Leur déplacement se fit dans le silence et l'obscurité. La jeune servante finit par frapper de manière codé à la porte. Elle avertit la personne qui s'y trouvait à l'intérieur de la présence qu'elle conviait. Kazuko suivait le pas, entrant avec légèreté et grâce dans une pièce plutôt bien décorée. En tant voulu, cela aurait pu être bien plus chaleureux et accueillant, mais la belle Miwaku comprit très vite que sa présence ici n'était pas pour compléter un magnifique tableau. En se rapprochant davantage, elle contemplait la belle femme qui s'y trouvait. Sa tenue, sa coiffure et son parfum, elle avait l’élégance de celles qu’on devine puissantes, imposant la retenue que l’on réserve aux figures qu’on ne tutoie pas.
Dans geste méticuleux et fluide, la Miwaku s'inclina poliment avant de prendre place. Kazuko sentait un parfum de fleur rare, léger comme un souffle, assez discret pour intriguer, assez tenace pour marquer. Une odeur particulièrement agréable, mais qui pouvait réduire bien facilement à une confiance aveugle.
« Que puis-je faire pour vous ? »
L'Okasan n'était pas certaine, elle avait cette impression de déjà vu. Cette femme lui rappelait quelque chose, mais elle ne réussit aucunement à rassembler les fragments de son esprit pour s'en souvenir. La clef qu'elle a été autrefois pour ouvrir la porte entre le monde des hommes et de cet être... lui avait laissé une belle séquelle. Elle souffrait d'amnésie antérograde, mélangeant par moment des souvenirs qui n'étaient pas les siens.
À l’instant où ses pieds quittèrent le sol, son esprit fit de même. Et dans ce flottement forcé, la mémoire s’effaça. Voilà le contre coup que la belle femme avait subi au cours de cette quête emplit de mystère. En tant que mère du clan, elle avait eu la chance d’être entourée de nombreux fidèles qui, par leur présence constante, l’aidaient à raviver les fragments de son passé et à reconstruire les contours de son histoire. Grâce à eux, elle parvenait à saisir la réalité du présent, évitant ainsi de se perdre dans un décalage trop profond avec le monde qui l’entourait. Cela expliquait pourquoi elle n’avait pas pu offrir à Chizue, la jeune impératrice de Kumo, l’éducation qu’elle méritait.
De ce fait, elle se demandait en silence quelle nouvelle pièce elle était appelée à jouer, quel rôle secret cette présence imposée venait désormais servir. Ce mystère laissait intacte son apparence, comme si elle portait sans effort un masque de sérénité absolue. Aucun signe de trouble ne transparaissait dans ses gestes mesurés ni dans son regard calme.
Il n’y avait là ni anxiété ni impatience, seulement une beauté naturelle, paisible et inébranlable, qui semblait flotter au-dessus de tout ce tumulte. Sa voix, quand elle s’élevait, était douce, presque un murmure, capable de charmer sans jamais dévoiler ses véritables intentions. Ce contraste entre la tranquillité apparente et le questionnement intérieur conférait à Kazuko une aura à la fois énigmatique et magnétique, comme si elle détenait un secret que personne ne pouvait saisir.