Las, lessivé. Il n'était plus que l'ombre de lui-même, une loque coincée dans une routine épuisante aussi bien psychologiquement que physiquement. Entrainement, entrainement, entrainement. Il vivait reclus depuis quelques jours, mois, ou peut-être années. Il n'en savait rien, ne comptait plus. Plus rien n'avait d'importance. Ni le vent, ni la pluie, ni la solitude. Il l'avait cherché, il l'avait mérité. Il s'était donné en spectacle et avait ridiculisé tout Kumo, à deux reprises, avant de rentrer à la niche, la queue entre les jambes. Minable. Il s'en voulait, il se haïssait et il sentait que le village aussi. Il était devenu asocial, acerbe et ne vivait plus du tout. De toute façon, son isolement forcé était une bonne chose. Il n'aurait pas supporté de continuer son petit bonhomme de chemin, l'air de rien. Il n'aurait pas supporté toutes ces pupilles dorées pointées vers lui, les remontrances silencieuses et la rancœur sous couverte de compassion de ses frères d'armes. Non, il n'aurait pas supporté.
Il regarda l'état de ses mains : abimées. Comme tout son être. Des mois qu'il s'acharnait à détruire tout ce qui se présentait à lui : arbres, roches, cibles improvisées. Des résidus de son sang maculaient les murs environnants, sa peau s'arrachait à divers endroits de son corps comme une mue de serpent. Muer, changer. Renaitre. C'est ce qu'il aurait voulu.
Une voix trop connue le sortit de sa torpeur mais le déchu ne daigna même pas relever les yeux. Pas envie, pas la force. Il connaissait ce visage déjà trop bien et imaginait très bien l'émotion qu'il y aurait lu. Il aurait pu l'ignorer et attendre qu'il parte, se condamner à vivre seul et à mourir seul mais un mot le fit changer d'avis. « Raikage ». Il ne l'avait donc pas complètement oublié ? Renié, repoussé, exilé, certes, mais pas oublié ! Une faible lueur d'espoir traversa ses prunelles ambrées qu'il dirigea vers l'intruse qui, elle, continuait de parler en le toisant de haut.
Sa voix était aussi morte que lui. Aucune conviction, aucun ton et pourtant, elle était différente de celle d'autrefois. Il se demanda de quoi elle voulait parler, avec lui. Peut-être de sa mort prochaine. Peut-être voulait-elle remuer le couteau dans la plaie. Ou peut-être pas. Il se redressa et se tint droit face à elle, espérant lui faire comprendre qu'elle avait attisé un peu sa curiosité sans avoir à le dire avec des mots.