[FB an-2] Mission d'escorte avec Seijuro

Len avait ce matin-là, reçu un nouvel ordre de mission. Il s'agissait de l'escorte du riche Hayate et de son fils Shin. Les deux hommes devaient être récupérés dans un petit village au sud de Konoha, et ensuite conduis dans un autre lieux, à Kusa no Kuni. Le voyage serait long et nécessiterait plusieurs jours de marche. Le brun était à l'heure devant les grandes portes qui séparaient Konoha du monde extérieur. Il attend son coéquipier : Kitto Seijuro. Il connaissait cet homme de vue, l'ayant maintes fois croisé dans le village. Pour autant, il ne savait presque rien à son sujet. Il semblait plutôt renfermé et solitaire. Ces traits de caractères pourraient notamment expliquer l'absence d'occasion de faire plus ample connaissance. Pour cette fois, ils n'auraient probablement pas d'autres choix. Len n'était pas réfractaire à cette idée. Il s'asseyait sur un petit muret et attendait patiemment l'arrivée de cette homme.

La douceur suave des premiers rayons de soleil se faisait ressentir dès lors que l'aube se leva. Un contraste si lourd avec le froid glacial de la nuit qui s'épuisait mélancoliquement... Mais, depuis quand en était-il ainsi ? Quelques jours, ou quelques mois ? Sûrement même depuis des années... Le temps avait lui-même fini par se perdre de monotonie, et la boucle semblait ainsi bouclée.

Effectivement, depuis sa plus tendre enfance, Seijuro n'avait cessé de combattre l'intarissable tragédie que le destin avait choisi de lui infliger. Mais, à toute chose ayant son égal, les épreuves avaient fini par avoir raison de sa combativité. Il avait fini par se rendre à l'évidence que l'entêtement n'était qu'une futilité de plus, un ornement encombrant qui finirait forcément, tôt ou tard, par peser lourd sur la balance...

Etait-ce réellement comme cela qu'il voyait les choses dans leur fond ? Un cercle parfait, parfaitement fermé, où toute action, qu'elle qu'en soit la forme, n'en serait que vaine ? Il avait vécu beaucoup de choses, et à chacun le libre droit d'en juger, peut-être trop pour pouvoir passer au-dessus, peut-être pas assez pour savoir que l'avenir ne se dérobe pas sous le prochain pas. Il avait fini par aboutir sur une pensée mortuaire de la vie, un entonnoir blâmant tout soupçon de gaieté, une succession de fondamentaux n'emportant avec soi que le désarroi et la disgrâce de l'échec... Le sentiment d'impuissance...

A chaque vie s'accompagne indubitablement avec étroitesse la fin de toutes choses, l'espoir peut naître mais s'écumera nécessairement dans une dernière livraison dont personne ne peut se soustraire. Et c'était cette pensée obscure qui poussait Seijuro à s'enivrer chaque nuit par maladresse, dans le seul but de soumettre un répit à son humeur, sa tristesse. Mais la méthode n'était sans nul doute pas la plus adaptée, car dans son malheur, il avait fini par s'enfermer.

Shinobi de légère renom au sein du village de Konoha, il avait accompli avec aisance les missions qu'on lui avait confié. Que ce soit en solitaire ou en groupe, il s'était toujours tenu à l'écart, dans un silence assourdissant.
Pourquoi ne trouvait-il pas la volonté d'engager de nouveaux liens ? Une appréhension ? Une peur ?
Pour cette quarantaine qu'il s'infligeait de lui-même, il avait fini par susciter des moqueries, ou parfois un certain effroi. Mais ce qui était néanmoins sûr, c'était qu'à ce moment précis, il n'accordait aucune once d'importance à autrui, et il ne recevait aucune faveur amicale. Les quelques inconscients qui avait tenté d'engager une conversation avec lui n'étaient repartis qu'accompagné d'une sourde ignorance, au mieux d'un regard.

Qu'étaient-ils donc tous ? Des compagnons ? Rien, il n'en était rien d'autre que des étrangers. Le clan Kitto ? Des palabres de sombres crétins souhaitant évoluer sous une bannière commune. Le même sang ? Foutaise.

Il avait reçu un ordre de mission au petit matin, une escorte. Une escorte en équipe. La mission serait menée à bien, elle lui prendrait un certain temps, mais tout serait fait dans les règles de l'art, avec la même désinvolture face à ses coéquipiers que pour toutes ses précédentes missions. Mais, il n'y avait ni haine, ni arrogance dans son attitude... Uniquement... De l'ignorance. son équipier était appelé Chikara Len, un nom et un visage dont il avait déjà pris connaissance dans le passé.

