Les draps d’une tente de fortune claquaient doucement au rythme du vent, mêlé d’odeurs de sang séché, de sueur, et de cendres. Ichihime avait les mains tremblantes. Non à cause du froid, non à cause de l’effort. Mais de ce vide qui s'était installé en elle. Cette impression sourde de ne pas avoir été à la hauteur. D’avoir vu la guerre de ses propres yeux, non plus comme une idée lointaine, ou un écho dans les récits des anciens, mais comme une entité vivante. Féroce. Inhumaine.
Elle se tenait à genoux près d’un jeune garçon dont le bras avait été traversé par un éclat d'une flèche explosive, selon les informations reçues. Ses gestes étaient sûrs, mais sa gorge était nouée. Et pourtant, quelque chose avait changé.
Les paroles de Miyuka tournaient encore dans sa tête. Cette femme, qu'elle avait toujours regardée de loin comme un idéal inaccessible, l'avait encouragée pendant un bref instant lors du retour de leur mission. Un regard et quelques mots. Simples. Profonds. Ichihime avait pleuré, après ça. En silence. À l’abri des regards. Pas de honte. Juste… un soulagement. Un soulagement mêlé à une peur persistante celle de ne pas être suffisante. Mais aussi, au fond, une étincelle. Celle d’une résolution timide mais réelle.
Oui. Elle allait rester. Pour Miyuka. Pour Eiko. Pour tous les autres. Son regard se posa sur l’intérieur de sa sacoche. Elle hésita un moment, puis glissa deux doigts à l’intérieur pour en sortir ce bout de papier chiffonné que Chikara Hikaru lui avait tendu, presque discrètement. Ses mains tremblaient à nouveau.
FLASHBACK
« Si jamais tu as besoin d'aide... »
Son les mots qui lui revinrent en tête. Elle n’était pas prête à changer de "camp" aimant beaucoup trop ses camarades pour les abandonner à leur sort. Elle le rangea donc soigneusement. Cela pouvait attendre. Ce secret brûlant, elle le porterait seule pour l’instant avec les deux témoins de la scène. La priorité, c’était eux. Les blessés. Les vivants. Ceux qui avaient encore une chance.
La médecin se releva doucement et se dirigea vers la tente principale, là où les cas les plus graves attendaient. Son chakra était à bout, elle le sentait. Mais elle n’avait pas encore atteint sa limite. Elle passa près de Seishiro, toujours à l’écart. Elle hésita. Il semblait perdu dans ses pensées, la mâchoire serrée, le regard tourné vers rien. Elle s'arrêta à sa hauteur, douce et fragile comme un souffle.
« Seishiro-san… Si vous avez besoin de soins supplémentaires… ou juste de parler… je suis là. »
Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit cela. Peut-être parce qu’elle voyait en lui un reflet de ce qu’elle ressentait cette culpabilité invisible, ce poids du devoir mal rempli. Ou peut-être simplement parce que c’était dans sa nature de tendre la main. Elle pensa brièvement à Kimino-sama et toutes les déceptions qui se présentaient à lui.
Puis vint le tour d'Eiko-sensei. Cette femme, pour qui la jeune kunoichi n’avait jamais cessé d’éprouver une admiration silencieuse. Forte, droite, capable. Eiko incarnait tout ce qu’Ichihime rêvait un jour d’être. Une femme qui savait prendre des décisions, même dans la tourmente. Une lumière dans le chaos. Lorsqu’elle aperçut la silhouette familière de sa sensei entrer dans la tente de Kimino, Ichihime sentit son cœur se serrer. Non pas de peur. Mais de cette émotion si particulière qu’on ressent face à quelqu’un en qui l’on a toujours cru, et que l’on n’a pas envie de décevoir.