Tout le déroulement qui suivit les premiers instants s'enchaîna sur un rythme et un ton beaucoup plus froid, frôlant les limites de la tolérance de Seijuro. Il était dans ce bureau le subordonné, mais il n'était pas non plus la marionnette que l'on souhaitait faire de lui. Quelques instants de silence suivirent le discours du Hokage Uzumaki. Avait-il conscience que son discours comportait des points, auquel il n'avait pas même demandé de seconde version ? Il semblait s'être contenté de la version de cette gamine arrogante qu'il avait choisi comme bras droit... Alors pourquoi et dans quel but avait-il convoqué ces deux hommes de caractère, s'il s'en remettait pleinement à l'insouciance et à la démesure orgueilleuse d'une seule des parties du conflit ? Seijuro se crispa amèrement dans son fond, puis il prit quelques respirations pour détendre les mauvaises idées qu'il venait d'entendre.
Le discours n'avait cependant pas tout de négatif, Gekido semblait vouloir adresser des objectifs et des limites précises aux deux hommes qui lui faisaient face. C'était une bonne chose de la part d'un chef de village. Dès lors que Seijuro avait découvert sa nouvelle fonction, il avait d'ores et déjà su qu'il n'aurait aucune plainte à adresser. Ce furent les mots, ordres et menaces qui suivirent qui déplurent au chuunin. Souhaitait-il une docilité hypocrite de part et d'autre du village ? Souhaitait-il posséder des chiens soumis pour compagnons et bras armés ? Ou souhaitait-il des hommes de caractère et d'orgueil qui sauraient épauler et penser par eux-même, sans avoir à s'en remettre au protocole élémentaire dressé par une simple blessure portée à une fierté de vergogne au nom de cette relation malsaine qu'il entretenait avec cette cadette de décennie ?
Seijuro releva les yeux, ses pensées étaient murées au fond de son esprit, gardant cette apparence respectueuse, il souhaita intervenir comme un shinobi devait le faire, c'est à dire en faisant respecté son statut et la confiance qu'on lui portait. Il faisait désormais parti de la section Ruto, et il n'était pas ce genin sortant des bancs de l'académie à qui l'on peut adresser une réprimande sans avoir en connaissance l'intégralité des événements à juger.
« Hokage-sama, je prends pour mots dits, les instructions que vous venez de nous transmettre, mais pour autant, et en tant que représentant de la minorité relative des Kitto, je souhaiterais répondre à cette disconvenance. »
L'idée était lancée, il poursuivit.
« L'honneur pour moi ne saurait se mesurer que d'avoir l'opportunité de faire partie de la section Ruto. Pour autant que je puisse l'appréhender, je n'ai eu de difficulté à la rencontre et à la tolérance sociale que par mes propres limitations. Il n'existe pour l'heure aucune humilité dans l'ombre de celle que vous considérez comme votre main droite, et c'est la seule raison qui puisse expliquer un manquement de discernement, autant qu'il soit coupable, des deux côtés de la balance. Alors oui, Hokage-sama, j'ai failli à une attitude que la bonne morale souhaite... Mais le problème n'aura de nouvelles récidives lorsque les rencontres de bonnes vertus se présenteront. »
Il respira avant de poursuivre.
« Puissiez-vous comprendre mon discours ? Je ne tiens pas à tarir l'immense portrait de magnificence que vous lui accordez, mais sachez qu'il n'y a de réelle faute que lorsque les deux parties manquent à leur fonction. D'autant plus que dans les conditions que l'on a dû vous reporter, tout aussi orgueilleux que nous puissions être avec Keisan, le moindre des convenances aurait été de se présenter. Je ne suis pas une piétaille, ni même un subordonné lambda qui se nourrit d'irrespect. »
Puis il concéda.
« Je me doute que votre précieux temps est compté quant à cette discussion, mais permettez-moi de profiter de votre présence pour éclaircir les faits qui ne semblent pas être doté de la plus véritable réalité. Keisan pourra trouver les mots à compléter si jamais, il en jugeait le contenu incorrect. »
C'était sa manière de s'approprier de force les quelques prochaines minutes pour donner son avis, son discours et son opinion sur une fracture désormais passée. Une nouvelle respiration, courte, il enchaînait les mots avec aisance et fluidité. Il s'agissait là également de démontrer qu'en temps qu'homme de main, il n'était pas seulement une langue bien armée, il possédait aussi une capacité de réflexion saine et telle, qu'il savait mesurer le bon du mauvais, même en sa propre défaveur.