Effectivement, arrivant sur le lieu de rendez-vous, il le vit, assis paisiblement sur un muret que le temps n'avait pas épargné. Une arrivée discrète. Il se tint alors debout, sur le même muret que son nouveau compagnon de mission avait trouvé à son aise. Statuant ainsi dans le plus creux des silences, il n'était pas décidé à s'engager dans les plus banales formalités de présentations. Une mission devait être effectuée, c'était à ce moment, la seule chose qui importait.

Len se relevait, nonchalant, et tapotait ses fesses pour enlever la terre sèche restée accrochée à son pantalon. Il avait hésité un moment, mais il avait deviné sans mal que son compagnon préférait rester en silence. Il n'avait donc pas cherché la discussion. Le brun avait ensuite franchit les portes sans adresser un nouveau regard à son équipier. Il n'avait pas regardé en arrière. Seijuro le suivait probablement. Sans aucun doute même. Le garçon réalisait ses missions sans faire d'histoire. Du moins, c'était la connaissance qu'il avait sur la question. Il avait pris la direction du petit village. Il savait où il allait, il n'avait donc nulle besoin de concerter son allié pour décider d'un itinéraire quelconque. Cependant... Il surviendrait sûrement un moment où la prise de parole serait inévitable. Len soupirait intérieurement. C'était souvent difficile de collaborer avec ce genre de types asociales. Deux heures plus tard, le duo arrivait à bon port. Len se dirigeait sur la place principale du village qui s'organisait autour d'une fontaine. Il y avait quelques marchants de fruits et de légumes, ainsi que quelques passants. C'était ici que le point de rendez-vous était fixé.

Parfait. Un konohajin qui savait enfin se servir du premier outil mis à sa disposition, à savoir ses yeux, son sens de l'observation. Sans doute, l'arrivée que certains auraient pu juger de nonchalante, voire d'impolie, avait ici fait son message. Le silence demeurait en ces premiers instants de rencontre la plus fiable des reconnaissances. Quelques mots avaient suffit.
La suite se déroula dans le même murmure du vent, dans le même chuchotement des feuilles qui s'entremêlent inlassablement dans la grande forêt de konoha.

Il existait alors en cet instant une ambiguïté extrême, une situation où la compréhension ne pouvait s'expliquer de raison. Deux êtres, à peine rencontrés, se mêlant suffisamment de confiance pour des moments ordonnés... Se laisser persuader de la bonne justesse d'écouler de son temps en compagnie d'autrui, sans se soucier même d'un éventuel conflit. Qui était Chikara Len ? Un simple shinobi brun, à l'allure globalement gracieuse ? Seijuro se murait derrière une respiration douce, il ne pouvait laisser les mots entrer dans une valse explicative et personnelle, un maniement doux et usuel de ces derniers dans l'ultime but de mieux se faire comprendre, d'expliquer les raisons de sa pénible souffrance et de cette blessure qui heurta son âme meurtrie au plus profond de ses songes mêmes. Qui pouvait le comprendre en cet instant ? Un étranger dénaturé de quelques instants, sous le seul prétexte que tous deux soignaient d'attention le même village ? Possédaient-ils seulement le même dévouement ?

Les actes demeureraient à jamais plus forts que les mots...
Le destin graverait-il entre leurs deux âmes un lien si intense que même les dieux en pallieraient ? Feraient-ils de ces deux êtres une promesse unique de sacrifice ultime s'il le fallait ? La promesse du sang...


Les hommes finirent par arriver au niveau du village marchand. Le compagnon de Seijuro aimait vraisemblablement prendre les choses en main, tout au long du trajet, ce dernier avait marché en tête, sans se retourner. Un choix judicieux, et audacieux. Eviter le malaise d'un échange échoué. Toujours étant, le rejeton du clan Kitto ressentait quelque chose de positif dans ce binôme, l'avenir laisserait d'avantage de confirmation aux premières impressions.
La place principale présentait un charme certain, une activité commerciale peu foisonnante, mais qui se remplissait au fur et à mesure que le temps s'écoulait. Bientôt, la visibilité fut masquée en partie par une foule dont la croissance semblait effervescente. Embrigadé au milieu de la cohue, Seijuro estima que l'élévation restait la meilleure des options pour repérer les deux hommes à escorter.

