Cela faisait une semaine qu'Asae suivait les cours de Haïko, une geisha rusée et maligne qui lui avait enseigné à le paraître et la fourberie dont elle était maitresse.
Au début, Asae n'avait pas vraiment compris ses cours. Mais après deux trois jours et des exemples flagrants, ces petits tours l'avaient convaincu. Dans la vie, il faut être fort de corps ou fort d'esprit et la carrure enfantine d'Asae ne laissait pas vraiment le choix. Les mots sont des armes puissantes.
Aujourd'hui, elle retrouvait l'Oka-Sân pour lui faire son rapport sur cette semaine mais elle se doutait que cette rencontre ne tournerait pas uniquement autour de cette semaine. Elle retenait difficilement son empressement et sa hâte. Rencontrer la matriarche et recevoir ses conseils était très instructifs pour la future geisha qui ne se lassait des anecdotes qu'on lui comptait et des conseils qu'on lui apportait.
Arrivée à la porte du bâtiment, elle ralentit sa marche pour paraître plus paisible, sereine, et entra en saluant timidement les sœurs présentes aux portes. Elle s'avança à pas de chats et s'agenouilla sur le coussin mis à sa disposition, face à l'Oka-Sân, la tête respectueusement basse. Une courbette plus tard, la conversation débutait, entrecoupée par une vilaine toux.
La vieille femme parlait en énigme, survolait des points sans les approfondir. Son visage, bien que maquillé, exprimait une grande fatigue et Asae ne mit pas longtemps à comprendre que la maladie rongeait la geisha de l'intérieur. Elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour elle, en silence.
Était-ce son jeune âge, son inquiétude pour sa supérieure ou tout simplement une légèreté d'esprit ? Asae avait du mal à voir où la conversation allait mener. L'Oka-Sân la regardant, elle se sentit obligée de répondre.
« Les enseignements d'Haïko -sensei ont été très instructifs, Oka-Sân. »
Que répondre d'autre . La jeune adulte comprenait que les termes sombres de son aînée visaient son état de santé et sa mort prochaine. C'était comme un adieu en avance.