Raiko éclata d'un fin, se masquant la bouche de sa manche, de la façon la plus maniérée possible. S'il était parfois difficile de plaire, le jeu était de parvenir à glisser comme l'anguille entre les propos adverses et s'incruster entre les murs de la raison de son opposant, pour lentement y déverser son poison. La grande brune l'impressionnait tout de même ; de sang Hattori, sa dévotion à sauver son amie Miwaku forçait le respect. Mais pour avoir côtoyé dans sa jeune enfance le grand Masashi et sa jeune soeur et épouse, Raiko aimait croire qu'il connaissait les Hattori assez bien pour faire changer d'avis la kunoichi. Peut-être se trompait-il ? C'est ce que le jeu lui apprendrait.
Mais avant de poursuivre, il se tourna vers les clients oubliés. D'un grand geste théâtral, il ouvrit les bras, s'interposant entre eux et Fumi.
« Messieurs, messieurs ! Yuna-chan est indisposée à poursuivre ses soins pour le moment. Cependant, laissez-moi vous proposer mes meilleurs soins. Jun, si tu veux bien ! »
Une belle et élégante femme glissa vers les différents hommes, ouvrant légèrement son kimono enfin de dévoiler des seins lourds et doux. Si certain grognerait, Jun saurait les dérider.
Bien, voilà une chose de réglée. Ne restait plus qu'à s'occuper du cas de Yuna.
Raiko fit volte-face et s'installa sur l'un des bancs près de l'entrée, où l'on faisait patienter les clients. Il baissa un peu la voix, invitant ainsi Fumi à en faire de même. Il devait s'en débarrasser rapidement, ou alors ses affaires en pâtiraient. D'autant plus que son tempérament rassurait sa Yuna, ce qui énervait Raiko. Mais le montré aurait été de dévoiler ses cartes et c'était la dernière chose à faire devant un Hattori.
« Mademoiselle la kunoichi, en posant le pied dans cet établissement, vous avez ouvert la porte d'un organisme qui vous dépasse. Je ne vous ferais pas de fausses promesses, comme je peux si bien en faire auprès de mes clients ; tout ce qui est ici n'appartient qu'à moi. Or, sachez que mes choses, j'en prends soin, et qu'elles me sont chères. Pourquoi croyez-vous que ces filles travaillent pour moi ? Se prostituent pour moi ? »
Il fixa Yuna, mais continuait de parler à Fumi.
« Car toutes ces filles ne sont bonnes qu'à ça. Après tout, vous devriez comprendre... N'êtes-vous pas vous-même une Hattori ? Que pensez-vous qu'il adviendrait si vous ne pouviez pas sécréter du poison... Ou pire encore, que vous tombiez amoureuse d'un jeune homme d'un autre clan ? Une erreur, mademoiselle la kunoichi, peut parfois coûter chère. Et l'on doit apprendre à vivre avec cette erreur ou mourir. »
Son regard se fit plus insistant cette fois, envers Yuna, et celle-ci trembla.
« Vous avez raison, ce n'est pas une question d'argent... Yuna-chan, si tu veux partir, fais-le, mais sache que mon bordel te sera toujours ouvert. »
Raiko se leva, et si l'on pouvait croire que l'entretien était terminé, au dernier moment, il se retourna lentement. Son regard, cette fois, n'avait plus rien d'aimable et accueillant. Ses propos étaient cinglants, ce qui contrastait avec sa voix contrôlée, voir sereine.
« Pars et assume le choix de n'avoir été qu'une pute toutes ces années. Peut-être que ta mère te pardonnera... Peut-être qu'elle te comprendra... Comme moi... je... t'ai... compris... »
Les derniers mots n'avaient été qu'un chuchotement, et le filet se refermait sur sa proie.