D'un coup d’œil, il repéra l'endroit le plus élevé de la place, une sorte de petite restauration échafaudée sur plusieurs étages. Ce ne fut que l'histoire de quelques sauts pour en rejoindre l'ultime hauteur. Perché ainsi, son regard pouvait plus aisément scruter l'horizon, déchiffrer les visages des personnes qui semblait être dans l'attente...
Un homme et son fils... Il s'agissait bien là du dénommé Hayate et de son fils, les deux cibles à escorter. Un autre détail tapa cependant dans l’œil du Chuunin, un homme et une femme... Ces deux-là semblaient fixer étrangement Hayate et Shin.
Très vite, Seijuro retrouva la terre ferme et rejoignit son compagnon de mission.



Il se contenta de dépasser Len et d'avancer jusqu'à cet boutique qui semblait être un fleuriste, c'était là que se trouvaient les deux hommes à escorter.

C'était la première fois que Seijuro lui avait adressé la parole. Pas de fioriture, il allait à l'essentiel. C'était sûrement suffisant pour mener à bien cette mission. Len tenait à saluer son effort, mais sans en faire de trop. Il disait juste d'une voix simple et même plutôt discrète finalement :



Il esquissait un sourire. Plutôt satisfait du signe de coopération de son équipier. Il ne remarquait quant à lui aucun individu louche parmi cette petite foule. Arrivé devant le fleuriste, il saluait les deux hommes qui confirmaient alors leur identité.



Il attendait d'avoir fait quelques pas en dehors du village pour demander à Hayate.



Il était préférable de poser la question. Finalement, les ordres de mission en disaient bien peu sur les protagonistes à escorter et la direction indiquée pouvait elle-même être une feinte. Len se demandait quel genre de menace pouvait bien entourer ces deux hommes.

Chikara Len semblait avoir une réflexion plus poussée que la moyenne des shinobis que Seijuro avait rencontré jusqu'alors. Il avait, d'ores et déjà, envisagé le fait que la petite escorte n'était pas de la même simplicité que ce qui avait été annoncé. Et, son intuition ne serait pas trompée en cette date. Hayate pris alors la parole.


Ah, une faille.
Pourquoi de simples archéologues devraient à tout prix avoir besoin d'une garde rapprochée constituée de deux shinobis ? Et puis qui étaient ces deux personnages aperçus un peu plus tôt dans la journée ? Pas de doute, un mystère rodait encore sur cette affaire, mais Seijuro ne souhaita pas s'investir pour le moment, il attendrait un moment plus opportun pour ne pas froisser les deux hommes. Peut-être que le fils s'avérerait plus bavard.

La journée de marche se poursuivit, après un nouveau calcul d'itinéraire. Iwa nécessiterait tout autant de marche, et peut-être même plus de prudence. La journée finit par s'écouler dans un silence relatif, et le soleil commençait à taper l'horizon des montagnes. Il fallait trouver un endroit pour passer la nuit...

Len était plutôt suspicieux quant à ce changement d'itinéraire. Quelle en était la raison? Quelles étaient les craintes de ces deux hommes? Hayate n'avait pas l'air très décidé à confier davantage d'informations aux konohajins. Les considéraient-ils eux aussi, un petit peu comme des ennemis ? La coopération n'allait pas être facile et le brun allait se sentir bien seul dans cette mission. Seijuro n'était pas plus bavard qu'Hayate et la majeure partie du trajet s'était effectué en silence. Après plusieurs heures de marche, la nuit commençait à tomber et la décision s'imposait d'elle-même de s'arrêter à la prochaine auberge. Alors que la lune avait complètement remplacé le soleil, le lieux qui nous offrirait l'hospitalité était tout trouvé : une bâtisse en pierres qui se dressait au milieu des bois. Probablement un repère pour les marcheurs. Le petit groupe entrait et saluait le patron.



L'ancien approuvait avec un geste assez lent de la tête. Et puis il les invitait à s'asseoir à une table.



Le ton était à la proposition, mais Len savait que le choix n'était pas véritablement à faire. Il ne laissait pas vraiment leur chance à Hayate et son fils de chipoter et disais simplement :



De toute façon, il ne trouverait probablement pas d'autre auberge avant d'avoir parcouru des kilomètres.

