Raiko resta silencieux devant la naïveté de son interlocuteur. Il y avait quelque chose chez Kokujo qui faisait remonter en lui des émotions puériles. Il voyait en l’Hattori une chose bien molle et bien faible, un pacifique dans un clan de guerrier ; un mouton chez les loups. Il était de la trempe d’Asae, il était une créature innocente. Pourtant, malgré la pitié qu’aurait dû ressentir le bellâtre à l’encontre de Kokujo, son sentiment était bien différent : il le comprenait.
Prenant son temps pour répondre, il but son thé longuement avant d’observer les badauds qui traversaient la place centrale. Quand Kokujo finit sa tasse, Raiko pour la lui remplir de nouveau. Un rare moment de lucidité lui dit réaliser comment il calquait les manières de ses sœurs de clan, faisant tout pour parraître femme. Comment il s’était adapté, métamorphosé, pour rentrer dans le moule. À sa manière, Kokujo lui était supérieur. Cela effrayait Raiko.
Après un moment, le Miwaku poussa un soupir et reprit.
« Vous me surprenez Kokujo. »
Il but une nouvelle gorgée, dont il prit le temps d’apprécier les saveurs avant de poursuivre.
« Ma situation n’est rien comparée à la vôtre. Je me suis élevé au-dessus de mes pairs, confrontant l’essence même de mon clan afin de parvenir où je suis... et je ne vois rien. Aucun avenir ne m’attend. Or, aussi mal vus qu’ils soient, j’ai mon titre, ma réputation... Vous ? Vous n’avez rien. Vous avez perdu votre place dans les bonnes grâces d’Hidemi, vous refusez l’essence même du shinobi, vous vous opposez aux fondations de ce village et... vous ne souhaitez que sirotez votre thé dans un village sain. »
Raiko continuait de se méfier, mais il avait toujours eut une langue bien déliée.
« En théorie, vous ne me seriez d’aucune utilité, si ce n’est celle que de provoquer Hidemi. »
« Mais j’en ai assez de faire ainsi. J’ai l’impression de tourner en rond. Kokujo, je suis seul. Je l’ai toujours été. Je le serai toujours. Même si la position de nos clans s’équivalaient, je ne serai jamais plus que le bâtard de la grande dame qu’a été ma mère... »
Raiko tourna la tête, le regard dans la vague.