L’audience du colosse

Convocation singulière pour les Royaumes du Sud : un membre du clan Hattori, réputé pour sa force et son expérience, est visité par l’Empereur en personne. L’entretien, tenu à l’écart de la délégation officielle, pourrait sceller une nouvelle alliance ou au contraire révéler les ambitions cachées de chacun.

Il devait être arrivé. Cet homme du clan Hattori représentait, pour l’empereur de Teikoku, une opportunité rare : façonner un soldat modèle capable d’imposer l’autorité impériale dans les Royaumes du Sud.
Il fallait un équilibre fragile : un homme assez mûr et aguerri pour s’imposer dans la hiérarchie locale, mais pas trop indépendant pour échapper au contrôle du trône. Là-bas, les excès de l’Empire étaient monnaie courante, et ce n’était pas ce que souhaitait l’empereur. Il exigeait de l’ordre, du respect, non du chaos né de la corruption.

Dans un hôtel à l’écart, séparé du reste de la délégation, l’Hattori patientait sans doute, incertain des véritables raisons de sa convocation. L’empereur, en personne, s’avança jusqu’à sa chambre et frappa trois coups à la porte.

Bien que l’homme eût pu être engagé pour attenter à sa vie, l’empereur ne ressentait nulle inquiétude. Il avait les moyens de se protéger, et malgré le poids des années, il n’était pas sans ressources.
La porte s’ouvrit enfin. Chizue ne s’était pas trompé : l’Hattori était un véritable colosse, une stature forgée par les campagnes et les années, qui emplissait presque le seuil de sa présence seule.

L’empereur n’attendit pas qu’il prenne la parole. Sa voix, ferme et posée, s’imposa la première, comme un ordre voilé sous les apparences d’une question :

Dialogue de personnage
« Vous devez vous demander ce que vous faites ici. »

Un silence bref s’installa, chargé de la curiosité contenue du guerrier et de l’assurance tranquille du souverain. Il était tard et le train était arrivé il y a moins de dix heures...

Publié il y a moins d'un mois


Le train s’était arrêté depuis plusieurs heures déjà. Le voyage avait duré près de dix heures, mais l’homme du clan Hattori en était sorti comme si ce n’avait été qu’une formalité. Là où les autres passagers s’étaient étirés, frottés les yeux et traîné des pieds, lui avait quitté le wagon d’un pas ferme, sans un mot, comme un soldat en marche. Sa stature avait suffi à ouvrir un passage naturel dans la foule : un colosse aux épaules massives, au regard froid, qui dominait les quais comme un seigneur venu d’un autre âge.

On ne l’avait pas conduit dans les quartiers réservés à la délégation, mais dans un hôtel isolé, en retrait. Un choix qui en disait long. L’Empire n’aime pas les hasards, et l’homme, trop intelligent pour se laisser tromper par les apparences, savait déjà qu’il n’était pas là pour une mission banale.

Dans sa chambre, il avait attendu. Pas d’impatience, pas d’ennui. Seulement le silence, habité par ses pensées. Il avait passé une grande partie du voyage à réfléchir à cette convocation : un empereur ne se déplace pas à la légère, encore moins pour voir un seul homme.

Quand trois coups fermes frappèrent à sa porte, il sut aussitôt de qui il s’agissait. Pas besoin d’annoncer son nom : la simple gravité du geste suffisait.

La porte s’ouvrit. L’empereur entra.
Le colosse se leva lentement, sa silhouette emplissant le seuil, et ses yeux jaunes fixèrent ceux du souverain avec une intensité qui n’avait rien d’insolente, mais tout d’inébranlable. Sa voix résonna dans la pièce, grave, rocailleuse, maîtrisée :


Dialogue de personnage
« Vous êtes venu en personne, votre Majesté… Voilà qui change tout. »



Il fit un pas en avant, croisant les bras sur sa poitrine, comme une muraille vivante.

Dialogue de personnage
« J’ai traversé dix heures de routes de fer pour répondre à votre convocation. Et pendant tout ce temps, je n’ai cessé de songer aux raisons qui pouvaient pousser l’Empereur à m’appeler. Ce n’est pas pour un salut de courtoisie, ni pour un rôle de figurant. »


Un bref silence, lourd comme une menace contenue, passa avant qu’il n’ajoute, un éclat d’ironie dans sa voix

Dialogue de personnage
« Dites-moi seulement, votre Majesté : suis-je ici pour imposer votre ordre là où vos gouverneurs échouent… ou pour vérifier si un Hattori peut encore être tenu en laisse »


Ses lèvres se plissèrent en un sourire froid, presque provocateur.