Le silence de la randonnée commençait à peser lourd sur chacun des membres de l'expédition. Le repos de la soirée serait donc le bienvenu. Chikara Len s'était occuper de la négociation avec le gérant de l'auberge, tandis que les deux escortés continuaient de se murer dans un silence de plomb. Les quatres hommes se restaurèrent ainsi.

Seijuro s'exila alors à la nuit tombée, tant il aimait se ressourcer dans l'obscurité du crépuscule. Les volatiles de la nuit émirent leur requiem nocturne en cœur cette fois-ci... Le Chuunin aimait ses instants, et il les aimait d'avantage quand ils étaient accompagnés d'alcool, dosé subtilement. Le sake cette nuit-là avait bon goût... Dans les anciens temps, il était coutume de dire que la saveur du sake était le parfait reflet de la paix intérieur de celui qui le dégustait. Rares avaient été les fois où ce dernier avait été si délicat et si suave. Quelle en était la signification ?

Puis soudainement, un bruit, le craquement d'une brindille écrasée. Quelqu'un était dans les alentours. Qui était-ce ? Len venait-il tenter de converser à une heure si reculée ? Ou bien il y avait-il un danger qui souhaitait côtoyer de plus près le jeune Kitto ?

Len se réveillait souvent la nuit et celle-ci n'avait pas fait exception. Il s'était levé pour boire un verre d'eau, faire ses petits besoins et puis il avait été jeté un oeil dehors histoire de se donner bonne conscience. Les deux shinobis n'avaient pas discuté d'un tour de garde, se sentant peut-être à l'abris de tout danger ? A tord ou à raison qui sait. Le nez dehors, il pu apercevoir grâce à la lumière reflétée par la lune une silhouette qui lui semblait familière. Il s'approchait, plutôt curieux de trouver son équipier de mission ici, à une heure si avancée de la nuit... Il distinguait bientôt une bouteille en verre posée près de lui. Loin de l'idée d'un alcoolisme régulier, le brun s'imaginait plutôt les tourments qui pouvaient hanter le Kitto. Seijuro avait-il remarqué quelque chose de suspect sur le trajet ou lors de leur arrivée à l'auberge ? L'homme n'était pas du genre bavard et notre héros l'imaginait tout à fait ne pas révéler ce genre de détail. Len s'assit près de lui. C'était quelque part une manière de montrer qu'il était ouvert à la discussion. Et puis il tourna son visage vers son accolyte et demandait en désignant la bouteille de saké :



A vrai dire, il ne s'attendait pas réellement à une réponse. Seijuro était une personne véritablement silencieuse. Si l'homme ne marquait pas une négation, Len se servirait comme s'il avait entendu un "oui".

Le visage se dévoila progressivement de l'ombre du crépuscule. Ce n'était finalement que Len. Ce dernier s'approcha alors pour se joindre au jeune Kitto. Le jeune homme ne semblait pas non plus réellement bavard, car depuis le trajet, les mots échangés avaient été en nombre à peine suffisant. C'était un blocage qui brimait Seijuro à chaque volonté d'engager une conversation. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas discuter. Pourtant, il s'en sentait incapable, toujours exclu et refoulé dans des situation où les mots ne pouvaient prendre place. C'était peut-être là, le début et la fin de l'orgueil... Un orgueil forgé dans un deuil inoublié et inachevé... La solitude effrénée d'un petit garçon qui épousa au parfait relief l'évolution de sa jeunesse pour le sublimer dans cette stature inexpressive. La douce lumière de la lune éclairait les visages des deux compagnons... Un frisson parcourut le dos de Seijuro. Etait-ce là, le premier signe d'un changement ? Le destin, la nature, dans sa toute grandeur conviait-elle le chuunin à s'ouvrir un peu ?

Mais... Rien ne se résolut à sortir du fond de sa gorge. Le temps qui l'avait séparé de réel contact remontait à une époque qui lui semblait être d'une autre ère. Avait-il jamais un jour eut ce sourire radieux qui illuminait son visage lors d'un début d'enfance paisible ? Avait-ce jamais été ce même garçon que son grand-père avait tendrement éduqué, pour l'élever à ses yeux comme aucun des hommes qu'il avait pu rencontré ? En ce jour... Celui qu'il fut autrefois, n'était plus... Un doux reliquat résidait en son coeur, mais l'éclat s'était affaibli. C'était sur le requiem triste et mélancolique de la nuit que le chuunin se sentait le mieux. Seul, et à l'écart de tout partage théâtralisé. Et pourtant, la venu du Chikara ne le dérangeait pas, au contraire. Il était satisfait de ne plus être seul dans ce lieu.

