certains conflits, et l’ombre de ces pratiques passées planait toujours sur la ville. Chaque mot de l’Empereur semblait peser comme un rappel silencieux des fragilités de l’ordre établi.

Il poursuivit, tentant de jauger la réaction de la femme face à ses capacités et à son autorité :

Dialogue de personnage
« Je ne doute pas de votre capacité à vous faire respecter malgré votre âge. J’ai cru comprendre que le nécessaire était fait. »

Un silence s’installa, chargé d’une tension subtile. Chizue savait qu’elle n’hésitait jamais à punir les individus qui enfreignaient les règles, mais elle se demandait si ses mesures suffiraient à contenir les tensions latentes et à prévenir de futures insurrections.

Publié il y a moins d'un mois

| Petite Princesse |

Chizue était bien évidemment au courant que la position de la monarchie de Kumo ne pouvait pas durer. En obéissant aux lois de l’Empire voisin, elle se liait indirectement à lui. Bien qu’elle ne chérissait pas particulièrement sa famille, elle refusait que son clan disparaisse. Elle aspirait à consolider son pouvoir politique et, pour cela, de nombreux chemins restaient encore ouverts devant elle.

Après de longues discussions où se mêlaient silences pesants et paroles mesurées, le dessert fut servi. Chizue n’avait plus réellement faim, mais il aurait été malvenu de décliner un tel met. Et puis, une sucrerie offrait toujours un regain d’énergie, et elle comptait bien en avoir besoin avant de se rendre aux différents Matsuri des Miwaku dans la capitale impériale de Teikoku.

Le serveur annonça le plat final avec une révérence solennelle. C’était une glace à la fraise, d’un rose pâle éclatant, nappée d’un liquide noirâtre qu’on nommait chocolat, une denrée rare venue de contrées lointaines. Obtenir une glace en plein printemps relevait déjà de la prouesse, mais l’orner de chocolat conférait au plat une valeur presque ostentatoire.

À la première cuillère, Chizue sentit ses yeux s’arrondir. Un scintillement de gourmandise, presque enfantin, traversa son regard et trahit sa réserve habituelle. La fraise fondait avec une douceur sucrée, relevée par l’amertume suave du chocolat.

En face, l’homme observa sans ciller. Ses traits demeuraient impassibles, mais une lueur amusée brillait dans son regard. Il n’ignorait rien de ses faiblesses et savait parfaitement comment les mettre en évidence.

Il reprit alors :

Dialogue de personnage
« Souvenez-vous de ma requête concernant du fait de disposer d'un Kumojin expert en Taijutsu d'âge moyen ? »

Pour être honnête, ce sujet était sûrement le plus étrange... Elle se souvenait de la requête, mais elle peinait à en comprendre le sens. L'homme disposait de nombreux soldats, n'était-ce pas suffisant ? Était-ce lié à Hattori Masashi ?

Dialogue de personnage
« Je m'en souviens. Il est arrivé en même temps que moi, mais il ne voyageait pas dans le même wagon. »

Apportant une fraise chocolatée à sa bouche, il installa un rapide silence avant de reprendre :

Dialogue de personnage
« Parfait. Je dois vous avouer l'horreur de ma proposition. Je me dois d'être honnête. »

Dialogue de personnage
« Allez-y. »

Hattori Chizue s’attendait au pire.

Dialogue de personnage
« J'aimerais faire surveiller davantage les agissements du sud. Vous le savez aussi bien que moi... Des soldats sur une archipel, ce n'est jamais évident. Pour cela, j'ai besoin d'un espion double qui pourra aussi bien trahir les miens que les vôtres. »

Elle soupira.

Dialogue de personnage
« Le sud est une cause perdue. Je dois vous le dire, Hattori Ryoku brille davantage par sa force physique que par son intelligence. »

Dialogue de personnage
« Ceci explique qu'il respire encore. »

À ces mots, un bref éclat d’ironie traversa leurs regards avant de s’éteindre dans le tintement des couverts. Le repas se poursuivit alors sur un ton plus diffus, glissant de confidences calculées en anecdotes anodines. La conversation, tour à tour grave et légère, mêlait intrigues voilées, allusions diplomatiques et quelques banalités destinées à masquer le poids des véritables enjeux. La soirée, tout comme le dessert, s’étira lentement, laissant derrière elle une saveur douce-amère.

Publié il y a moins d'un mois