Dialogue de personnage
« Quoi qu’il en soit, je suis là. Alors parlez, et je saurai quel fardeau ou quelle guerre vous comptez déposer sur mes épaules. »

Publié il y a moins d'un mois


L’ombre du colosse emplissait la chambre, mais l’empereur ne s’en émut pas. Ses yeux, sombres et calmes, détaillèrent Ryoku comme on jauge une lame fraîchement forgée.
À la provocation de l’Hattori, ses lèvres s’étirèrent en un mince sourire, presque amusé. Il s'imposa dans la chambre en y pénétrant sans autorisation.

Dialogue de personnage
« Voilà qui me plaît… »

Il fit quelques pas dans la chambre, ses mains jointes derrière le dos, comme s’il en était le maître incontesté. Sa voix se fit posée, mais chaque mot sonnait comme une vérité implacable :

Dialogue de personnage
« Vous croyez peut-être que je vous appelle pour défendre un honneur… mais il n’y a plus d’honneur à défendre dans ce monde. Pas d’honneur, seulement du luxe à acquérir, de l’ordre à imposer. »

Il se tourna vers le colosse, ses yeux perçants captant les siens.

Dialogue de personnage
« Voyez-vous, je ne cherche pas à savoir si vous êtes une bête que l’on peut tenir en laisse. Je veux savoir si vous êtes assez intelligent pour comprendre l'intérêt d'être … le visage de ma volonté »

Un bref silence pesa, volontaire, avant qu’il n’ajoute, plus bas, presque insinuant :

Dialogue de personnage
« Votre force seule n’a pas d’intérêt pour moi. Mais votre nom, votre lignée, votre image… avec cela, je peux faire plier un royaume entier sans lever un sabre. »

Son regard se durcit, mais son sourire ne quitta pas ses lèvres, aussi fin qu’une lame.

Dialogue de personnage
« Alors dites-moi, Ryoku : serez-vous le fer que je brandis… ou l’ombre qui s’efface ? »

Il n'exigerait, pour le moment, pas que l'homme trahisse les siens. Au contraire, il cherchait à créer une figure assez forte pour légitimiser la présence de l'empire en fusionnant autorité coloniale et prestance Hattori. Le colosse ne semblait pas aussi stupide qu'Hattori Chizue semblait le dire... Ce n'était pas plus mal.

Publié il y a moins d'un mois


Ryoku ne répondit pas immédiatement.
Ses yeux noirs s’étaient fixés sur l’empereur, non comme un soldat sur son maître, mais comme un guerrier qui mesure l’ampleur d’une bataille avant d’y plonger. Le silence dura, lourd, presque provocateur, mais pas une provocation inutile : plutôt celle d’un homme qui sait que les mots qui vont suivre pèseront plus qu’une charge de cavalerie.

L’idée germait déjà en lui. Être le fer brandi… pas seulement une arme. Une figure. Un symbole. Une incarnation vivante de la volonté impériale. Ce n’était pas un simple commandement militaire qu’on lui offrait : c’était une place dans l’histoire. Une opportunité qu’on ne donne qu’à ceux dont le nom résonne déjà comme une promesse de puissance.

Ses bras, croisés comme deux poutres, se déplièrent lentement. Il fit un pas, un seul, qui suffit à remplir la pièce d’une intensité presque physique. Puis sa voix s’éleva, grave, rugueuse, mais teintée d’une clarté calculée.

Dialogue de personnage
« Vous parlez d’ordre, de visage, de volonté… Ce que vous me proposez n’est pas une mission, Majesté. C’est une couronne de fer que vous voulez poser sur ma tête, une bannière vivante pour imposer le silence et la loyauté. »


Il marqua une pause, ses yeux se perdant un instant vers le sol, comme s’il mesurait encore l’ampleur de ses propres mots.

Dialogue de personnage
« Être le fer que vous brandissez… Ce n’est pas seulement écraser des ennemis. C’est porter un Empire sur ses épaules. C’est devenir l’image que les hommes craignent, que les gouverneurs respectent, que les royaumes finissent par accepter comme une évidence. »


Son regard remonta lentement vers l’empereur, dur et brillant à la fois.

Dialogue de personnage
« Et je comprends pourquoi vous voulez m’offrir une telle chose, Majesté. Mon nom, ma lignée, ma force… tout cela peut être façonné en un outil qui ne demande qu’à être manié par une main sûre. »


Il sourit alors, ce sourire froid et rare qui n’atteignait jamais ses yeux.

