Un monstre peut en tuer un autre. C’est ce que pensa Raiko, voyant Genichi attraper à la gorge sa belle et fidèle Jun. En retrait, ses yeux s’étaient à peine écarquillés, et le Miwaku avait souri par réflexe. Lorsqu’il avait commencé à remarquer l’ombre, son intérêt grandissant l’avait amené à de drôles de rumeurs… Était-ce vrai que cet enfant avait été entraîné par des Hattori ? Son association avec l'intendante de Kumo était loin de prouver le contraire.¸
Perdu dans ses pensées, Raiko en oublia presque Jun, qui mourrait lentement aux bouts des bras d’un assassin. L’androgyne s’approcha d’un pas léger. D’une main, il toucha le dos de son invité, comme l’on touche l’eau pour y créer une onde.
Le ton qu’avait employé Raiko était étrange, car plein de contraste. On pouvait ressentir la sourde colère de l’enfant à qui l’on avait pris un jouet, mais on reconnaissait aussi cet ordre paternel et compréhensif.
Puis lorsque l’ombre lui lâcha la gorge, Raiko, sans même un regard, ajouta.
La belle prit un moment avant de se relever et se dirigea vers la porte. Dans son regard, son maître vit une chose qui lui déplût : Genichi avait cassé la confiance que lui portait la belle.
Raiko se tourna lentement vers l'assassin. Il se devait de l’éduquer, surtout si, depuis tout petit, il n’avait été le jouet que de ces monstres d’Hattori. Cette voix, il employa un ton plus doux, plus aimant.
« Des choses changent. L’attaque au funérarium. Kumo sera bientôt prise dans cette courbe de changement et la force qui l’y poussera sera trop grande pour reculer. »
Raiko, tandis qu’il parlait, restait immobile. En ces traits, on pouvait reconnaître les qualités oratoires de la grande Dame que fut Chihiro. Toutefois, chacune de ses paroles était imprégnée de ce doux venin égoïste… Il passait sous silence son approche du FDLP, car cela ne le concernait que lui.
« Le clan Miwaku a été bien meurtri, ces derniers jours. Si la panique prend, bientôt, nous ne serons plus que des poupées cassées pour ce grand bordel qu’est Kumo. »
L’allusion le fit sourire. Puis Raiko emprunta un visage triste et détourna la tête.
« Mais peu me suive dans cette pensée, et en tant qu’homme du clan, je n’ai aucun pouvoir… Mais peut-être que toi pourras-tu m’aider ? »
Il tendit une main timide vers l’ombre, mais la ramena aussitôt. Sa comédie était parfaite. Et Raiko jubilait, dans ce rôle de martyr.
« Ma mère t’a-t-elle un jour parlé de cet équilibre qui dirige le monde ? Ne crois-tu donc pas que le clan Miwaku pourrait, à son tour, avoir une meilleure place sur la balance ? »