Sous la lueur d'une pensée, une obsession ne cessait de prospérer, hantant lentement chaque image qui se construisait, qui se reconstruisait, suite à l'anéantissement psychologique. L'homme n'était pas venu pour l'empathie d'une rencontre, d'un bon esprit ou d'un échange mélodieux. L'harmonie ne se trouverait que dans le dérangement des esprits, dans l'approfondissement d'une blessure et des scissures d'une entaille dont les plaies ne s'étaient soumis à aucun onguent suffisant. Il n'était pas question pour lui de prêcher la miséricorde et la sympathie, alors que son esprit véritable peinait à trouver le réconfort d'une accalmie. Les douleurs meurtrières s'amorçaient sur la culpabilité dont il se rendait coupable dans une exagération malsaine. Reportant le poids des vices et des crimes à l'inaction la plus complète, à un éthylisme devenu trop chronique épousant l'assertion d'un pseudo-pacifisme clanique, à l'oppression cinglante d'une peur qui s'était installée depuis de nombreuses années. L'esprit de l'homme était troublé par de nombreux éléments de confusions, mêlant l'anxiété d'un passé inacceptable à un présent dont l'horreur s'était imposée en maîtresse incontrôlable... Les mots fusaient pour témoigner d'une irrépressible volonté d'action, d'intervenir à posteriori pour tenter de combler tout ce qui semblait avoir fait défaut. Le travail n'était pas celui d'un seul homme, mais à chaque pensée se voue le culte d'une conviction... La conviction de Seijuro se conjuguait à l'impuissance, à l'incapacité de défaire les événements... Mais le temps n'a aucun maître, il est une notion que les hommes subissent sans possible mesure. Seule l'acceptation et la composition en permettent le meilleur usage. Quelle en était cette difficulté en ces instants...
Taram semblait proposer des mots visant à apaiser l'esprit du Kitto... Son devoir était source de culpabilité encore plus prononcée, d'un cisaillement plus marqué, son appartenance au clan Uzumaki devait être une contrainte additionnelle. Comment raisonnait-elle ? Se souhaitait-elle clémente envers les rescapés d'un clan dont les dérives ont marqué à jamais l'éclat lunaire du village de la feuille ? Se sentirait-elle injuste ou infidèle en se montrant plus agressive dans les accusations ? Quelles étaient devenues les limites d'un village prônant une tolérance qui s'était avérée être son propre talon d'Achille ? Un drame n'était-il pas suffisant pour encrer dans les esprits la réalité des crimes commis, la réalité de l'horreur de l'esprit humain, la réalité d'une indignité de la condition humaine telle qu'on se la propose ? Que fallait-il pour que le village cesse de se cacher derrière des prétextes afin de tolérer des situations compromettantes ? Le sang de la pire criminelle, de la pire traîtresse était au sein du village, et qu'avait-il subi ? Des interrogatoires... Des surveillances... Le crime autorisait-il réellement l'exploitation de méthodes plus brutales, moins pardonnables ?
Le Kitto fixait froidement la jeune femme qui semblait amorcer la fin de la discussion, se proposant une rencontre ultérieure, dans la mesure d'intérêt, d'interrogations fondées sur des preuves. L'amertume de ce constat froissa le futur Jônin. Faudrait-il que Shimazu Uzumaki se rende coupable, à son tour, d'un crime dédié à la haine d'une partie humaine, à la volonté d'extermination d'un peuple pour être mis derrière les barreaux ? Et encore, le serait-il réellement ? Après tout, Kazami et Gekido étaient parvenus à s'enfuir...
« Kazami n’était-elle pas elle-même l’expression caractérisée de la confiance donnée aveuglément ? »
Le regard de Seijuro exprimait désormais une sévérité, une froideur inexorable. Le ton que sa voix avait prit était aussi obscure que les pensées qui lui traversaient l’esprit à ce moment-là. Taram s’était proposée de l’accueillir, aimablement, mais c’était peut-être cet excès de sérénité qui exacerba les mauvaises pensées du Kitto. Cette femme, portait l’estime du shinobi… Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher d’exprimer le mépris à travers une position qui se soumettait à la pensée de bonnes mœurs, d’une éthique peut-être trop lisse, trop plate, d’une éthique qu’il aurait peut-être pour une fois fallu bafouer.
« Ne devons-nous pas pleurer suffisamment d’âmes en peine ? N’avons-nous pas subi suffisamment de préjudices alloués à l’excès de confiance ? Combien d’entre nous sont tombés ce soir-là ? Combien de mari, combien d’épouse, combien de fils, combien de fille ? Sous quel prétexte pouvez-vous aussi aisément fermer les yeux ?
J’imagine qu’il n’est pas judicieux de vous porter à faux, Taram-san, comme il est difficile pour quelqu’un d’aussi extérieur que moi, de comprendre la quantité pharaonique de tâches à effectuer, des responsabilités que votre rôle requière... Et je suppose que le village impose des directives qui nous expose, tous, à une récidive tragique.
Mais réussissez-vous réellement à vous contenter d'un résultat comme celui-là ? Je ne souhaite inculper aucun d'entre nous, mais je ne peux mentir sous la volonté d'accorder une confiance mensongère. Que ferions-nous si Shimazu demeurait être un traître ? »
Tournant les talons, s’apprêtant à quitter les lieux.
« Cependant, je vais suivre vos conseils j’imagine. Partir à la rencontre de cet homme et m’en tirer un avis personnel. Mais, comme vous le dites, les apparences sont trompeuses et les mascarades ô combien trop faciles à revêtir pour celui qui le souhaite. Je ne me juge pas de qualité suffisante à cela. »
Etait-ce un reproche ? Etait-ce plutôt le ressenti réel du Kitto ?
Il ne savait que trop bien que tous les membres de cette escouade étaient bien plus doués pour enquêter qu’il ne le serait jamais. Mais la bêtise de laisser un homme dangereux par l’expression d’une folie potentiellement héréditaire, sans surveillance, ne lui serait pas tolérable.
Restant de dos, sans pour autant avoir effectué un pas supplémentaire, le Kitto ajouta quelques remerciements, à sa manière.
« J’aimerais soumettre l’idée d’une traque, cherchant à retrouver notre ancien Hokage ainsi que sa comparse. Pourrais-je compter sur vos connaissances pour m’aiguiller dans la formation de cette escouade ? »