Dialogue de personnage
« Je ne serai pas une ombre. Je ne ramperai pas dans les recoins comme un espion honteux. Si je suis votre fer, alors je frapperai à visage découvert. Que chacun voie en moi la volonté de l’Empereur, et qu’ils sachent qu’y résister n’est plus une option. »


Il s’inclina très légèrement, assez pour que le respect soit clair, mais pas assez pour perdre sa grandeur.

Dialogue de personnage
« Oui, Sire. Je serai le fer que vous brandirez. Mais sachez une chose : une lame trop longtemps tenue en l’air finit par attirer tous les regards… et par changer le cours des batailles. »


Publié il y a 18 heure(s)


L’empereur l’écouta sans ciller, son regard posé sur lui non comme un égal, mais comme on prête l’oreille à un conteur. Les mots coulaient avec gravité, emplis d’images et d’orgueil contenu, mais Borodari n’en retenait pas le sens : il en savourait seulement la cadence, le ton, comme on savoure une histoire qui n’a pas vocation à changer le cours du monde.

Lorsque Ryoku acheva, l’empereur resta immobile encore quelques secondes, puis inclina lentement la tête. Un sourire discret effleura ses lèvres, entre amusement et condescendance.

Dialogue de personnage
« Vous avez l’âme d’un orateur, Ryoku. »

Il fit un pas en avant, ses mains toujours jointes derrière le dos, et sa voix s’abaissa, ferme, tranchante :

Dialogue de personnage
« Je recherche un colosse. Pas un philosophe. »

Il s'approcha alors du seuil de la porte de sortie tandis qu'à la fenêtre, une silhouette semblait observer la discussion.

Dialogue de personnage
« Je ne vous demande guère cela. »

Il se mit à marcher en direction dans le couloir et s'éloigna en continuant :

Dialogue de personnage
« Vous partirez demain. »

Publié il y a 17 heure(s)


La porte claqua doucement derrière l’empereur.
Ses pas résonnèrent quelques secondes dans le couloir de l’hôtel avant de disparaître complètement. La chambre retrouva son calme, seulement troublé par le grésillement d’une vieille lampe au-dessus du lit défait.

Ryoku resta debout, planté au milieu de la pièce. Les mots de l’empereur traînaient encore dans l’air, comme une odeur de poudre après le tir : « Je recherche un colosse. Pas un philosophe. »

Un instant, il ne bougea pas. Son regard se tourna vers la fenêtre. La silhouette qui l’observait plus tôt n’était plus là. Rien que le rideau qui battait doucement, poussé par un courant d’air.

Il inspira lentement. Son torse massif se souleva dans un souffle qui ressemblait à un grondement retenu. Ses mains, posées sur ses hanches, se crispèrent puis se détendirent. Pas un mot au début. Juste le silence. Et puis, la voix vint. Grave. Usée. Une voix qui ne cherchait pas à convaincre mais qui promettait.

Dialogue de personnage
« Demain… »


Il marquât une pause, se parlant à lui-même.

Dialogue de personnage
« Demain vous l’aurez votre colosse. »


Il se mit à marcher, lentement, dans la chambre trop étroite pour lui. Le plancher grinçait sous ses bottes, chaque pas sonnait comme un avertissement.

Dialogue de personnage
« Pas un beau parleur. Pas une statue qu’on contemple de loin. »


Il serra la mâchoire, le regard fixé droit devant lui.

Dialogue de personnage
« Un colosse qui avance. Qui encaisse. Qui écrase quand il faut. Et qui reste debout quand tout le reste est à terre. »


Il s’arrêta près de la fenêtre, le rideau claquant contre son épaule. Dehors, la rue brillait sous la pluie. Quelques passants couraient, silhouettes floues sous les lampadaires. Ryoku les observa un instant, puis laissa tomber, plus bas.

Dialogue de personnage
« Demain, vous verrez. »


Il ne souriait pas. Il ne fanfaronnait pas. Ce n’était pas une menace. Ni même une promesse grandiloquente. C’était dit comme un fait. Simple. Inévitable.

Il tira sur le rideau, plongea la pièce dans la pénombre et s’assit sur le bord du lit. Le vieux matelas grinça sous son poids. Il resta là, les coudes sur les genoux, le regard perdu dans l’ombre.
Demain, il serait ce colosse.

Et le monde n’oublierait pas.



Publié il y a 16 heure(s)