« A l'augure d'une journée ensoleillée, je décuvais d'une habitude mauvaise tandis que votre bras droit s'acheminait à remettre en état l'arène. D'une demande sans forme ni mérite, cette brave dernière s'envenima d'une réponse inexistante. Comme je vous l'ai dit, nous sommes vos hommes, nos corps et nos esprits ne sont pas à la disposition d'humeur méprisable, la politesse nous est un minimum dû. Vexés et attisés en ce mépris de forme, nous refusâmes de porter soutien à cet amoncellement de mauvaise volonté. Malgré nos présentations respectives, et nos tentatives d'échange courtois, nous n'avons pas même eu l'obligeance d'entendre le nom de cette promise supérieure. Vous-mêmes, n'auriez jamais eu de pareilles idées que de mésestimer l'honneur et le respect que vous auriez à nous considérer. D'un mot à l'autre, les esprits se sont échauffés sans pour autant perdre de pied les limites de la revendiquée fraternité. Mais, de la jeunesse d'inexpérience à l'insouciance de conséquence, c'est sous des menaces virulentes que nous fûmes confrontés. »
C'était un discours accusateur, malgré sa bonne observation, il faisait preuve d'un esprit légèrement subjectif. Pour autant, il frôlait d'avantage les douceurs de la vérité que le discours que l'on avait su tenir aux oreilles du maître des lieux.
« Bien que nous n'ayons su contenir certains mépris quant à la désolation consternante du manque de civilité, il n'existe dans tout le pays du feu, aucun homme, aucun shinobi en apprentissage, qui aurait su accepter ces remarques de menaces... Auriez-vous préféré que nous fuyions comme des chiens battus ? Ou préférez-vous, avoir pour compagnon de discussion des hommes ayant pour vertus l'honneur, qui résonne dans l'enceinte du village de la feuille ? Aussi puissante que puisse être votre bras droit, Hokage-sama, il n'existe de dérogations quant à l'atteinte des règles tacites qui s'exercent entre tout homme du pays. Alors si vous me demandez, et je doute de l'éloignement du discours de Keisan, pour quelles raisons et dans quelles circonstances les événements regrettables se sont-ils passés, je me contenterais de résumer la totalité au manquement de respect envers tout homme quel que soit son statut. Manquement ayant entraîné une attitude de retour avec dysfonction disciplinaire. »
Les mots étaient lourds et pesants. Il fallait que tout soit dit pour ne plus revenir dessus. Il fallait que tout soit décrié et entendu pour que les rancœurs tendent à trouver un apaisement. Gekido s'était proclamé être cet homme à la chevelure de feu et à l’œil pourvu de cicatrice, un homme juste. Allait-il réellement l'être et prendre en considération le mauvais ressenti de ces deux hommes ?
« Cependant, toute la faute m'appartient quant à la mauvaise conduite durant le tournoi de paix. Les raisons sont propres et m'appartiennent, n'en tenez pas rigueur à Keisan.
Je ne suis pas un homme belliqueux de nature, et pour fêter la paix instaurée, je ne souhaitais reproduire un exemple de guerre. J'ai préféré un affrontement d'un autre genre, et pour cela, je vous présente mes plus sincères excuses, Hokage-sama. »
Seijuro inclina légèrement la tête, c'était sa manière à lui, de témoigner son respect, et ici plus particulièrement, de sa culpabilité.
« En revanche, je suis persuadé que les échecs permettent d'entrevoir dans l'esprit de son adversaire bien plus loin que certains interrogatoires musclés. Mais, si mon chef de section n'y juge aucune utilité, je m'abstiendrais. »
Il reprit une respiration régulière, avant d'achever son discours.
« Mais... Si vous doutez ne serait-ce qu'un seul instant de la rationalité de mon discours, si vous soupçonnez la moindre mauvaise foi, et si vous jugez bon de vous reportez à une seule partie de la discorde... Alors laissez-moi refuser cette promotion, et laissez-moi de nouveau enchaîner les missions de moindre responsabilités. Je ne souhaite pas être l'homme d'un Hokage qui douterait de ma parole et de mon honneur. »