Len attendait visiblement une réponse pour pouvoir se servir. Partager une coupelle de Sake était un acte véritablement important aux yeux de Seijuro. Le Chikara en avait-il seulement conscience ? Il se souvenait des mots de son aïeul quant à ce sujet... Lorsque deux hommes se retrouvent à échanger leurs pensées autour d'un peu de sake, un lien véritable se soude entre leurs âmes pour immortaliser ce moment de partage sans pareil.
Etait-ce pour cette raison que le sake avait meilleur goût ? Parce qu'il s'apprêtait à être partagé ? Seijuro extirpa de sa besace une seconde coupelle, qu'il remplit aux deux tiers et la tendit à son acolyte. Dans le même élan, il trouva la conviction de s'exprimer.

Len était surpris d'obtenir une réaction de la part de Seijuro. Sous cette lune, il semblait être un autre homme. S'était-il passé quelque chose ce soir-là, avant son arrivée ? Ou bien l'alcool l'avait-il rendu nostalgique ? Beaucoup de questions restaient sans réponse dans la tête de l'homme à la longue chevelure brune.. Mais il ne comptait pas interrompre ce moment de partage avec des questions ennuyeuses voire désagréables. Len souriait et attrapait la coupelle amicalement tendu avec un sourire léger. Il n'était pas question d'en faire trop non plus, mais l'homme savourait ce moment. Il disait simplement d'un ton calme et d'une voix discrète :



Il portait alors la coupelle à ses lèvres et en buvait plusieurs gorgées. Il avait quelque part envie de profiter de cet instant pour entamer la discussion avec son acolyte. Mais il craignait de casser quelque chose et de retrouver le Seijuro froid et distant avec qui il avait fait équipe toute la journée. Seijuro allait-il briser une nouvelle fois le silence ? Allait-il servir un autre verre à Len qui avait presque fini sa coupelle ? Réponse dans le prochain message.

La scène était presque cérémoniale. Mais c'était, à cette époque, le mal de Seijuro. Il s'était lui-même renfermé dans une carapace qu'il ne parvenait pas à fissurer seul. Et pourtant, il était ridicule pour un shinobi de s'être autant porté sur le deuil d'une personne au point de s'enfermer dans un étau de brime n'ayant aucune cesse, à aucun moment. Effleurer du doigt la sortie de cette malédiction qu'il s'était lui-même infligé l'effraya soudainement. Quel intérêt pouvait-on tirer de vivre pleinement en la compagnie de tant d'âme, vouées à disparaître les unes après les autres ? Quel intérêt peut-on trouver à s'attacher pour mieux se déchirer lors de la perte de ces êtres chers ? Dans quelles conditions et sous quelle forme peut-on réellement se détacher du doute continuel du moment, de l'instant que le destin choisira pour prendre son dû ?

La lune n'était pas amer en cette nuit, elle n'était par sa lumière que l'incarnation même de la toute beauté. C'était sa douce lumière qui éclairait les lieux, tristement plongés dans un silence mortuaire. Les yeux portés vers cet astre reflétant la lumière de soleil, Seijuro respirait calmement. Il profitait de ces instants de répit, l'âme et l'esprit en paix. Puis il ferma les yeux, baissa la tête. Il ne doutait aucunement que la bonne conduite à tenir n'était pas celle de la veille ou des jours précédents encore, il savait que Len respectait son silence mais ne le gratifiait pas. Comment aurait-il pu comprendre ses raisons sans même le connaître ? Il n'y avait aucun onguent, aucune solution viable pour cette douleur... En parler ne changerait rien.

Les deux hommes buvaient à petite gorgée cette douce solution, enraillant et incinérant petit à petit leur corps. Seijuro remarqua que la coupelle de son allié venait à présenter son fond. D'un simple geste muet, il la remplit une seconde fois. Il ne dégagea aucune expression sur son visage, aucun sourire. Il était plongé dans ses pensées, dans ses doutes. Il allait faire le premier pas, et déverrouiller la situation... C'était alcoolisé par un quatrième ou cinquième verre qu'il perdit cette inhibition... Les mots précédents n'avaient été qu'une entame, qu'une brèche. Len avait bien fait de ne pas essayer, le froid aurait pu être jeté par insistance.



Il manquait un morceau, énoncée ainsi il n'y avait pas de sens à cette phrase. Mais c'était une amorce à prendre ou à laisser...