Le message était clair, même dans sa froideur bureaucratique : Discrétion, élimination autorisée et aucun témoin. Une cible à identifier au-delà des murs qui protégeait la ville de Kinchū et le silence comme unique récompense. Elle en connaissait les règles désormais et savait à qui elle donnait sa vie. Mais ce que l’Empire ne disait jamais à voix haute, c’est pourquoi on l’envoyait, elle, à la nuit tombée.
Son pouvoir s’était éveillé à la douleur, puis nourri du rejet. Le Meiton. Un mot ancien, effacé des textes officiels, encore chuchoté dans certains cercles comme une chose qu’on préférait croire disparue. On disait que ceux qui le maniaient ne contrôlaient pas seulement le vide : ils le devenaient. Ce n’était pas un feu qu’on invoquait, ni un vent qu’on dirigeait. Le Meiton, c’était l’absence. L’annulation. Une extension de soi dans l’ombre, un pouvoir qui enveloppait, qui noyait, qui étouffait. Il ne brillait jamais. Il dévorait la lumière. Il ne frappait pas fort ; il effaçait. Un pouvoir lié à l’instinct, à la traque. Parfait pour suivre les traces d’un traître.
Au fil des années, Mai avait appris à s’y fondre, à ne faire qu’un avec l’obscurité. Les ombres réagissaient à sa présence comme une seconde peau. La nuit, elle voyait sans voir. Elle se déplaçait là où les regards ne portaient plus. Parfois, elle pouvait même désolidariser sa propre silhouette, glisser une part d’elle-même à travers un mur, un interstice, une faille. Une archère invisible dans la nuit et une prédatrice que l’Empire gardait dans l’ombre.
Elle n’y pensait plus vraiment. Ni au regard des autres, ni au sien. Elle ajusta le carquois sur son dos, gestes silencieux, précis, maîtrisés. Elle en avait l’habitude. Elle n’était plus tout à fait une femme aux yeux de ceux qui l’envoyaient. Le mot absence étai ce qui pouvait au mieux la définir désormais. Un instrument direct du Gouverneur, déployé sans détours pour faire appliquer la volonté de l’Empire. Ce même Code du Juste Pouvoir qu'elle se répétait sans arrêt.
Le Meiton que possédait Mai, n’était pas une arme secrète, ni une ruse. C’était un pouvoir qu’on exhibait, une force brute que l’Empire brandissait pour écraser toute opposition, pour traquer sans relâche ceux qu’il voulait chasser: les shinobis, les traîtres, les insoumis.
Pour la trentenaire, tout cela n'était plus un ni don, ni une malédiction. Elle était un outil, une extension froide et tranchante de la loi, une méthode brutale mais efficace pour traquer ce que l'Empire voulait effacer.
Se répétait-elle en franchissant le seuil, abandonnant derrière elle le calme illusoire de son refuge pour entrer pleinement dans le jeu brutal qui l’attendait.