La réponse était rare et précieuse : un Kenketsu. Peu savaient que le Prince avait un jeune frère… le second, et le seul Kenketsu originel. Celui qui avait participé à la création du virus. Celui qui, jadis, avait sauvé les siens d’une mort certaine.
Mais à la différence de son aîné, il n’avait jamais goûté à la liberté. Sa voix, son influence, s’étaient révélées trop encombrantes. Car Kamitsuki avait prôné l’éradication pure et simple des humains, une rupture totale qui aurait plongé le monde dans un chaos irréversible. Le Prince, alors, n’avait eu d’autre choix que de l’écarter.
Il ne fut ni le premier ni le dernier à s’opposer à son frère. Mais lui… lui occupait une place à part, presque insoutenable, aux yeux des autres Kenketsu : il était perçu comme une seconde parole divine, une voix capable de contester l’autorité de l’originel. C’est ainsi qu’il avait été relégué, isolé, enfermé dans les ténèbres des souterrains de Tsuyo.
Pourtant, malgré son exil, Kamitsuki demeurait. Vivant. Intact. Durant des siècles, il avait nourri le savoir des gouverneurs, comme une conscience oubliée que l’on consultait en secret. Asservi, contraint de répondre aux problématiques des humains qu’il méprisait.
Mais depuis quelques années, tout avait changé. Hidetakadan Borodari, loin de se contenter d’un simple oracle, avait transformé l’ennui en divertissement. Ensemble, ils avaient échafaudé des machinations, dessiné les contours d’un nouvel ordre, et préparé le retour de ce que Kamitsuki avait jadis combattu aux côtés de son frère. Désormais, il ne transmettait plus seulement du savoir… mais l’ombre d’un pouvoir ancien, réveillé par l’ambition d’un seul homme.
« Toujours pas de cadavre de… Kuromoku ? J’aimerais vraiment confirmer ma théorie… Un Kirishitan pourrait me suffire… Je suis certain que tu en caches quelques-uns… »
Le gouverneur bascula simplement la tête de gauche à droite : non.
« Autre chose. Des phénomènes inexpliqués. Dans le Sud. »
Le Kenketsu ricana, mais son visage se figea bientôt dans un sérieux glacial.
« Le sang animal n’est pas fait pour moi. Et je n’ai plus aucune raison de m’acclimater au sang des miens. »
Kamitsuki devint impatient. Un monde de paix ne l’amusait guère. Il se savait prisonnier… mais il savait aussi que l’Empereur ne pourrait survivre bien longtemps sans ses précieux conseils.